samedi 30 octobre 2010

Réponses bêtes à des questions idiotes de Pef

Lorsqu’il part « explobserver » le monde, le professeur Pef ne se sépare jamais de sa vieille machine à laver le linge. Elle ne fonctionne plus, mais il n’a rien trouvé de plus pratique pour se dissimuler afin  d’espionner  les animaux. Son imagination fertile lui permet également d’inventer des parades contre les divers aléas de son métier : combinaison anti piqûres de moustique, dispositif pour renvoyer la pluie dans les nuages, utilisation d’une couleuvre comme réfrigérateur dans la chaleur du désert, etc. Et c’est grâce à ses nombreux travaux d’observations que bien des mystères de la nature (« pourquoi les crocodiles ne rient-ils jamais à gorge déployée ? ») et interrogations diverses (« peut-on tromper les chasseurs d’éléphants ? ») ont maintenant des réponses… 
Le titre du livre et le dos de la couverture,  avec ses deux questions qualifiées d’idiotes et sa mention « Pour ceux qui n’aiment pas lire », mettent tout de suite dans l’ambiance : ce livre n’est pas sérieux ! Le professeur Pef est un original dont le petit lecteur suit  les aventures complètement improbables. En haut de chaque double page, une question saugrenue pose le ton du court texte qui s’y rapporte. Les arguments et explications apportés par le héros sont d’une logique implacable, mais complètement loufoques. C’est tellement décalé et drôle qu’aucun petit lecteur ne risque de les prendre au pied de la lettre. Celui-ci peut décider de lire le récit dans l’ordre comme pour n’importe quel roman, ou dans le désordre en ciblant en premier les parties dont les questions l’interpellent le plus. Les illustrations, dessinées par l’auteur lui-même, complètent parfaitement bien le texte.
J’ai beaucoup apprécié cet ouvrage. Bourrée d’humour et d’imagination, l’histoire ne laisse aucune chance à l’ennui. L’auteur réussit à présenter un récit cohérent alors que les situations décrites sont complètements irréalistes. Cela fait presque 30 ans que ce livre a été publié, et cela ne m’étonne pas qu’il ait toujours autant de succès auprès des enfants qui ont la chance de le découvrir !

Sophie HERAULT

jeudi 28 octobre 2010

Enfances de Françoise Dolto



Françoise Marette, surnommée Vava, nait en 1908. Elle est rapidement confrontée à l’incompréhension entre adultes et enfants. Vava trouve rigolo, elle, de sauter dans des flaques d’eau, et magique de se laisser envelopper par la fumée d’un train à vapeur qui passe. En prenant au pied de la lettre des expressions, elle se retrouve punie pour son insolence. Pourtant, « Elle est bête, la dame, elle est bête ! », pourquoi vient-elle chercher chez Vava ce mari « perdu » à la guerre ? Alors qu’elle n’a que 12 ans, sa mère la culpabilise pour ne pas avoir su prier efficacement afin de sauver sa sœur aînée morte d’un cancer. A 25 ans, Vava garde toujours la naïveté de son enfance. Et se fiancer ne signifie rien de plus pour elle que d’avoir l’autorisation de continuer à voir ce jeune homme qu’elle apprécie amicalement pour son intelligence et sa culture. Mais là encore les adultes ne l’entendent pas ainsi. C’est à devenir dingue…
Françoise Dolto était psychanalyste. C’est son implication dans « la cause des enfants » qui l’a rendu très populaire à partir de la fin des années 60. Elle retrace dans ce livre des épisodes de son enfance et de sa vie de jeune adulte qui ont forgé sa personnalité, et l’ont conduite à faire ce choix. Cet ouvrage n’est pas une autobiographie à proprement parlé, mais un dialogue entre elle et sa fille Catherine. Cette dernière pose des questions courtes auxquelles Françoise répond longuement. Le lecteur est partagé entre la drôlerie engendrée par la candeur de Vava, et une certaine tristesse devant les « histoires d’éducation (…) qui compliquent la vie des enfants qui pourrait être si tranquille ». Catherine s’intéresse au contexte de l’époque (la guerre, les mentalités…), ce qui a bien sur son importance dans le déroulement des faits. Quelques photos de famille viennent compléter cette conversation.
J’ai trouvé ce livre passionnant. Françoise Dolto répond en toute sincérité aux questions qui lui sont posées. Elle était sans doute une petite fille précoce donc un peu hors normes, et  les mentalités ont évolué depuis. Mais nous avons tous vécu dans notre enfance et adolescence des situations de malaise engendrées pas la maladresse des adultes… que nous reproduisons avec nos propres enfants ! Découvrir les 25 premières années de la vie de Françoise Dolto permet aussi de voir comment est née sa vocation. Ce qui est également très intéressant.

