mercredi 7 avril 2010

Pour l'amour de Jacques de Sophie Anquetil

Adolescent, Jacques Anquetil, ce champion cycliste des années 50-60 ayant marqué les esprits par ses fabuleux exploits, n’avait aucune attirance pour le vélo. Son éducation lui avait  inculqué le goût de l’effort, mais il ne comprenait pas que l’on puisse s’acharner ainsi à pédaler « pour rien ». Jusqu’à ce fameux jour de 1948 où il décida soudainement, à 16 ans, de relever un défi… Le public qui adule Anquetil ignore également un aspect plus intime de sa vie. Après avoir vécu une passion cachée avec Nanou, la femme de son médecin sportif et ami, il l’épousa et éleva ses deux enfants Annie et Alain. Mais Jacques désirait plus que tout assurer sa propre descendance,  et sa femme rendue stérile ne pouvait le satisfaire. Il fallut se rendre à l’évidence, la meilleure mère porteuse envisageable n’était autre qu’Annie. S’en suivit cet étrange arrangement familial qui fit se côtoyer au sein d’un même foyer Jacques,  son épouse, Annie la fille de l’une aussi mère de l’enfant de l’autre, et Sophie l’enfant qui a deux « mamans »...
Consciente du choc et des émotions contradictoires que la révélation de cette situation hors-norme ne peut qu’engendrer, Sophie Anquetil souhaite ici apporter son témoignage. Elle revient tout d’abord sur ses propres origines, de 1870 lorsque sa bisaïeule Mélanie tombe amoureuse d’un allemand en pleine guerre franco-prussienne, jusqu’aux débuts de cycliste de son père.  En suivant dans un premier temps cette saga familiale, le lecteur porte un regard neuf sur Anquetil. Cela  lui permet de mieux appréhender le personnage. Dans un style simple et agréable à lire, Sophie déroule ensuite l’enchaînement des faits, sans jamais tomber dans la recherche du sensationnel.  Un encart inséré au milieu du livre présente plus de 40 photos de famille. Il est agréable de mettre ainsi un visage sur les personnes citées. En fin d’ouvrage, quelques pages exposent, de manière chronologique, les grands points de la carrière sportive d’Anquetil.
Bien que l’auteur insiste beaucoup sur tout l’amour qu’elle ressentait au sein de cette famille, et le fait qu’il n’y ait pas eu d’inceste, j’avoue rester un peu perplexe. Plutôt d’esprit ouvert et tolérant, j’ai éprouvé cependant un arrière goût étrange à la lecture de ce livre.  Par exemple, l’emploi récurrent du terme « sultan » pour désigner Jacques, et aussi cette femme si ardemment éprise offrant (égoïstement ?) sa fille comme mère porteuse pour satisfaire le désir d’enfant de son mari. Cela laisse planer un sentiment de malaise : Annie avait le choix de refuser, oui, mais elle était à l’époque une toute jeune adolescente qui adorait sa mère et vouait une admiration sans borne à son beau père. Et l’embarras se prolonge lorsque l’on voit comment tourne la situation alors que les sentiments de Jacques envers sa belle-fille évoluent. Jusqu’au dernier épisode de sa vie amoureuse, très surprenant lui aussi (mais peut-être prévisible ?), qui ajoute une couche supplémentaire à l’ambiguïté du personnage. Le « sultan » aura toujours vaincu,  aussi bien dans sa vie privée que dans carrière professionnelle !

Sophie HERAULT

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