vendredi 29 mai 2009

Terre des hommes de Antoine De Saint Exupéry

Dans « Terre des hommes » Antoine de Saint-Exupéry commence par nous parler de sa profession d'aviateur pour vols postaux telle qu'elle existait dans les années vingt. A cette époque, la navigation aérienne se faisait à vue. Les voyageurs se repéraient aux paysages. A travers plusieurs anecdotes personnelles ou de ses confrères, Saint-Exupéry nous présente la Terre vue pendant le vol. Entre les repères visuels qui le guident vivent les hommes. Ces hommes, qui peuplent les différentes contrées, l'auteur ne nous les décrit pas comme une masse mais comme un addition d'individus. Chaque individu a sa vérité propre dans sa relation à lui-même et aux autres. Et lors de ses voyages, Antoine de Saint-Exupéry a pu collecter une foule de personnalités. Il y a : le citadin qui prend le bus, l'aviateur explorateur, le colon guerrier du désert, son opposant l'insurgé, l'esclave qui devient affranchi, le combattant espagnol républicain... tous vivent sur cette même planète et portent dans leurs idéaux, leur noblesse. Pour commencer, le lecteur est confronté à l'appréhension du jeune pilote avant son premier vol. Ce sentiment n'est pas dû à l'avion qu'il va piloter ou la ligne qu'il va parcourir, il vient des disparitions de ses collègues plus chevronnés. Juste avant le vol, le débutant est instruit par le pilote aguerri et cette leçon transforme la géographie des cartes en géographie des hommes : les traits sans importance s'effacent et c'est la vie qui s'impose: la ville espagnole de Guadix n'est pas signalée par de grandes lettres couchées au sol mais par des orangers qui bordent un champ, un champ se change en piste d'atterrissage, une petite rivière se révèle être un piège sournois camouflé dans les herbes et un coin raisonnable pour servir de base. Mais quand les limites habituelles sont dépassées et que l'avion se retrouve par dessus l'océan avec une réserve de carburant limitée, alors ce sont les aventuriers qui s'élèvent et qui sont seuls responsables de l'arrivée du courrier à bon port. Cette charge, si importante, s'accompagne d'une mise en jeu encore plus grande : leur propre vie. Saint Exupéry conte des voyages dont l'issue est incertaine : parce que l'aviateur a perdu sa route et s'égare au dessus de l'océan, ou encore parce que le vent a mis l'avion à terre en plein désert. Ce sont tous ces risques qui sont pris pour transmettre des nouvelles d'hommes à d'autres hommes. D'en haut le narrateur voit donc les hommes qui vivent ensemble et passent le temps en fraternisant, en s'aimant et en se combattant. Dans ces différents rapports entre eux, ils apprennent peu à peu, ils se rapprochent de leur propre vérité et si possible vivent leur vocation. Enfin l'auteur nous parle de l'humanité des hommes. Car les hommes ne deviennent humains que quand leur esprit les élèvent et qu'ils se mettent à créer. Ils peuvent créer du savoir, de la musique, des histoires, … Et ce sont ces instants qui les font heureux. Pour finir « Terres des hommes » est un livre qui décrit la réalité au lecteur pour qu'il y trouve les trésors de l'humanité. Les histoires qui y sont contées sont uniques, mais les situations qui y prennent place exacerbent ces trésors. Ceux-ci aideront sans doute un jour les hommes à peupler ensemble leur terre pour qu'elle soit complètement une Terre des hommes. Pris au fil des pages, le lecteur reçoit le message de l'aviateur, sa vision. Dans cette vision du monde, il existe des hommes. Laetitia MENS