Sophie HERAULT

mardi 26 octobre 2010

Utopia de Allen Roger McBride

La planète Inferno porte bien son nom : Son terraformage ayant été bâclé, elle devient peu à peu invivable pour ses habitants. Pour la sauver, un jeune scientifique propose au gouverneur Alvar Kresh un pari fou : Diriger volontairement sur la planète une comète éclatée, dont les impacts permettront ensuite la création d'une mer polaire. Si le projet semble délirant, il est d'autant plus difficile à mettre en oeuvre qu'il s'agit d'une planète de Spatiaux : Les innombrables Robots qui les servent sont soumis aux Trois Lois de la Robotique, qui leur enjoignent de protéger les Humains de tout danger potentiel et donc de tout projet risqué !
Pour complexifier un peu la situation, il faut également ajouter de nombreux groupes aux intérêts variés : les Colons, responsables du projet de re-terraformage et qui voient d'un mauvais oeil qu'on marche sur leurs plates-bandes ; les Robots Nouvelles-Lois, soumis à des règles moins restrictives que leurs congénères et ivres de liberté, qui terrifient la plupart des Humains ; le plus effrayant encore Caliban, l'unique Robot Sans-Loi, qui n'obéit qu'à lui-même ; et les extrémistes de Simcor Beddle qui ne croient pas aux problèmes écologiques et veulent se débarrasser de tous les groupes précédemment cités...
Si tous ces éléments ne nous laissent pas le temps de s'ennuyer, ils ne laissent guère de place non plus à l'intrigue policière. Présentée en prélude, celle-ci ne redeviendra vraiment d'actualité que dans les cinquante dernières pages ! Entre temps, nous avons plutôt affaire aux problèmes de conscience du gouverneur Kresh : Faut-il ou non faire chuter la comète ? La question permet également à l'auteur de développer (avec quelques incohérences d'ailleurs) des conflits d'obéissance aux Trois Lois chez les robots, déchirés entre les intérêts à long terme du projet et ses dangers immédiats.
Ceci ne permet pas de cacher que le robot Caliban, l'unique robot à l'esprit vraiment libre et qui a donné son nom à la trilogie, se fait dans ce troisième tome voler la vedette. Si on le voit souvent au fil des pages en compagnie de son ami Prospéro, chef autoproclamé des Robots Sans-Loi, sa présence ne sert guère le récit, bien que l'auteur ait recollé les morceaux pour lui permettre d'intervenir dans le final. D'ailleurs, si je ne peux guère vous conseiller de ne pas regarder la couverture, je vous recommande quand même de ne pas lire la présentation de l'éditeur, sous peine de tout deviner trop tôt !
Côté style, Roger McBride Allen a essayé de rester dans le ton du maître Isaac Asimov, qui a donné son aval à l'utilisation de ses idées dans cette trilogie (les Trois Lois de la Robotique, le contexte global avec les différents entre Spatiaux et Colons). D'ailleurs, Alvar Kresh a un faux air d'Elijah Baley, cher aux lecteurs du bon docteur... L'écriture est fluide, c'est simple, cela va droit au but. L'environnement n'est guère détaillé, les descriptions sont utiles et concises. Bref, pas besoin de se faire des noeuds au cerveau, cela se lit tout seul. Une agréable manière de se replonger dans l'univers "asimovien" sous la plume d'un autre auteur !


