lundi 31 mars 2008

L'étudiant étranger de Philippe Labro

Dans les années 50, après avoir décroché son bac de philo, notre jeune français de 18 ans (dont le prénom n’est jamais cité dans le roman) est invité à étudier, pour une durée d’un an dans une université de Virginie. Une fois sur place il découvre le fonctionnement du système universitaire américain : les fraternités, les bals trimestriels, les sorties du samedi avec une « date », les équipes et installations sportives du campus… mais aussi la ségrégation raciale qui a lieu aux Etats-Unis.
Un soir d’hiver, chez les Jennings il rencontre April, 21 ans, une jolie noire et en tombe amoureux. Pour vivre cette relation hors-norme pour l’époque, et de surcroît dans une Virginie totalement ségrégationniste, notre étudiant va devoir rompre des interdits. Briser l’Honor System du campus, franchir la ligne raciale et aller dans la nigger-town. Tout cela pour avoir le droit de faire l’amour à April dans sa Ford au fond d’un ravin. Lors d’un déplacement à Charlottesville, notre étudiant étranger croise le chemin d’Elisabeth qui refuse de jouer à la comédie sociale américaine. D’une certaine façon il en tombe « amoureux d’amitié » et cesse sa relation avec April. Qu’apportera le passage d’un amour interdit à celui d’une riche fille de Boston ? De quel amour notre étudiant a-t-il le plus appris ? De celui d’April et des transgressions des interdits ou de celui d’Elisabeth et de sa comédie ? J’ai apprécié la lecture de ce roman qui nous montre le fonctionnement d’une université américaine et surtout nous emmène dans un univers ouaté, calme et reposant pour les blancs : l’Amérique des années cinquante. D’un autre côté, l’auteur nous fait remarquer que cette Amérique est fortement raciste puisque les noirs ont des postes très secondaires dans l’université. Au travers de la ligne raciale, qui sépare les noirs des blancs, il nous est facilement possible de constater que cette vision du monde va se rompre. Tant de quiétude n’est-ce pas le signe annonciateur d’une déflagration qui arrive avec les années soixante ? Par ailleurs, l’auteur nous « met » vraiment dans les années cinquante avec l’apparition de deux mythes américains qui ont débuté durant cette décennie : un chanteur blanc qui se déhanchait comme un chanteur noir et un acteur de cinéma qui se déplaçait sur l’écran comme une femme. De plus en filigrane apparaît déjà la guerre d’Algérie… Ce livre est finalement un voyage au cœur de l’Amérique des années tranquilles, où regarder la télévision n’est pas encore devenu une habitude nationale car justement le petit écran ne s’est pas encore emparé de la vie quotidienne des Américains. Edouard RODRIGUEZ

vendredi 28 mars 2008

Pourquoi j’ai mangé mon père de Roy Harley Lewis

Edward est un génial inventeur de la préhistoire. Il vit en Afrique Orientale avec sa horde. Il n’a qu’une idée : faire évoluer son espèce à tout prix ! Pour lui, c’est une question de temps. Sa tribu doit évoluer ou disparaître. Il pousse donc ses fils à utiliser au maximum leur cerveau et se désespère de les voir réagir comme des… pithécanthropes. Il se heurte aussi à son frère Vania qui voit dans le progrès une arme terrible capable de tout détruire. « Back to the trees! » répète-t-il à court d’arguments.
Certains actes manqués d’Edward lui donnent raison, notamment le jour où il incendie la forêt en jouant avec le feu mais les innovations d’Edward permettent à sa tribu une nette avancée. C’est ainsi qu’il conseille à ses fils de chercher des femmes ailleurs que dans la tribu. S’ensuit une folle et harassante course-poursuite entre Ernest, un de ses fils, et la belle Griselda à travers le pays. Ernest (et le lecteur !) se rend compte qu’il a été mené par le bout du nez par une Griselda très féministe et qui savait exactement ce qu’elle voulait, en l’occurrence « épouser » Ernest. C’est là tout l’intérêt de ce roman très facile et agréable à lire, qui, tout en étant très documenté, repose sur un humour léger et décalé. L’auteur joue sur les anachronismes aussi bien de situations que de langage : ainsi il a choisi de faire parler l’homo erectus dans une langue châtiée. Ce livre aussi soulève des questions universelles que se posent Edward et sa tribu, mais aussi l’homme moderne : doit-on diffuser ou non les grandes découvertes, la technologie doit-elle servir les plus forts ou aider ceux qui en ont besoin ? Bien sûr, je n’ai pas hurlé de rire à la lecture de ce roman, comme l’a fait Théodore Monod, mais j’ai passé un agréable moment, d’autant plus que ce n’est qu’à la fin de l’histoire qu’Ernest, le narrateur, nous révèle à nous lecteurs mais aussi à ses fils pourquoi il a mangé son père.
Delphine Le Perf

jeudi 27 mars 2008

La belle image de Marcel Aymé

Quelle que soit l'opinion qu'a chacun d'entre nous sur son propre visage, une chose est sûre c'est que c'est bien le nôtre et qu'il n'appartient qu'à nous. Raoul Cérusier directeur du petit cabinet d'affaires qu'il a créé, présente celui du Français moyen parfaitement insignifiant. D'ailleurs personne ne le remarque et il s'y est fait. Bon mari (par amour ou par défaut ?), père de famille attentionné, amant « accidentel » de sa secrétaire, il passe totalement inaperçu et traverse la vie sans se poser de questions.
Or un beau matin, sans qu'il puisse y trouver une quelconque explication rationnelle, son reflet dans le miroir lui renvoie un autre lui-même. Son visage s'est métamorphosé, ses traits sont différents. Il est méconnaissable et ... séduisant ! Le rêve, serait-on tenté de dire, pas sûr !
Dérouté, désemparé devant sa nouvelle apparence, il réalise avec effroi que tout contact avec les êtres qui peuplaient sa vie jusqu'à présent lui sont devenus impossibles. En effet, qui malgré les preuves qu'il pourrait fournir croirait à un phénomène aussi étrange. Cette histoire dépasse l'entendement. Et pourtant, le fait est là. Résolu à sortir de cette situation rocambolesque, il met en œuvre une stratégie de dissimulation et d'exploration d'horizons nouveaux. Découvrant son pouvoir de séduction, il se risque à en jouer, timidement toutefois car, toujours amoureux de sa femme, il décide de la reconquérir. Seulement voilà, y parvenir prouverait qu'elle peut lui être infidèle et cela il ne le supporterait pas. Malgré tout, la tentation est trop forte. Une seule personne est susceptible d'entrer dans la confidence et d'admettre l'inadmissible : son oncle, inventeur original et farfelu, mais le soutien qu'en espérait Raoul va se retourner contre lui. Cérusier est pris dans un piège qui vire au cauchemar. Rien de dramatique pourtant dans ce roman. Habilement, Marcel Aymé par la bouche de son héros qui s'exprime à la première personne nous propose une réflexion sur la place, dans notre relation avec les autres, de notre apparence physique et de l'idée que l'on s'en fait. Jusqu'à quel point conditionne-t-elle notre caractère et notre comportement social. Le ton est alerte mais le propos est grave. La solitude et l'incommunicabilité auxquelles le personnage est confronté nous touchent. L'intimité que crée sa parole nous plonge au cœur des dilemmes qu'il traverse, et l'on ne peut s'empêcher de se demander de quelle façon nous réagirions à sa place. A une époque où la chirurgie esthétique est devenue une pratique courante, on s'interroge sur l'impact émotionnel et psychologique d'une telle intervention sur la personne elle-même et sur son entourage. Un roman court, léger, facile à lire et qui cache bien son jeu. Pour ma part, ayant terminé le livre le soir avant d'éteindre la lumière, j'ai été rassurée de retrouver le lendemain mon décevant mais familier reflet dans le miroir !
Florence TOUZET