mercredi 27 mai 2009

Les livres magiques de Xanth Tome III : Château-Roogna de Piers Anthony

Xanth est un royaume magique. Outre les nombreux êtres féeriques, chaque humain y est doté d’un pouvoir unique. Seuls les pouvoirs les plus utiles et puissants donnent droit au titre de Magicien, et seul un Magicien peut régner sur Xanth. A 12 ans, Dor, qui est capable de parler avec les objets inanimés, est le seul Magicien de sa génération. Pour le préparer à ses futures responsabilités, mais aussi pour distraire ce garçon solitaire, le roi lui confie une quête : Ramener à la vie un zombi dont est amoureuse la belle Millie, une ex-fantôme. Pour cela, il va devoir aller chercher un élixir 800 ans dans le passé, à une époque où deux puissants magiciens s’affrontaient pour le trône… L’idée de départ de l’univers créé par l’auteur est très intéressante : à chaque humain son pouvoir magique, différent pour chacun ; ils sont plus ou moins insolites et cela ouvre le champ à de nombreuses possibilités. D’autant que tout le royaume est bourré de magie et on ne peut pas y faire trois pas sans croiser sur son chemin de multiples créatures invraisemblables, animales ou végétales. La vie n’y est jamais monotone ! Comme en plus le livre est bourré d’action, nos héros se mettant dans des situations potentiellement mortelles à chaque instant, le lecteur ne s’ennuie pas non plus bien que les péripéties soient souvent assez prévisibles. Dor est plutôt attachant, et ses compatriotes aussi, mais le personnage le plus original est celui qui l’aide dans sa mission : Dudule, une araignée qui a été entraînée dans le passé avec Dor par mégarde et qui souhaite retrouver son époque… et sa taille habituelle, car son volume a augmenté au passage ! Dudule est vraiment extra, apportant le parfait contrepoint à la fougue de Dor, elle m’a beaucoup plu. Cependant, ce qui tient le lecteur captivé de bout en bout dans ce roman, c’est l’humour. Il s’agit en effet d’un livre hilarant, où les jeux de mots se succèdent à un rythme infernal : au moins un par page, quand ce n’est pas une douzaine dans un unique paragraphe… Le traducteur, Dominique Haas, mériterait une médaille pour avoir réussi à rendre tout cela compréhensible, d’autant que je le soupçonne d’avoir réécrit lui-même une bonne partie des jeux de mots français. Une lecture très très distrayante, pour faire travailler les zygomatiques ! Marie-Soleil WIENIN

lundi 25 mai 2009

Le peuple du vent de Viviane Moore

L'histoire se déroule aux confins du Château de Pirou et de la lande de Lessay, au 12ème Siècle, non loin de Coutances, en Normandie. Le maître des lieux, Sirlon de Pirou, y accueille Muriel de l'Epine, sa soeur qui se meurt, accompagnée de son époux Ranulphe et de ses deux enfants, Mauger et Clotilde. De nuit, éclairés par la lune, arrivent deux orientaux, Hugues de Tarse, versé dans l'art des plantes et autres mystères , et Tancrède, son disciple. Ils sont des accointances avec les Normands de Sicile et ils sont écoutés du baron normand, désespéré d'avoir perdu son unique héritier mâle et qui ne plaisante pas avec les privilèges des nobles, la justice qu'il rend est expéditive. L'atmosphère s'alourdit quand Muriel de l'Epine trépasse, ses obsèques réveillent les jalousies et les vieilles querelles. Hugues de Tarse enquête et découvre que Muriel a été empoisonnée par son mari par l'entremise de sa vieille nourrice au moyen de mandragore fermentée. D'autres morts adviennent, dont celle de Ranulphe ainsi qu'une tentative d'assassinat sur la personne de Sirlon. Il faudra lire l'ouvrage pour en apprendre plus. Si le décor est bien planté et les personnages entiers, j'ai eu du mal à croire à ces histoires sentimentales. La technique de construction est presque théâtrale par l'ambition de réunir tant de gens différents en un seul lieu et en un temps imparti si succinct. On se croirait dans une pièce de Beaumarchais avec des soubrettes, des Seigneurs, et des gens humbles qui se lamentent de l'esprit de classe. La description de la lande sinistre fait penser à celle des Dartmoors où sévisait le chien des Baskerville, entre autres. La raison incarnée par Hugues de Tarse donnera la leçon finale en un cours magistral. D'aucuns préféreraient relire le Roman de la Rose, le Chien des Baskerville, ou Macbeth. Gwenael CONAN