Marie-Soleil WIENIN

dimanche 24 octobre 2010

Le signe du taureau. La vie de Cesar Borgia de Guy Rachet

En ce jour d'Aout 1484, c'est dans une Rome en proie aux affrontements entre alliés et ennemis du défunt Pape Sixte IV que pénètre le jeune  César Borgia. C'est encore un enfant, mais il est promis à un brillant avenir : son père, futur Pape Alexandre VI, le destine à la vie religieuse. Mais le jeune homme, Cardinal à 16 ans, aura d'autres ambitions :  quittant l'habit, il deviendra capitaine général de l'Eglise, pour le compte de laquelle il conquerra les grandes cités italiennes. Sa carrière sera tout autant marquée par ses victoires que par le soufre qui fera la réputation des Borgia : amant de l'épouse de son frère, de sa soeur Lucrèce, fréquentant des courtisanes, fomentant complots et assassinats au sein même de sa propre famille, ce grand guerrier et fin politique connaîtra la splendeur de la cour pontificale et des arcanes du pouvoir, jusqu'à sa chute, aussi flamboyante que son ascension. 
Ce livre raconte donc, de façon romancée, la vie de César Borgia. On y croise, outre les membres de sa famille, toutes les grandes figures politiques de l'époque, des Orsini aux Colonna en passant par les Sforza, les Medicis ou Machaviel. L'écriture est un peu lourde, peu aérée, s'appesantissant longuement sur les rapports entre les nombreux personnages, et il est parfois difficile de s'y retrouver... Pour autant, la peinture de la situation et des complots politiques de l'époque est passionnante, et le portrait de César Borgia, héros cruel, machiavélique mais éblouissant de ce roman, ne l'est pas moins. Très descriptif et centré sur l'état d'esprit de son personnage principal, c'est un roman érudit et bien documenté.
Bien que je ne n'apprécie pas forcément ce style d'écriture, j'ai beaucoup appris dans ce livre, qui m'a permis de me plonger dans l'atmosphère de l'époque, et plus précisément dans son versant politique. Le nécessaire parti pris du romancier fait que Guy Rachet a choisi de prêter à César Borgia des intentions, des pensées et des sentiments qui m'ont quelque peu déstabilisée, car j'y ai vu un homme sans nuance, peut-être un peu caricatural. Ce portrait m'a donc donné envie de le confronter à d'autres, et également de m'intéresser aux autres membres de la famille Borgia, certainement aussi fascinants que le héros de ce roman.


Fanny LOMBARD

vendredi 22 octobre 2010

Le petit garçon de Philippe Labro

Pendant l’Occupation allemande un petit garçon vivant en zone libre dans une maison « la Villa » à l’écart du village avec ses parents et ses frères et sœurs, voit passer de nombreux étrangers. Certains restent comme Dora ou Germain, d’autres ne font que passer comme Norbert ou les Bernhardt.
A chaque fois que notre petit garçon cherche à savoir le pourquoi et le comment de ce va et vient la réponse des parents est la même « ce sont des anciennes relations de Paris ».
Quand la zone libre  devient occupée, les parents décident d’expliquer aux  enfants avec des mots simples ce qui se passe à « la Villa » ainsi que les dangers encourus. Et pour comble voila que « la Villa » est réquisitionnée par  un général de division…
J’ai beaucoup apprécié ce roman et sa construction qui réside essentiellement à faire narrer la totalité de l’histoire par notre petit garçon. De fait j’ai trouvé que cela donnait au roman un air faussement naïf et pourtant l’histoire est très sérieuse puisqu’elle réside essentiellement dans le sauvetage de familles juives durant la seconde guerre.
L’auteur nous montre la vie d’un village avant, pendant et après l’occupation ce qui est fort intéressant pour ceux qui aiment l’histoire puisque collaboration, résistance, vengeance se côtoient mais toujours écrit avec réalisme.
Bien entendu il y a des descriptions de paysages du sud-ouest mais savamment dosées et jamais ennuyeuses à lire.
Les personnages sont également riches en couleur que se soit l’Homme sombre bourru mais attachant, Monsieur Germain Pécontal dit « Bas du cul », Sam le toulousain et  bien d’autres encore aux caractéristiques nombreuses et variées qui nous les rendent sympathiques.
Pour finir, le retour de la famille à Paris est également un passage fort instructif sur l’amour que porte le père à l’ensemble de ses enfants.
Dans l’ensemble un roman plaisant à lire où chacun pourra chercher les passages autobiographiques et les passages romancés. 