mercredi 26 mars 2008

La nuit du forain de Dean Ray Koontz

Mardi 16 août 1955. Ellen Straker, vingt ans, se plonge une fois de plus dans son whisky, tentant désespérément d’y noyer son chagrin. Son fils qu’elle a eu avec Conrad, forain de son état, ne lui inspire pas confiance, malgré ses six semaines seulement d’existence. Ce n’est pas tant sa laideur que le côté maléfique de son bébé qui la tourmente. Elle est persuadée que celui-ci veut la tuer : elle va donc l’assassiner au cours d’une soirée très mouvementée… Conrad ne lui pardonnera jamais. Après l’avoir mise à la porte, il lui jure qu’il passera sa vie à la traquer dans le but de se venger de ce meurtre.
Vingt ans plus tard. Ellen est remariée, a deux enfants, Joey et Amy. Elle est toujours alcoolique et sa famille ne sait rien de son passé tumultueux. Comment expliquer à sa fille Amy qui est enceinte, qu’elle doit non seulement se faire avorter mais surtout ne jamais avoir d’enfant ? De son côté, Conrad est toujours forain et voyage de ville en ville avec ses manèges dans le seul but de retrouver son ex-femme et de lui faire payer très cher le crime commis vingt ans auparavant. A la lecture de ce roman, j’ai ressenti l’atmosphère très pesante que l’auteur a sans aucun doute voulu exprimer à travers les personnages de Conrad, Ellen, Joey, Amy et son amie Liz. Le suspense est omniprésent dès les premières lignes et ne fait qu’augmenter pas à pas jusqu’au point final de la dernière page. Avec ce livre, Dean Koontz a réussi à me captiver comme pourrait le faire Stephen King au meilleur de sa forme. Il m’a été très difficile de lâcher le livre et j’ai même eu par moments l’impression très réaliste de regarder un très bon film d’épouvante à la télévision. J’ai également eu le sentiment de lire beaucoup plus vite que d’habitude, comme pris dans le tourbillon des manèges du forain. Le roman se termine en apothéose avec une troisième partie d’une intensité incroyable, et je pense qu’il n’est pas exagéré de dire que l’on peut enfin recommencer à respirer normalement en refermant cet ouvrage. Je conseillerais ce roman à toutes les personnes aimant le suspense insoutenable avec un brin de fantastique, ainsi qu’aux amateurs de films à sensations. Ce n’est pas le premier livre de Dean Koontz que je lisais, mais « La nuit du forain » est pour l’instant celui que je qualifierais comme étant le meilleur.
Laurent ENGLE

mardi 25 mars 2008

L'horloge bio de Valérie McGarry

Suite à quelques mois de relation sentimentale avec Jean-Phil, auteur de théâtre, Marianne tombe subitement enceinte. Jean-Phil décide alors de lui demander sa main et s’installe chez elle. Non seulement il se montre attentionné envers elle et est un bon père pour leur fils, mais en plus il cuisine et fait le ménage. Seulement, pour une femme qui gagne convenablement sa vie (elle est avocate de métier), et qui plus est très indépendante, Marianne peut sans souci se passer d’une présence masculine. Alors que le futur époux prépare tranquillement la liste des invités à leur mariage, Marianne, de son côté, trouvant la vie à deux plutôt oppressante et étouffante, consulte ses deux amies d’enfance, Léa et Alix, afin que ces dernières lui procurent les meilleurs conseils pour se débarrasser de Jean-Phil.
Les femmes ne savent vraiment pas ce qu’elles veulent... Elles se plaignent souvent que l’homme prend la plupart du temps ses jambes à son cou lorsqu’elles lui annoncent qu’elles attendent un bébé ; et lorsque c’est la situation inverse qui se produit, comme pour le cas de Marianne, qui a l’aubaine de fréquenter un Jean-Phil qui l’aime, qui ne cherche pas à éviter ses responsabilités de père, et qui s’occupe admirablement de leur enfant, au lieu de se réjouir de cette chance inouïe, elle fait tout pour gâcher ce bonheur naissant. J’ai bien remarqué dans l’exemple de ce récit qu’une femme, aussi ambitieuse qu’elle puisse être, doit à un moment donné regarder la réalité en face et faire un choix sur ses priorités dans la vie. Il devient difficile de vouloir tout gérer : vie privée et vie professionnelle. J’ai bien aimé les dialogues dans cette comédie, le vocabulaire utilisé par l’auteure est simple, fluide, dynamique et moderne. Les échanges entre les personnages sont amusants et drôles ; on n’a vraiment pas le temps de s’ennuyer. Les actions sont rapides, on passe vivement d’une scène à une autre, et ce rythme est très plaisant pour la lecture. J’avais bien apprécié le premier roman de Valérie McGarry intitulé « la vie crumble », et j’ai trouvé « l’horloge bio » encore meilleur.
Dai BUI