vendredi 15 mai 2009

Pas un mot... de Andrew Klavan

Nathan Conrad, docteur en psychiatrie à Central Park Ouest, mène une vie tranquille avec sa femme Agatha et sa fille de 5 ans Jessica, jusqu'au jour où l'un de ses confrères lui confie une jeune patiente atteinte de schizophrénie. Il s’agit d’Elizabeth Burrows, 18 ans, actuellement en détention hospitalière depuis le jour où elle a tué pour la seconde fois un homme, et cette fois-ci en l’égorgeant et en le découpant en morceaux. Elle semble posséder une force surhumaine inexplicable, car il avait fallu plusieurs hommes pour parvenir à l’immobiliser. Pourtant, elle reste calme et sereine lors des séances avec le psychiatre, du moins pour l’instant… Dans le même temps, le Dr Conrad endure des problèmes sérieux et graves dans sa vie privée. En effet, des individus cruels et sans scrupules s’attaquent à lui-même et à sa famille. Jour et nuit, ces hommes les observent, les écoutent, les harcèlent,… et la police ne doit pas être prévenue, sinon… Andrew Klavan nous fait découvrir ici un très bon thriller, on s’angoisse constamment pour la famille Conrad soumis aux ordres des ravisseurs. Comment pourraient-ils se sortir de cette terrible situation ? Pourquoi s’en prend-on à eux ? Nous saurons en lisant ce livre que ces pauvres victimes n’ont pas été choisies au hasard. Par ailleurs, la présence d’une malade schizophrène apporte un élément de suspense en plus dans ce récit. En effet, on est continuellement sur ses gardes et on s’attend à tout moment à ce qu’Elizabeth se montre violente et dangereuse étant donné qu’elle a déjà commis des homicides. Et puis, on est un peu dérouté de l’entendre raconter des histoires invraisemblables ; on se demande alors ce qui est vrai là-dedans et ce qui représente simplement des hallucinations, notamment lorsqu’elle parle de ses amis secrets que visiblement elle seule peut voir et entendre ; elle nous brouille un peu l’esprit… En tout cas, Elizabeth croit dur comme fer à ses récits. Quoi qu’il en soit, il faut bien suivre ses souvenirs car c’est là justement que se trouve finalement la clé de l’énigme. J’ai bien apprécié cet ouvrage « Pas un mot… », je le trouve très intéressant, en revanche, je regrette qu’il traîne parfois en longueur à cause d’un peu trop de descriptions dont l’auteur aurait pu s’en abstenir. Mais grâce à l’originalité du roman et au suspense qu’elle suscite, cela compense largement et on a envie d’avancer rapidement dans la lecture afin de découvrir le dénouement. Ngan Dai BUI

mercredi 13 mai 2009

Le carrefour des écrasés de Claude Izner

Ce livre est un roman policier, de Claude Izner, qui est en fait, le pseudonyme de deux sœurs. L’originalité de ce livre (et des autres qu’elles ont écrits dans le même style) est que les intrigues se passent toujours dans le Paris du XIXe siècle. Dans celui-ci, un cadavre est découvert au « Carrefour des écrasés » pas loin de la rue Montmartre. Il s’agit d’une femme qui ne porte pas de chaussures. Ce jour-là, on apporte à Victor Legris (libraire rue des St Pères, une chaussure rouge contenant un papier à en tête de sa librairie. Fort de cette découverte suspecte, il va se lancer, comme à son habitude, dans l’enquête de ce crime. J’ai adoré ce livre pour le lieu et l’époque auxquels il se situe, car j’adore Paris et le 19e siècle, mais aussi pour les descriptions qui nous replongent dans cette période et l’intrigue plus originale que dans d’autres romans policiers. De plus, à la fin, il y a une postface historique et réelle, de la vie des Parisiens à cette époque.
Un seul petit reproche, par moment, je trouve que l’auteur s’éparpille un peu en développement inutile. Mais l’ensemble reste très intéressant pour ceux qui aiment le 19e siècle.
Qui a commis ce crime et pour quelle raison ? A vous de le découvrir en lisant ce roman passionnant. Hélène SALVETAT

mardi 12 mai 2009

Goodbye Columbus de Philip Roth

Ce livre est composé de six nouvelles qui se déroulent toutes aux Etats-Unis et sont en lien direct avec la religion juive. La nouvelle principale Goodbye Columbus qui donne son titre au livre narre un amour d’été entre Brenda Patimkin, étudiante et Neil bibliothécaire qui vit chez sa tante à Newark. Après plusieurs rendez-vous avec Brenda, Neil est invité à déjeuner chez les Patimkin et ainsi fait connaissance avec l’ensemble de la famille. Puis de fil en aiguille Brenda se permet d’inviter Neil une semaine chez eux ce que Mme Patimkin apprécie peu. Un beau jour Neil veut que Brenda achète un diaphragme. Celle-ci réticente dans un premier temps, cède et va voir un médecin à New-York mais ignore que ce diaphragme causera la fin de leur histoire d’amour. Les autres nouvelles sont plus courtes mais toutes très intéressantes. Y sont évoqués des sujets tels que les incohérences de la religion vues par un enfant perspicace, l’interdiction du vestimentaire religieux dans un quartier résidentiel et d’autres points en relation avec la religion. Ce livre que j’ai trouvé agréable à lire nous apprend quantité de choses sur la religion juive et aussi sur la nature humaine. L’auteur ne fait pas qu’évoquer la religion (heureusement !) il y a surtout les relations humaines homme/femme, enfant entre eux et adulte avec enfant. Derrière chaque nouvelle on s’aperçoit que la génération qui arrive demande toujours plus de tolérance à la génération précédente et que cette dernière a du mal à céder sur des principes religieux. Mais quasiment à chaque fois elle devra voir craqueler sa manière de vivre face à la jeunesse. Une des forces de ce livre est de montrer cette poussée mais avec humour et des fins de nouvelles jamais tristes. Pour en finir l’auteur insère des personnages- des seconds dirait-on au cinéma-dans certaines nouvelles qui les rendent encore plus vivantes et croustillantes. Edouard RODRIGUEZ