Edouard RODRIGUEZ

mercredi 20 octobre 2010

Des feux sous la cendre de Jean-François Coatmeur

Lorsque en janvier 1991 Bernadette Merou, jeune étudiante Brestoise, est retrouvée inconsciente, gisant au milieu des rochers du port de Brest, tout laisse à penser à un accident malencontreux. Cependant le comportement angoissé de la jeune fille avant les faits incite sa mère et son fiancé à chercher la vérité, d’autant que la jeune fille a beaucoup de mal à retrouver ses facultés. Et c’est à cette enquête un peu particulière, menée par des personnes dont ce n’est absolument pas le métier, à laquelle nous sommes conviés dans ce roman.
Le résultat en est intéressant car l’auteur a su donner à ses personnages une variété et un réalisme qui confère à l’histoire une dimension psychologique enrichissant le coté énigmatique. Que ce soit la mère qui met toutes ses forces  dans son espoir  de revoir un jour sa fille redevenir normale, le père et sa piété souvent agaçante, le fiancé et sa révolte contre la société et la police, ainsi que les personnages secondaires, tous sont travaillés et ont une grande importance dans la résolution de l’enquête. Les cadres aussi ont leur intérêt et nous amènent à une réflexion sur les maisons de retraite et la solitude des personnes qui s’y trouvent, sur les comportements parfois douteux des milieux notables des villes de province, sur les secrets de la confession et ses limites…Et tout cela dans une écriture agréable et prenante.
Quant au dénouement que l’on voit arriver sans oser y croire au fil de la lecture, il est digne des grands thrillers. Un auteur que j’ai découvert avec ce livre et que je relirai certainement avec grand plaisir.

Nicole VOUGNY

lundi 18 octobre 2010

Archives sur Sherlock Holmes de Arthur Conan Doyle

On retrouve dans douze aventures différentes Sherlock Holmes accompagné le plus souvent de son compère irremplaçable, le Dr Watson, souvent raillé, mais toujours utile et prêt à tout pour aider son ami, quoiqu'il lui demande et de quelque façon qu'il le traite.
Les récits sont extrêmement variés, avec des dénouements souvent surprenants, mais toujours plausibles et avec suffisamment d'indices semés au cours du récit pour pouvoir suivre le raisonnement et parfois trouver l'astuce avant qu'elle ne soit révélée.
Les nouvelles sont abordées différemment, avec un petit nombre d'entre elles, qui, au contraire de l'habitude, sont prises en charge non par le Dr Watson, mais par le célèbre détective lui-même. Le style et le déroulé en sont bien marqués, et on a affaire à des récits tout à fait différents, qui abordent les choses de façon radicalement opposée : Holmes se moque de lui-même pour sa lenteur, et explique la portée des indices récoltés au fur et à mesure alors que sous la plume de Watson, le résultat final paraît le plus souvent le produit d'une combinaison de magie et de génie pur, sans qu'on comprenne de façon explicite à quel moment Holmes a compris l'intrigue dans son entier.
On découvre des milieux et des situations diverses, mais surtout toutes les perversités de la nature humaine et le plus large éventail des motivations et des mobiles, même les plus extravagants. On fait également connaissance avec des criminels inattendus et on se rend compte que la majorité des gens cachent des choses, pas forcément pour des raisons rationnelles ou fondées.
On passe de très bons moments et on ne s'ennuie jamais aux côtés d'un soldat à l'aspect cadavérique, d'une mère qui se comporte comme un vampire sur son bébé, à la recherche d'un homme au patronyme presque unique, d'une femme qui ne veut pas montrer son visage... et il n'y a pas toujours de véritable criminel : parfois les circonstances seules ont créé une situation qui a l'air frauduleuse mais qui s'explique par des raisons naturelles.