vendredi 21 mars 2008

Aliens La ruche terrestre de Steve Perry

L’histoire commence avec l’un des cauchemars de Billie. Elle est l’un des survivants de la colonie –habitant sur la planète RIM- victime des aliens. L’an 2092, Billie aujourd’hui adulte, est internée dans un établissement psychiatrique. Elle y suit un traitement lourd, qui consiste à effacer tout souvenir de sa rencontre avec les aliens. Mais malgré cela les créatures continuent de la terroriser dans ses rêves. Seule lueur d’espoir un dénommé WILKS.
Le caporal Wilks des marines orbitaux, est l’autre rescapé de l’attaque alien sur RIM. Il y a de nombreuses années c’est lui qui a sauvé la petite Billie des griffes des aliens. Pour étouffer toutes rumeurs sur la colonie attaquée, Wilks est mis aux arrêts. Aujourd’hui il est rappelé pour mener une offensive contre les monstres de RIM et il n’oublie pas que Billie a besoin de lui pour l’aider à chasser leur démon commun. Une certaine corporation ayant des vues militaires et commerciales sur l’alien, envoie Massey le meilleur exécuteur pour compromettre la mission d’extermination de l’armée, et pour capturer des sujets extraterrestres. Petit hic, l’alien est déjà sur Terre et il n’est pas prêt d’être étudié et manipulé, d’abord perçu par des fanatiques comme une divinité. Il devient vite le cauchemar réel de l’humanité et peut-être même son apocalypse. Cette histoire est éditée pour la 1ère fois en 1988 et raconte la suite des événements du film « Aliens » de James Cameron sorti en 1986. Mais en 1992 le film « Alien3 » de David Fincher débute en relatant la mort de Newt et Hicks ce qui est non conforme à l’histoire « Aliens : la ruche terrestre ». Des modifications ont donc été apportées pour la réédition en 1996 de cet ouvrage, par souci de cohérence avec « Alien3 ». Principalement les prénoms des héros ont été changés : ainsi le marine Hicks devient Wilks et l’enfant est renommé Billie. « Aliens : la ruche terrestre » devient donc une histoire parallèle à la saga cinématographique ALIEN. Steve Perry est un scénariste et nouvelliste écrivant majoritairement dans la science-fiction (notamment de nombreux romans consacrés à l’univers de Star Wars). Il a écrit aussi pour la série CONAN de Robert E. Howard. et travaillé pour de nombreux films comme Titan AE, Batman, Ghostbusters, Street Fighter, Godzilla et Spiderman. Lorsque je lis du Steve Perry, je sens plus la patte du scénariste que celui d’un littéraire endurci. C’est à dire qu’avec Steve il faut s’attendre à un style qui rentre dans le vif du sujet sans s’attarder sur de la description minutieuse ou sur les sentiments des protagonistes, le déroulement du récit et l’action étant favorisés. Ce qui est intéressant dans « Aliens : la ruche terrestre » ce sont les dimensions militaires, commerciales, politiques, terriennes, qui nous manquent dans la saga. On se retrouve dans une chronique de grande envergure, concernant tous les humains plutôt qu’à une histoire isolée et macabre. Steve Perry n’est pas de la grande littérature, mais si vous aimez la série ALIEN n’hésitez pas. Bonne lecture.
Chris MOLLICA

jeudi 20 mars 2008

La dormeuse de Naples d'Adrien Goetz

En 1814, Ingres, le peintre, est à Naples. Il tombe sous le charme d'une jeune femme croisée dans la rue, et lui propose de la peindre. Pendant des mois, la belle va poser pour lui. Naît alors entre eux une relation amoureuse, mais qui ne sera jamais consommée. Elle garde une position ambiguë, semblant s'offrir et se dérober tour à tour aux timides avances de l'artiste ; il n'ose pas la toucher et idéalise leur relation à travers son art, l'aimant en peignant son portait avec frénésie. Au fur et à mesure que le fantasme s'estompe, les liens se distendent, mais la jeune femme meurt subitement, laissant Ingres inconsolable. Le tableau ne sera jamais exposé : on perd sa trace, il disparaît.
Ce roman tourne donc autour de la toile éponyme, que l'on rapproche souvent de la célèbre "Odalisque", mais dont on ignore ce qu'elle est devenue. A-t-elle été perdue ? Détruite ? Recouverte par un autre tableau ? Le livre se compose de trois récits, rédigés respectivement par Ingres, qui raconte dans quelle circonstance il a peint le tableau et qui était son modèle, Corot qui tente de retrouver sa trace, et un rupin de Géricault, qui livre à son tour ce qu'il croit savoir du portrait. Les trois textes, bien qu'assez proches dans leur forme, diffèrent sensiblement par le style, le vocabulaire et la fluidité, Ingres s'exprimant par exemple plus laborieusement que le troisième narrateur, au ton plus libre et délié - tout cela étant révélateur de la personnalité des trois auteurs. Pour autant, les différentes parties du roman sont également intéressantes, en ce qu'elles ouvrent à chaque fois une autre perspective en offrant un regard différent autour de "La Dormeuse de Naples". J'ai beaucoup aimé ce livre, notamment pour son approche originale. Je n'ai pas été surprise de découvrir qu'Adrien Goetz était professeur d'histoire de l'art tant il maîtrise bien son sujet et en parle avec passion et érudition tout en restant accessible. Je garde cependant un sentiment de frustration : d'abord, ce roman pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses, et surtout le mélange entre la fiction et la réalité, revendiqué par l'auteur, entretient un trouble qui, s'il fait en partie le charme du texte, m'a néanmoins un peu gênée. Mais c'est un joli livre, qui m'aura incitée à m'intéresser aux peintres évoqués et à voir leurs oeuvres sous un autre angle, et m'aura ouvert une certaine réflexion sur l'art.
Fanny LOMBARD