lundi 11 mai 2009

Paradiso de José Lezama Lima

Il y a Maman Munda la grand-mère, Le Basque, et son fils le Colonel, il y a Rialta la femme du Colonel, l’oncle Alberto Oloya, Don Andrés, la grand-mère Mela et le petit-fils José Cemi…Il y a aussi Madame Augusta, Andresito et Maltide… Paradiso raconte avant tout l’histoire de deux familles cubaines. Dans l’enchevêtrement des péripéties, dans la luxuriance des différents personnages de La Havane du vingtième siècle, Paradiso retrace le récit généalogique d’une famille cubaine créole enrichie dans l’industrie sucrière qui s’unit à une famille aristocratique d’origine portugaise et sévillane. José Cemi en est le héros, il est le fils d’un ingénieur cubain ayant la discipline d’un militaire sorti d’une académie européenne et d’une femme à la délicatesse morale et physique exceptionnelle. Derrière ce jeune homme asthmatique se cache le jeune adolescent José Lezame Lima. La narration de ce gros livre de plus de six cents pages n’est jamais chronologique, elle est constamment bousculée, détournée, happée par de grandes digressions, de grandes circonvolutions qui tracent des motifs raffinés et exotiques à l’image de cette famille exubérante et généreuse. José Lezame Lima brosse un monde de poésie et de magie. La langue est au cœur de ce roman baroque, effervescent et complexe. Par un glissement parfait, les métaphores font naître des épisodes, toute une série de ramifications du récit où par superposition d’images l’histoire s’évade en des volutes légères et violentes. Le lecteur est happé, emporté sans son consentement dans un monde pourtant bien réel fait de nombreux morts et d’amour. Ce livre brasse un savoir universel monstrueux. Chaque phrase recèle des beautés inavouables où chaque lecteur peut trouver en lui des résonances : ici une référence à une fable de La Fontaine apprise à l’école, là à la tradition du cirque Amar… Jacky Gloaguen

mercredi 6 mai 2009

Etude en rouge de Arthur Conan Doyle

Récemment revenu à Londres, le Dr. Watson cherche un logement décent et peu couteux. Un de ses amis lui présente Sherlock Holmes, un homme un peu étrange en quête d'un colocataire. Bien qu'intrigué par cet homme bizarre, aux connaissances limitées mais pointues dans des domaines extravagants et qui semble extrêmement perspicace, Watson accepte. Il apprend vite que Holmes est en quelque sorte consultant pour Scotland Yard, qui fait appel à lui pour résoudre les affaires les plus obscures. Justement, un meutre mystérieux a été commis dans une maison inoccupée : on y a retrouvé le cadavre d'un homme, sans blessure apparente. A ses côtés, une bague, et sur un mur l'inscription "Rache !" en lettres de sang... La seconde enquête s'annonce encore plus complexe, une jeune femme se présentant au 221B Baker street pour demander l'aide de nos héros. Depuis la disparition de son père, officier aux Indes, elle reçoit chaque année une perle de grande valeur. Et voilà qu'un billet lui a fixé rendez-vous, lui promettant de l'aider à réparer l'injustice dont elle est victime. Holmes et Watson vont donc l'accompagner... Ce livre présente deux des premières enquêtes de Sherlock Holmes, incluant notamment sa rencontre avec Watson. Elles suivent un schéma identique : quelqu'un sollicite Holmes afin d'éclaircir une affaire mystérieuse, et celui-ci tire une série de déductions d'après ses observations, jusqu'à résoudre l'énigme et arrêter le coupable. Un chapitre plus long raconte alors les origines et les raisons du crime, nous conduisant ici respectivement en pays Mormon et au coeur d'un pacte scellé aux Indes. L'écriture est toujours soignée et précise, et n'a rien perdu de sa modernité. Mais c'est surtout l'atmosphère, typique des enquêtes de Sherlock Holmes, qui enchante dès les premières phrases. On est immédiatement plongé dans cet univers si particulier, et c'est un délice de suivre la logique implacable de Holmes, quand bien même ça semble parfois un peu tiré par les cheveux ! Comme tout le monde, je connaissais évidemment les personnages de Conan Doyle. Mais quel plaisir que de découvrir ces romans ! On sent également qu'il y a beaucoup à apprendre sur ces héros, bien plus que ce que l'imagerie populaire a retenu, et ça m'a donné envie de lire d'autres enquêtes du duo. "Etude en rouge" m'a particulièrement plu : la construction en est passionnante, mais surtout, j'ai été enchantée de découvrir, véritablement, ces personnages que je croyais connaître, et la genèse de leur amitié. Des classiques de la littérature policière à lire d'urgence !
Fanny LOMBARD

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