Mélanie BART

samedi 16 octobre 2010

Un cri si lointain de Ake Edwardson

C'est l'été à Goteborg. La ville est en proie à une canicule qui exacerbe les tensions : bagarres et rixes entre bandes se multiplient, mettant la police sous pression. L'inspecteur Erik Winter a pourtant pris quelques jours de congé qu'il met à profit pour se livrer aux joies de la baignade, se laisser pousser les cheveux et découvrir les Clash. L'agression d'une de ses collègues l'incite à écourter ses vacances. Mais une autre affaire lui est bientôt confiée : le corps d'une jeune femme a été découvert près d'un lac. L'enquête se complique lorsque l'autopsie révèle qu'elle a eu un enfant. Il ne s'agit plus uniquement d'élucider un meurtre : Winter doit également découvrir ce qui est arrivé à l'enfant. L'a-t-on enlevé ? Est-il séquestré ? Est-il seulement encore en vie ? Et comment faire pour pour identifier la victime, dont l'identité demeure mystèrieuse ?        

Ce polar suédois s'inscrit dans la lignée de ceux de Henning Mankell ou de Jo Nesbo, avec qui la comparaison semble inévitable. On y retrouve la même noirceur, la même plongée dans la société scandinave et ses turpitudes, la même lente progression de l'enquête, sans action trépidante. Adoptant le point de vue des personnages, et en particulier de Winter, l'écriture fait la part belle à l'introspection et aux dialogues, qui apportent souvent une touche d'humour dans cet univers sombre vu à travers les yeux de policiers désenchantés. Par une astuce que je ne révèlerai évidemment pas, l'auteur parvient à égarer son lecteur et renverser son intrigue, déjà solide, pour accroître son intérêt. De plus, les personnages secondaires, moins mis en avant que dans d'autres romans de cette série, restent intéressants.     

Parmi tous ceux que j'ai lus, ce livre est sans doute celui de Ake Edwardson qui m'a le plus séduite, notamment grâce à une intrigue astucieuse, qui m'a vraiment décontenancée. Erik Winter, moins tourmenté que son homologue Wallander (héros de Henning Mankell) , m'a paru moins attachant que ce dernier - ceci expliquant sans doute cela. Il reste cependant un personnage sympathique, dont j'ai pris beaucoup de plaisir à suivre les aventures professionnelles et personnelles, habilement conjuguées au fil de l'histoire. Je ne conseillerais peut-être pas ce roman aux lecteurs réfractaires aux polars scandinaves - mais sait-on jamais ! Par contre, pour les autres, voilà un excellent roman, et un auteur à suivre ou à découvrir.

Fanny LOMBARD

jeudi 14 octobre 2010

Court serpent de Bernard Du Boucheron

A la fin du 14ème siècle, l’abbé Insulo Montanus part tenter de réussir une mission de la plus haute importance commanditée par le cardinal-archevêque Johan Einar Sokkason. A bord du navire Court Serpent spécialement construit pour l’occasion, il se lance  au secours des âmes de chrétiens installés très loin au Nord, en Nouvelle Thulé. Depuis plusieurs années, le climat s’y est fortement refroidi. Les températures extrêmes les isolent du monde en rendant leur approvisionnement impossible depuis l’extérieur, tandis que les cultures et les  élevages sur place sont voués à l’échec. Cela a également pour conséquence que le diocèse est privé d’évêque et que les églises n’ont plus de prêtres. Subissant la pauvreté et l’absence de guides spirituels, les habitants sont sans aucun doute voués à « retourner aux ténèbres de l’infidélité »…
Le livre s’ouvre sur les lettres d’instructions reçues par l’abbé Montanus. Le style choisit plonge immédiatement le lecteur à l’époque des faits. Pourtant, aucun  vocabulaire « pseudo moyenâgeux » n’est employé. Le voyage dans le temps s’effectue beaucoup plus subtilement au détour de tournures de phrases, ainsi que par les faits et directives notés par le cardinal-archevêque. Le roman se poursuit avec le rapport de l’abbé et de ses compagnons de route lors de leur retour. Les aventures terribles vécues par les voyageurs tiennent en haleine même le plus blasé des lecteurs. Et la façon bien particulière qu’a l’abbé de s’acquitter de son rôle auprès de la population ne peut que nous faire réagir. Par deux fois, l’auteur de ce livre intervient : pour raconter un épisode ayant eu lieu en absence de l’abbé, et pour éclaircir un fait ultime (ce qui donne une nouvelle intensité inattendue à l’ouvrage).
J’ai vraiment aimé ce livre. Récompensé du Grand Prix du roman de l’Académie française 2004, il mérite bien cette distinction. Le sujet sort de l’ordinaire, la forme du récit est inhabituelle tout en restant accessible, les rebondissements sont nombreux. C’est également une base de réflexion sur les agissements commis au nom d’une cause jugée juste par certain, avec  ses conséquences et ses failles.