mercredi 19 mars 2008

La nostalgie de l'ange d'Alice Sebold

Susie Salmon, 14 ans, a été violée, puis assassinée. Len Fenerman, l’inspecteur qui supervise cette affaire, piste de son mieux le criminel, mais le manque sérieux d’indices et du corps de la victime entraîne le piétinement de l’enquête. Depuis le paradis, Susie regarde ses proches terriblement bouleversés suite à sa disparition brutale : comment continuer à vivre lorsque l’on perd un membre de sa famille et lorsque l’on ignore où se trouve son corps ? Son père Jack se renferme sur lui-même, sa mère Abigail s’éloigne de son mari et ne s’occupe même plus de ses deux autres enfants, sa petite sœur Lindsey de 13 ans a du devenir adulte du jour au lendemain. Jack est persuadé que le meurtrier de sa fille n’est autre que leur voisin Georges Harvey, un individu solitaire aux comportements étranges. Seulement, ses soupçons ne se reposent que sur l’intuition et non sur de véritables preuves.
Je trouve que « La nostalgie de l'ange » est une œuvre très originale, car la narratrice n’est autre que Susie elle-même qui, depuis l’autre monde où elle demeure désormais, assiste à la vie quotidienne des siens et observe comment ces derniers évoluent au fil des jours, des mois, voire même des années… Malheureusement, elle voit également agir son tueur. J’aime bien ce privilège exceptionnel que l’auteure offre à son personnage, celui de pouvoir poursuivre son développement dans l’au-delà, d’avoir cette possibilité de continuer à mûrir sentimentalement et intellectuellement en parallèle avec ses proches dans la vraie vie. Alice Sebold aborde dans cette fiction un sujet délicat qu’est le viol et l’assassinat d’une enfant. J’ai trouvé qu’il y a beaucoup de justesse et de pudeur dans sa façon de décrire le malaise perçu par la défunte et le tourment ressenti par les membres sa famille ; et comment chacun d’eux s’efforce tant bien que mal à surmonter cette épreuve. Toutefois, je regrette un peu qu’il y ait un trop de descriptions qui ralentissent parfois l’action.
Dai BUI

mardi 18 mars 2008

Gone, baby, gone de Dennis Lehane

J’avoue que j’ai été poussée à lire ce roman par la sortie du film et la critique très positive qu’il a provoquée. On dit toujours que les films sont moins bons que les livres, donc, je me suis laissé glisser dans l’histoire. Il s’agit du quatrième volet des investigations de Patrick Kenzie et Angela Gennaro, détectives privés qui nous font côtoyer la face la plus décadente de la société américaine.
Amanda, quatre ans et demi, disparaît de son lit pendant que sa mère est partie regarder la télé chez une amie, sans verrouiller la porte. La petite fille n’a pas de père connu ; sa mère, une jeune femme paumée qui avait déjà avorté trois fois avant de donner naissance à Amanda, boit et se drogue, et surtout se montre plutôt insensible à la disparition de son enfant dont elle parle comme si c’était un animal de compagnie égaré.
Au fil de l’enquête, il s’avère que la jeune femme « travaillait » pour le compte d’un grand bandit qui se trouve en prison et aussi qu’elle a détourné de l’argent lors de la dernière livraison. Lorsque le truand a connaissance de cette arnaque, il commence à manipuler les cordes afin de récupérer son pécule, mais… jusqu’où peut-il aller pour arriver à ses fins ?
Pas à pas on se dirige vers l’horreur absolue. Il s’agit d’une vraie descente aux enfers. Malgré tout, il est légitime de se demander si les apparences ne sont pas trompeuses et les méchants sont bien ceux que l’on croit. Dès le début on est happé par l’histoire et par ses personnages fragiles, attachants, déchirés et meurtris, néanmoins ils sont plein d’humour caustique face à la précarité quotidienne à laquelle ils sont confrontés. Plusieurs fois pendant la lecture, on retrouve la même question : peut-on faire justice soi même ? Doit-on se croire meilleurs juges et exécuteurs que ceux imposés par le système judiciaire ? La fin, justifie-t-elle les moyens et ceci dans tous les cas ? J’ai beaucoup aimé cet ouvrage car l’intrigue est très bien construite jusqu’au dénouement final sombre et surprenant. Une fois refermé on peut dire qu’il persiste en nous un sentiment d’injustice et de tristesse. C’est un livre qui ne nous laisse pas indifférents. Je le recommande à tous les amateurs des romans noirs, très noirs.
Marie LEVEZIEL

lundi 17 mars 2008

La Commune de Louise Michel

Cet ouvrage écrit par la plus célèbre des institutrices françaises Louise Michel ou la « vierge rouge » est un témoignage prenant et édifiant sur les événements de la Commune de 1871.
En 5 grandes parties elle nous décrit le climat politique et social de la France d’après l’Empire et ce qui amène les révolutionnaires parisiens du 18 mars, les communeux à marcher sur Versailles où s’est réfugié, loin de la montée grondante de ses opposants, le gouvernement d’Adolphe Thiers et sa majesté Foutriquet, surnom imagé de Napoléon III.
Rien n’est oublié : la soif des batailles militaires, certes victorieuses par le passé, mais dont le peuple est fatigué, la défaite contre les prussiens et la paix demandée par le gouvernement alors que la victoire restait encore possible (explication de stratégie militaire pour en attester), la famine et les demandes de progrès social du peuple parisien qui décide de s’organiser en République au nez et à la barbe des dirigeants qui semblent leur concéder un jour cette démarche pour mieux les surprendre et les isoler le lendemain par des trahisons et des calomnies jusqu’au jour des massacres. Bref la guerre civile dans les quartiers parisiens car ils ont voulu garder leurs canons, que la garde versaillaise voulait leur reprendre, afin de pouvoir se défendre contre les Prussiens arrivés aux portes de leur ville, car ils veulent SE BATTRE et ne pas se laisser imposer une défaite choisie par leurs chefs incompétents. Voilà en quelques mots le résumé d’une grande période révolutionnaire de l’histoire française, peu connue et enseignée. Est-ce parce que Paris en fût le centre (d’autres grandes villes de France et de pays se sont rebellé à la même période comme nous le rappelle Louise Michel) ou que de nombreuses voix se sont élevées contre les méthodes radicales des insurgés ? Les citations de Victor Hugo, et le témoignage humain de Louise Michel qui ponctuent son livre de dépêches officielles, de décrets, de lettres de déportés… nous livrent le vrai visage du pouvoir Versaillais qui a déclenché les hostilités sur la capitale et qui a assassiné, fusillé sommairement et déporté des milliers d’hommes, de femmes et même d’enfants. Ce que j’ai apprécié dans ce livre c’est la façon dont Louise Michel rapporte les événements clés qu’elle a vécu ou connu par ses compagnons de combat, jour après jour en citant tous les détails d’une vie politique, populaire et judiciaire, en nommant tous ceux qui ont participé, trahi, aidé la Commune. Son langage est imprégné de soif révolutionnaire, de poésie (elle cite des passages de ses poèmes écrits en mer lors de sa déportation pour la Nouvelle Calédonie, dernière partie pittoresque et vivifiante du livre) et de sincérité. Le sang versé ne doit pas être oublié et c’est un livre coup de poing à dévorer pour vivre et comprendre plus largement ce qu’ont connu nos concitoyens il y a à peine 140 ans, entre la Révolution et les guerres mondiales.
Fanny JOLIVET