Sophie HERAULT

mardi 12 octobre 2010

Karine après la vie de Didier Van Cauwelaert

Karine, d’origine française, vit au Mexique avec ses parents. Elle n’a que 21 ans lorsqu’elle disparait brutalement dans un accident de voiture. Vive et très intelligente, elle était l’unique enfant d’Yvon et Maryvonne Dray. Ceux-ci, complètement abattus par la perte de leur enfant, essaient de puiser dans la religion des réponses à leurs interrogations. Ils sont également initiés par leur notaire sur la vie après la mort. Cette possibilité s’impose vraiment à eux lorsque, 6 mois après, ils se plongent dans la lecture de 2 ouvrages édifiants sur le sujet. Ils s’aperçoivent que Karine cherche et réussit à communiquer avec eux  par l’intermédiaire de rêves, d’objets déplacés, d’écriture automatique, etc. Ils ont alors la révélation que la mort n’existe pas : la vie terrestre n’est qu’un passage vers une autre vie…
Dans une première partie, l’écrivain de romans surnaturels Didier van Cauwelaert présente sa « rencontre », 3 ans après son décès, avec Karine.  Dans un style « parlé » brut, Il expose aussi ses expériences paranormales en groupe, au risque de rebuter d’emblée son lecteur par le foisonnement de descriptions de manifestations (présentées comme véridiques) de personnages décédés. Dans une deuxième partie, plus longue, le témoignage des époux Dray prend le relais. Le style littéraire choisi est beaucoup plus posé. La lente sortie du désespoir des parents affleurent à chaque ligne. 3 doubles pages au centre reproduisent des photos de la jeune fille et de ses parents, des exemples d’écriture automatiques, et une « trans-image » de Karine apparue sur un ordinateur débranché. Le livre se termine sur le court témoignage de divers autres intervenants, dont celui d’un prêtre de l’église catholique tout acquis à ces phénomènes.
J’ai difficilement réussi à passer le cap des 50 premières pages, celles du témoignage de l’écrivain. Les faits évoqués sont tellement nombreux et  hors normes que l’on se croit dans un roman de piètre qualité. La suite ne passe également qu’aux forceps, bien que le choix littéraire soit complètement différent. En effet,  les communications de Karine sous toutes (trop de… ?) formes, ses farces ( !), et ses messages de plus en plus emprunts (jusqu’à frôler l’overdose) de foi et de bonté dans une vie éternelle extraordinaire, sont vraiment trop nombreux et trop divers. Je ne prétends détenir aucune vérité sur l’existence ou non d’une forme de vie quelle qu’elle soit après la mort. Ce livre me laisse cependant un arrière goût amer sur l’exploitation éventuelle de la douleur de personnes touchées par un deuil, bien que ces dernières y trouvent manifestement une source de réconfort.

Sophie HERAULT

dimanche 10 octobre 2010

Le vampire de la sainte inquisition de Lee Daniels

Le vampire de la sainte Inquisition est un roman de Les Daniels écrit en 1978. Dans ce roman deux frères s'affrontent : Diego de la Villanueva, Grand Inquisiteur et Sebastian de la Villanueva, vampire depuis neuf ans. Diego protège son frère, le laissant vivre dans le vieux château familial qui est bati un peu à l'écart du village en échange de la rédaction d'un livre qui dévoilerait au monde les secrets de la sorcellerie ce qui lui permettrait de
devenir plus puissant voire de succéder à l'actuel maître de l'Inquisition, Torquemada. Mais l'apparition d'une jeune sorcière condamnée à mort, Margarita de Mendoza va bouleverser ce fragile équilibre. Ce roman nous présente une vision assez originale du vampire. Sebastian est  ici à la merci de son frère, dépendant de lui pour survivre puisque sa seule source de nourriture réside dans les prisonniers de l'Inquisition qui vont être condamnés à mort, afin d'éviter toute mort suspecte qui jetterait la panique dans leur petite ville. Sebastian
n'apparaît pas ici comme doté de pouvoirs extraordinaires mis à part la capacité de voler.  Il ne semble pas très puissant sans doute à cause de ses rations limitées en sang. Les confrontations entre les deux frères donnent lieu à des discussions philosophiques autour de la mort, de l'au-delà, de la foi … tout cela sur fond de parties d'échecs où les pios semblent symboliser les deux camps qui s'opposent. L'attrait de ce livre tient finalement plus dans le contexte même de l'histoire : la période de l'Inquisition en Espagne qui combat les juifs
jugés hérétiques et qui n'attend qu'une occasion de pouvoir s'en prendre également aux maures. On peut y voir aussi le début de la chasse aux sorcières.
Même si ce n'est pas à voir comme un livre d'histoire,ca reste un roman facile à lire, qui sans révolutionner pas le genre permet de passer un agréable moment de lecture.


Elisabeth DOUDAN

vendredi 8 octobre 2010

Je t'apporterai des orages de Geneviève Dormann

Joséphine, jeune femme, rebelle, sauvage et belle avec sa crinière rousse, se marie trop tôt à un insipide qui ne sait canaliser la fougue de sa jeune épouse de 17 ans. Alors, un soir de Noël, elle s’échappe et part à l’aventure. Elle va ainsi rencontrer des personnages tout aussi atypiques les uns que les autres. Voguant d’un homme à l’autre, elle cherche son destin jusqu’à la rencontre d’un bandit qui la possédera totalement. La José si rebelle, devient alors complètement dépendante émotionnellement de cet homme.
Ce livre est bien écrit, dynamique et trépidant. Geneviève Dormann nous transmet bien toutes les émotions qui animent cette jeune femme. Tout au long de son parcours, on ne peut s’empêcher de penser qu’elle se jette dans la gueule du loup et puis à un moment, on se dit ouf, elle se pose, elle a trouvé un port d’attache, et puis, non, ça recommence, José  ne vit que par ses émotions. Où est-elle, la jeune femme libre ? Finalement, elle n’est qu’une femme, elle ne vit que pour un homme qui n’est pas le bon, celui que bien des femmes ont rencontré un jour, celui qui vous ne vous apporte que des orages. Une belle fresque romanesque qui nous transporte au rythme des coups de cœur de la belle Joséphine Boudard.

Alexandra BERNEDE

mercredi 6 octobre 2010

Rien de grave de Justine Lévy

C’est l’histoire d’une femme qui ne se remet pas d’une rupture difficile avec le premier de ses amants qui fut aussi son mari. Elle n’a jamais aimé d'autre homm que lui et ignore comment pouvoir à nouveau donner son amour ; une femme dont la candeur et la naïveté nous émeuvent.
Lorsque Adrien rompt avec elle, les sentiments enfantins qu’avait la narratrice s’enfuient pour laisser place au vide : un vide immense et si entêtant qu’il lui gâche la vie, elle ne peut plus pleurer, elle ne sait plus ce qu’elle désire, elle ne profite pas de la vie et en souffre.
Ce récit est celui d’une femme abîmée par son manque de confiance en elle et  à cause de son effroi de décevoir ses proches et surtout Adrien, elle sbrera dans la dépendance aux médicaments, brisée par le cancer de sa mère, la mort de sa grand-mère, l’incompréhension de sa famille, son avortement et son divorce douloureux.
 Ce récit est celui d’une personne brisée qui forcée de quitter l’enfance comprendra que pour pouvoir reconstruire il faudra émerger de sa carapace car pour accéder au bonheur, il faut parfois accepter la douleur qui va avec.