vendredi 14 mars 2008

L'Atlantide de Pierre Benoit

Pourquoi avais-je confusément associé à priori le roman de Pierre Benoit L'Atlantide à un univers marin? Peut-être par association d'idée avec la ville engloutie d'Ys, civilisation également disparue. Ma surprise fut donc totale quand je me vis projetée en plein désert marocain au début du vingtième siècle durant la colonisation.
Olivier Ferrières, lieutenant au 3ème spahi espère prendre rapidement le commandement resté vacant du poste situé en bordure du désert qu'il occupe avec une infime poignée d'hommes. Or, un courrier du ministère lui annonce l'arrivée d'un nouveau chef, le capitaine Saint Avit. A la réaction du maréchal des logis en apprenant cette nouvelle, Ferrières comprend qu'un malaise entoure la personnalité du capitaine. En effet, parti avec le capitaine Morhange pour une expédition dans le Hoggar, St Avit en est rentré seul et il se murmure qu'il pourrait bien être le meurtrier de Morhange. Dans l'impossibilité de vérifier la version des faits qu'il donne de leurs péripéties, la thèse officielle adoptée par l'armée pour cette affaire l'innocente. Il n'empêche, l'atmosphère est lourde quand le commandant débarque à Hassi-Inifel. Contre toute attente, le premier contact est fort agréable. Le nouveau venu s'avère charmant et Ferrières se résout à admettre qu'il éprouve pour lui une réelle sympathie. Toutefois, la question de son l'éventuelle culpabilité reste posée. En réalité, le véritable but de la présence de St Avit dans cet endroit perdu est la préparation d'une nouvelle expédition qu'il compte mener dans le Hoggar. Ferrières accepte volontiers la proposition de son supérieur d'y participer, mais il s'interroge sur ce qui pousse son nouvel ami vers une entreprise aussi hasardeuse que périlleuse. Pressé de s'expliquer, St Avit raconte l'aventure qu'il vécut quelques années plus tôt avec Morhange. Commence alors le récit d'une épopée qui, bien que débutant dans un contexte d'une réalité tout à fait concrète, va bien vite échapper à toute rationalité. Un univers totalement surréaliste s'ouvre peu à peu devant les voyageurs et rien ne pourra plus les empêcher d'avancer. Ni le sentiment d'extrême danger qui habite Morhange et St Avit, ni la disparition des relations logiques entre les évènements n'auront de poids en face de l'irrésistible fascination qu'exerce sur eux l'univers qu'il découvre. Le réel a disparu. Ils évoluent dorénavant dans une autre dimension, jusqu'à la mort. Conçu comme les poupées russes, plusieurs récits dans le récit s'emboîtent, relatés par les différents personnages qui peuplent ce monde perdu dans le désert. Monde dont on ne revient pas. A l'exception de St Avit... Peuplé de références historiques et littéraires liées aux civilisations disparues qui par moments alourdissent un peu le récit, la magie de ce roman opère. Le style est alerte et la narration de l'histoire à la première personne même si le narrateur n'est pas toujours le même. Le mystère est entretenu et le regard énigmatique des touaregs y est pour beaucoup. L'imaginaire est flamboyant, l'aventure souvent palpitante fait vivre au lecteur un moment hors du temps, dont la principale propriété est précisément de faire oublier celui qui passe, et très agréablement.
Florence TOUZET

jeudi 13 mars 2008

Innocent de Harlan Coben

Il y a quelques années Matt Hunter a purgé une peine de prison pour avoir accidentellement tué un jeune lors d’une bagarre …Il travaille maintenant comme juriste dans un cabinet d’avocat, il est marié avec Olivia qui lui a récemment appris sa grossesse…Tout semble aller pour le mieux sauf qu’un jour il reçoit sur son portable une photo de sa femme dans des poses suggestives avec un autre homme… Il s’aperçoit aussi qu’il est suivi, mais compte tenu de son passé, il ne veut pas s’adresser à la police…Or voilà que la police s’intéresse à lui au cours d’une enquête sur le meurtre d’une religieuse… Le début du roman fait penser à une devinette. Au fil des premiers chapitres, on découvre trois personnages : Matt Hunter, puis une jeune fille à la recherche de sa mère rendant visite à une strip-teaseuse et enfin Loren Muse enquêtrice au bureau du procureur… Ces trois existences sont forcément liées. Mais comment ? Et tout le plaisir de la lecture consiste à découvrir ce lien. Je trouve ce procédé d’écriture très réussi, la lecture devenant ainsi un jeu passionnant. De plus les dialogues fréquents, les phrases courtes et incisives font que l’on est complètement immergé dans le roman et que l’on a du mal à ne pas le lire d’une traite. Parce que, outre une écriture et une construction très efficace, l’histoire est très prenante, d’autant plus que dans le prologue l’auteur nous met complètement dans la peau de son personnage… Cette implication est accentuée par le fait que sa vie est plutôt banale, comme peut l’être la notre… J’ai trouvé intéressant aussi le personnage de Matt, ce jeune homme qui est en fait plus victime que bourreau : il paye encore à travers ses remords le fait de s’être trouvé au mauvais moment au mauvais endroit. Une sorte de fatalité qui a bouleversé sa vie à tout jamais. Sans en avoir l’air à travers ce personnage, l’auteur aborde une réflexion sur le changement que procure un passage en prison sur un être humain…non seulement sur son caractère mais aussi sur la façon dont les gens le perçoivent…Ainsi que sur la peur de la police même si vous êtes innocent, non sans raison puisque celle-ci a quand même tendance à se focaliser sur ceux qui ont fait de la prison. En tout cas, pour moi c’est un bon thriller, même si ce n’est peut être pas le plus réussi de Harlan Coben. On peut toutefois trouver à redire sur le fait que les nombreux rebondissements sont plus ou moins crédibles, que la méconnaissance de l’être aimé est un thème qui revient un peu trop souvent dans l’œuvre de l’auteur, mais il n’empêche que l’on se laisse totalement prendre par le suspense, ce qui est l’essentiel, reconnaissons le…
Nicole VOUGNY