Nolwenn RAULET

lundi 4 octobre 2010

Un garçon de France de Pascal Sevran

Dans les années 40, Le petit Laurent d’Entraigue grandit sans démonstrations d’affection, si ce ne sont celles un peu particulières du curé de sa paroisse. Fils unique d’une espagnole qui l’abandonne rapidement et d’un sous-préfet rigide, il ne reçoit pas plus d’amour de sa belle-mère. L’année de ses 19 ans en 1959, quelques temps après le décès de son père, Laurent quitte sa Haute-Vienne natale et se rend à Paris sur les traces de sa mère. En quête d’un travail pour vivre, il rencontre au cabaret « La Maison Rose » Mado, une serveuse qui n’est plus de la première jeunesse. Elle prend alors une place de plus en plus importante dans sa vie, tandis qu’il continue ses recherches pour retrouver sa mère…
Bien que rédigé à la première personne du singulier, le récit n’est pas autobiographique. C’est juste un choix littéraire judicieux qui invite le lecteur à suivre intimement le héros. L’apparente insouciance dont fait preuve celui-ci face à divers événements semble contredire son extrême sensibilité et sa quête d’affection que l’on sent poindre cependant à chaque page. Laurent, ce jeune garçon présentant un aspect tout simple, est en fait un écorché vif qui s’ignore. La galerie de portraits que l’on visite en même temps que le héros est sans aucun doute plus complexe qu’elle en a l’air. Mais c’est toujours avec le même détachement que Laurent nous la présente. Les chapitres du livre sont courts, le style facile à lire et fluide. Même si l’histoire n’a rien du thriller à suspense, chacune des 3 sous parties (correspondants à des périodes clé de la vie du personnage principal) se lit d’une traite.
Je connaissais Pascal Sevran en tant que présentateur de télévision de « La chance aux chansons ». Peu sensible à l’image qu’il véhiculait et au style de son l’émission, je découvre avec ce livre un aspect de cet homme qui m’était inconnu. Ce roman est très agréable à lire. Tout en évitant le piège de tomber dans un mélo lourd et « pleurnichard » vu le sujet abordé, l’histoire se déroule tout en finesse. J’ai vite oublié le côté horripilant, à mes yeux, de l’homme de télévision maniéré, pour partager avec délice la sensibilité de l’homme d’écriture.


Sophie HERAULT 

samedi 2 octobre 2010

Bech voyage de John Updike

Ce roman est composé de sept nouvelles se déroulant dans les années soixante et dont le fil conducteur est Bech. Les trois premières nous montrent Bech, écrivain juif, qui a connu le succès grâce au livre intitulé Travel light dans son rôle d’ambassadeur de la littérature américaine en Europe de l’Est soit en Russie, en Bulgarie et en Roumanie. On assiste à des réunions entre écrivains où finalement il ne peut pas exprimer ses pensées pour des raisons purement politiques puisque toutes ses rencontres sont organisées par le régime en place.

La nouvelle intitulée le « voyage improvisé » nous montre un Bech en vacances qui rencontre un ancien élève, Wendell, lequel aime écrire sous l’effet de substances interdites. L’unique souci de Bech sera de ne pas se faire « piquer » sa compagne par ce Wendell…

Les deux nouvelles suivantes nous montrent un Bech en représentation dans une université féminine du sud des Etats-Unis et en Angleterre dans des cocktails.
Là, Bech va devoir contrôler ses pulsions sexuelles tout en se conduisant en charmeur patenté.

Ce livre dans son ensemble m’a paru moyen même si les descriptions du périple de l’autre côté du rideau de fer sont intéressantes. Elles nous montrent un univers triste avec des gens uniformisés.
 La nouvelle « le voyage improvisé » est celle qui m’a plu le plus car elle mélange amour et romantisme d’une façon marrante.
Peu de personnages, l’essentiel tourne autour de Bech et de son rôle d’écrivain qui n’écrit pas puisqu’il est toujours en représentation.


Edouard RODRIGUEZ

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