mercredi 12 mars 2008

L'ultime sacrilège de Jérôme Bellay

Mathieu Corneille est Maître couvreur, Compagnon du Tour de France depuis 15 ans. Il est âgé de 33 ans. Depuis 5 ans il fait équipe avec Cotentin, originaire de Bricquebec dans la Manche, charpentier de métier. Leur architecte les dirige sur Reims pour réparer la cathédrale affectée par un orage. L'aile gauche est abîmée sur plusieurs mètres carrés et la saison touristique ne supporte pas une bâche. La cathédrale subjugue d'emblée Mathieu, fasciné par ce qui émane d'elle.
A la porte Nord il croise trois SDF qui font la quête au moment de l'arrivée d'un car de touristes japonais. C'est alors qu'il a des visions où il revit une scène du Moyen Age au même endroit:il découvre Rascard qui travaille sur le chantier de la cathédrale vers 1255. Il aperçoit même Jeanne d'Arc sur son destrier, au XVème siècle. Secoué par cette vision et après avoir failli tomber du toit le dernier jour de son ouvrage, il consulte. Un scanner ne révèle rien, un ORL non plus. Il rencontre Flora qui l'initie à l'histoire de l'art. Ses visions continuent et il aperçoit le Seigneur de Montchicourt qui force l'entrée de la cathédrale. Flora le dirige vers une médium:Véra qui lui révèle sa sensibilité médiumnique et l'invite à se mettre à l'écoute du passé qui veut communiquer avec lui. Des templiers félons voulaient dérober la fiole qui contenait l'huile dont on sacrait les Rois de France. Macias, compagnon d'alors communique du passé avec Mathieu pour qu'il retrouve la fiole et la restitue. Une intervention dans le passé répare le vol impie. On dirait du Crichton où l'on saute du passé au présent et en sens inverse. Un maçon opératif assisté par des maçons spéculatifs vole au secours de la monarchie: hum ! Un Templier commet le sacrilège et veut s'oindre d'huile à la place du roi: on dirait plutôt un officier putschiste qui s'estime trahi par le pouvoir ingrat du sang versé. A se demander si l'auteur n'est pas un vétéran de la guerre d'Algérie. L'on pense au Templier qui affronte Ivanhoé dans l'ouvrage éponyme de Walter Scott et à Notre-Dame de Paris de Victor Hugo. Le style pourrait être plus soutenu mais l'auteur a sans doute voulu éviter la pédanterie de l'Ecole du Louvre. Les amoureux des vieilles pierres apprécieront l'aspect documentaire. Gwenael CONAN

mardi 11 mars 2008

Triomphez de vos angoisses de Tony Whitehead

L'auteur traite dans ce livre qui date de 1980, des différentes formes d'angoisses liées à des phobies. Beaucoup d'entre nous sommes plus ou moins phobiques de quelque chose ou d'une situation; ici le Dr Whitehead développe une problématique universelle, courante, et parfois très invalidante : la phobie. Toutes les formes (ou presque) de phobies et peurs sont représentées : agoraphobie, phobie de l'école, phobies sociales et sexuelles, peur de la maladie et de la mort, phobies obsessionnelles et quelques phobies rares. Pourquoi certaines personnes ont de telles réactions et pas d'autres pour le même « objet » phobique ? Au fil des pages, on va découvrir comment et pourquoi nous arrivons à faire une fixation obsessionnelle sur un animal ou une situation phobique.
Heureusement, on peut en guérir et c'est ainsi que l'auteur nous brosse les différentes techniques qui existent pour s'en délivrer. A l'aide de nombreux exemples et cas concrets, on peut mieux comprendre la naissance des troubles, leur évolution ainsi que les possibilités de guérison.
Malgré l'ancienneté de l'ouvrage, j'ai pu apprécié sa lecture grâce à la simplicité du vocabulaire. Au départ, trompée par le titre, j'ai pensé qu'il s'agissait d'un livre d'auto-guérison sur l'angoisse dans le sens d'anxiété et stress mais la réalité est toute autre puisqu'il s'agit bien de phobies dont il est question ici. Même s'il ne s'adresse pas aux professionnels particulièrement, je vais l'utiliser dans ma pratique d'infirmière scolaire car je suis souvent confrontée à des situations semblables (surtout phobie scolaire) et il sera pour moi un moyen d'apporter des éclaircissements à ma pratique professionnelle. Evidemment, il est à actualiser au niveau des apports : de nouvelles techniques de guérison sont apparues ! (mais pas dans le contenu ) cependant il convient encore très bien à des personnes vivant cette situation directement ou pas. Pour conclure, c'est un livre à lire pour soi ou pour son entourage. Mylène ADELE

vendredi 7 mars 2008

Dernières nouvelles de Dracula

Quand des auteurs tels que Anne Rice, Dan Simmons ou encore Heather Graham se réunissent avec dix-sept autres écrivains de talent, il en résulte un recueil de nouvelles passionnantes sur un thème pourtant déjà souvent emprunté : le mythe de Dracula. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils s’en donnent à cœur joie. Il est difficile de dire si un récit est meilleur qu’un autre car les vingt auteurs nous plongent dans des univers très variés. On voyage dans le temps grâce à « Contagion », de Janet Asimov (un nom très connu des amateurs de science-fiction…) et sa nouvelle futuriste. Dan Simmons nous donne un point de vue très personnel sur Ceaucescu et ses années de pouvoir en Roumanie.
Voici donc une petite sélection de mon choix… « Le maître de Rampling Gate » de Anne Rice : Julie et son frère Richard décident de partir visiter le château de Rampling Gate, dernière demeure de feu leur oncle Baxter. Ils se demandent alors pourquoi leur père, au jour de sa mort, demande à Richard de faire détruire très rapidement ce château pierre par pierre. Anne Rice est au meilleur de sa forme avec cette nouvelle. Elle réussit en trente-six pages et sur un thème très souvent abordé à nous étonner avec du suspense, de l’émotion et du romantisme. « Le processus de sélection » de Ed Gorman : Le tueur à gages Reardon est engagé pour assassiner une personne qu’il, comme d’habitude, ne connaît pas. Et il est bien décidé à accomplir sa tâche sans aucun scrupule. Seulement voilà, il est cette fois persuadé qu’il va au devant de gros ennuis, et pour la première fois de sa vie : il doute ! Est-ce cette lettre contenant les instructions et la façon de procéder pour le moins étrange qui le perturbe ? C’est une excellente nouvelle que nous offre Ed Gorman : on est immédiatement plongé dans l’intrigue et le suspense s’intensifie très vite. On se retrouve piégé aussi rapidement que le personnage principal. « Rêves de vampire » de Dick Lochte : Un acteur et un producteur doivent se rencontrer lors d’un dîner au restaurant pour signer un contrat d’engagement pour un film. Le producteur profite de son statut et de sa fortune pour mépriser tout le monde. Il est d’ailleurs rapidement détesté par l’acteur, qui fait tout pour que les choses se déroulent sans heurts et préfère ne rien dire quant à l’attitude de cet odieux personnage. Il se taira jusqu’au moment où un secret compromettant lui sera dévoilé sur le producteur. Et si le mal venait de là où l’on s’y attend le moins ? J’ai trouvé cette nouvelle excellente grâce à une chute plus que surprenante. Et quand je parle de chute… Mais chut !!! « Question de classe » de Ron Dee : Neville et les vampires, c’est une histoire de longue date grâce aux films diffusés à la télévision et au cinéma. Mais si lui-même devenait un vampire, aurait-il autant d’admirateurs que le comte Dracula ? Il ne lui reste plus qu’à vérifier… puisqu’il devient vampire à son tour. Cette nouvelle aborde un sujet original : comment séduire les mortels quand on est obsédé par une seule chose : boire leur sang ! Ron Dee réussit un tour de force avec ce personnage qui a besoin d’autre chose que ses pouvoirs de vampire pour arriver à ses fins. A découvrir. Je conseille ce recueil à tout le monde. Ceux qui aiment les histoires de vampires seront ravis et ceux qui veulent découvrir le comte Dracula sous des allures différentes des clichés habituels ne seront pas en reste. De plus, il n’est pas toujours question de sang et les histoires ne sont pas très violentes. Les auteurs se servent du mythe pour laisser libre cours à leur imagination et nous manipulent avec des personnages que l’on pourrait parfaitement rencontrer au coin de la rue. . La préface de Léonard Wolf est très instructive, et si les noms de Anne Rice et Dan Simmons vous interpellent, venez les redécouvrir, ils vous étonneront tout autant que leurs dix-huit complices. Laurent ENGLE

jeudi 6 mars 2008

Professeur de désir de Philip Roth

Après une enfance paisible dans l’hôtel Hungarian Royale de ses parents, David Kespesh part dans une université de l’Etat de New-York, y fait la connaissance de « Silky » Walsh, et en tombe amoureux. Hélas, cet amour n’en restera qu’à l’étape des baisers et des caresses ce qui fera naître en lui une frustration.
Ensuite David va étudier un an à Londres où il rencontre deux suédoises, Birgitta et Elisabeth. Entre le merveilleux amour d’Elisabeth, et l’incroyable audace de Birgitta il va accomplir ses désirs sexuels les plus fous. Quelques années plus tard, aux Etats-Unis, lors de sa dernière année d’étude de littérature comparée il croise la belle Helen Baird qui vient de passer deux ans en Asie avec son amant. David envoûté par la beauté physique et les mystères asiatiques d’Helen décide de l’épouser mais voilà qu’au bout d’un an les relations se détériorent et l’attirance sexuelle va jusqu’à disparaître. Du coup, cette union finit par un divorce. Après la mort de sa mère et la vente du Hungarian Royale, David rencontre Claire. Mais le fantôme des « suédoises » revient hanter sa mémoire et Helen réapparaît. Tout cela ne va-t-il pas chambouler l’amour qu’il éprouve envers Claire ? Et Claire n’a-t-elle rien à cacher ? Ce livre de Roth a fait scandale lors de sa sortie dans une Amérique puritaine car le désir sexuel en est le vecteur essentiel. Il nous montre que l’homme et la femme se doivent d’assouvir pleinement leurs fantasmes. Chemin faisant, le désir est toujours présent mais d’une façon différente. Pour ma part je trouve que ce roman n’est pas le meilleur de Roth mais qu’il s’en dégage une leçon d’amour et une leçon de vie. D’amour car sans la réalisation de ses envies l’humain est « bancal » et même en les satisfaisant l’auteur nous montre qu’il reste en nous une part animale jamais rassasiée et qu’il est nécessaire de la dominer sous peine de ne jamais trouver l’équilibre entre l’amour physique et l’amour sentimental. De vie car celle de David est aussi faite d’amitié, de fâcheries, de mort, de moment de détresse, de tendresse. J’ai beaucoup aimé ces instants où David accueille ses parents chez lui à New York et que son père lui apprend que sa mère, atteinte d’un cancer, va s’éteindre. J’ai apprécié également les différents personnages de ce roman. Les parents de David, ainsi que ses jolies amies suédoises. Herbie Bratasky l’animateur du Hungarian Royale, Mr Barbatnik. Pour en finir, ce livre est l’occasion de faire un voyage en Tchécoslovaquie sur les traces de Kafka et d’en apprendre un peu plus sur ce dernier. Edouard RODRIGUEZ

mercredi 5 mars 2008

Un été pourri de Maud Tabachnik

Mortimer Newman, employé de mairie à la voirie le jour et pilier de bar la nuit, se désespère devant un verre de bière : depuis deux ans qu’il réside à Boston, il est seul et doit se contenter de quelques prostituées bon marché… Aussi, quand à la sortie d’un bar, son chemin croise celui de cette magnifique femme qu’il côtoie tous les jours au travail et qu’il n’a jamais osé aborder, il décide de tenterMortimer Newman, employé de mairie à la voirie le jour et pilier sa chance et la suit. Au petit matin, son cadavre est retrouvé, la gorge ouverte, les testicules coupés…
Frederick Latimer, patron forain, peut enfin respirer : le procès à son encontre pour viol sur une fillette de 10 ans vient de se terminer sur une relaxe, faute de preuve tangible. Mais avant que le vent tourne, il vaut mieux se faire tout petit et quitter la ville au plus tôt. Ce qu’il n’a pas prévu, c’est que cette femme l’aborde à la station de bus et lui propose un dernier verre dans son appartement… Quelques heures plus tard, la police le retrouve égorgé et émasculé ! Alors que la canicule écrase Boston, la pression monte en cette période électorale et il serait bon pour le maire que l’affaire soit réglée au plus vite. Mais, l’'inspecteur Sam Goodman, en charge du dossier, n'a aucune piste : tueur en série ou justicier ? Quand on s’intéresse de plus près au passé des victimes, on est en droit de se poser la question ?... Après tout, et si l’assassin était une femme ?... Maud Tabachnick, dans « Un été pourri », propose un violent (et parfois cru) plaidoyer contre les hommes. Nul n’y échappe ! Les victimes, bien sûr, êtres violents et dépravés qui ont mérité leur sort, mais aussi l’inspecteur qui ne comprend rien aux femmes et n’oppose que la force à leur complexité, le journaliste, amoureux transis mais lâche, le juge, égoïste qui ne pense qu’à sa retraite, l’avocat, avide de pouvoir, … et j’en passe ! Juste retour de bâton d’une romancière dans un genre, le « thriller », où 90% des serial-killers sont des hommes qui assassinent de pauvres femmes sans défense ! Toutefois, je trouve la manière dont Maud Tabachnik traite le sujet quelque peu excessif et surtout dangereux car, au final, le, ou la, ou les coupable(s) (gardons le suspense jusqu’au bout) ne sont pas condamné(es), justifiant de ce fait le droit à vengeance : « Oeil pour œil, dent pour dent ! ». Reste que le style plaisant, fait de courts chapitres, qui n’est pas sans rappeler celui de James Patterson et le rythme enlevé du roman de Maud Tabachnik permet de maintenir le suspense jusqu’à la fin !
Pierre LUCAS

mardi 4 mars 2008

Roseanna de Per Wahlöö et Maj Sjöwall

Suite à des travaux de dragage dans l’écluse de Borenshult le corps d’une femme nue est repêché. Selon l’autopsie, elle a été étranglée et a subi des violences sexuelles. Après une enquête minutieuse, l’inspecteur Martin Beck venu tout spécialement de Stockholm et son équipe réussit à identifier la victime. Il s’agit de Roseanna Mc Graw, une jeune bibliothécaire de 27 ans originaire des Etats-Unis qui voyageait sur le Diana, un bateau de croisière. Après avoir retrouvé et interrogé tous les passagers et membres de l’équipage puis visionné des quantités de photos ou films réalisés au moment de sa disparition, la police finit par soupçonner un homme. Encore faut-il le confondre. Après avoir enfin découvert qui il était, elle décide de le traquer et de lui tendre un piège. Mais va-t-il tomber dedans ? Et est-ce vraiment lui l’auteur du crime ?
J’avoue que j’ai eu beaucoup de mal à accrocher à l’histoire. Je l’ai trouvée en définitive plutôt banale, fade et l’ambiance terne. Cela a été aussi très difficile pour moi de m’attacher aux personnages, de me mettre dans leur peau. C’est vrai que Martin Beck a tout de l’anti-héros. Et pourtant ce livre, publié en 1965, par Maj Sjowall et Per Wahlöö les pionniers de ce qu’on appellera plus tard le roman policier nordique est loin d’être sans intérêt notamment du point de vue du déroulement de l’enquête. Celle-ci est en effet réalisée selon les bonnes vieilles techniques d’investigation : recherche méticuleuse d’indices, recueil et recoupement de témoignages, filature, interrogatoire sans relâche du suspect en espérant qu’il finisse par craquer et avoue. Ici il n’est pas question donc d’utilisation de procédés ultra performants comme par exemple le spectromètre de masse ou d’analyse d’ADN mais juste de relevé d’empreintes digitales et de balistique. Cela change évidemment énormément de toutes ces histoires qu’on peut nous proposer aujourd’hui et où tout est fondé principalement sur les bases de données de fichiers informatiques ou les expertises scientifiques dont les résultats sont quasi irréfutables et laissent peu de place à l’intuition, le flair.
Marlène EVEN

lundi 3 mars 2008

La forêt des renards pendus de Arto Paasilinna

Rafael Juntunen coule des jours paisibles dans son luxueux appartement de Stockholm, grâce aux 36 kilos d'or qui lui restent d'un cambriolage effectué des années plus tôt avec deux complices. Ces derniers croupissent en prison, et lorsque Rafael apprend leur libération prochaine, il ne voit pas pourquoi il partagerait son butin. Afin de leur échapper, il s'enfuit en Laponie, en pleine forêt, bien décidé à protéger son or. Mais il n'a absolument aucune aptitude pour survivre en pleine nature... C'est alors qu'il rencontre le Major Remes, mis en congé de l'armée pour alcoolisme. Chacun mentant sur son identité et sur les raisons de sa présence dans les forêts lapones, les deux compères décident de s'entraider et de s'installer dans une cabane de bûcherons abandonnée. Mais la Laponie n'est pas forcément l'endroit tranquille et désert auquel on pourrait s'attendre... Outre un gentil renardeau, un flic paumé, des prostituées suédoises et une nonagénaire enfuie d'un hospice, il faudra compter avec les anciens complices de Rafael, qui ont la rancune tenace !
Ce roman finlandais, très original, est écrit dans un style simple et agréable, grâce à des chapitres courts et une alternance entre dialogues et récit. On entre tout de suite dans l'histoire, qui se déroule sans temps mort, avec de multiples rebondissements. La critique ironique de la société, visant en vrac la police, le système pénitentiaire, la justice, les services sociaux, la religion, l'armée, etc., se dissimule derrière la caricature et un ton presque candide, très pince-sans-rire, qui confère une certaine fraîcheur au propos. Mais ce qui donne toute sa saveur au roman, c'est cette incroyable galerie de personnages hétéroclites, aussi loufoques et improbables que truculents et attachants, qui tentent tous d'échapper à une société dont ils se sentent en marge, chacun à leur façon. Ce roman est, selon moi, l'un des meilleurs de Paasilinna. J'y ai retrouvé absolument tout ce que j'aime chez cet auteur : des personnages hallucinants et complètement décalés, un récit très original, des descriptions dépaysantes et féeriques de la Laponie, des rebondissements en chaîne... Mais surtout, derrière la charge contre la société, on sent que l'auteur éprouve une certaine tendresse pour ses personnages, ce qui rend le roman très touchant, et donne une vraie fraîcheur au récit. J'ai pensé aux frères Cohen en lisant ce livre, entre "Fargo" pour l'atmosphère et "The Big Lebowsky" pour les personnages. Avouez que l'on fait pire comme références !
Fanny LOMBARD

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