Comme une vie, le récit commence à la conception de l’existence de Ruby Lennox. Au premier coup de minuit, elle n’est qu’une possibilité, au douzième elle entre dans la ronde du monde. Son père est ivre et brutal, et sa mère fait semblant de dormir, ainsi Ruby Lennox commence-t-elle à nous conter à la première personne sa vie, depuis la nuit où ses parents la conçoivent jusqu’à la mort de sa mère, quatre cents pages plus loin. Et si le premier chapitre s’intitule « Conception » le dernier s’appelle « Rédemption ». Au lecteur de s’interroger sur cette énigme résumée en deux mots.
Pendant les treize chapitres qui constituent ce roman s’écoulent de façon très linéaire quarante un ans. Ruby ne nous épargne rien ou presque des misères de sa famille. Entre l’ivrognerie d’un père et la méchante indifférence d’une mère, Ruby grandit tant bien que mal au dessus du capharnaüm de la boutique pour animaux qui les fait vivre. Elle n’est pas malheureuse, bien que les êtres qui l’entourent disparaissent tous peu à peu : ses sœurs et puis sa grand-mère, mais aussi son père, tout le monde semble y passer… Finalement à travers ce fantastique désastre, seule surnage sa verve langagière par laquelle elle nous fait partager sa vie. Face au monde, face aux misères qu’il lui réserve, Ruby fait preuve d’une fabuleuse ironie, quand ce n’est pas le cynisme le plus brutal et le plus drôle.
Pour rompre la monotonie toute apparente d’une linéarité temporelle, chaque chapitre s’accompagne d’une « Annexe ». Chacune est une façon de revenir sur le passé tumultueux de cette famille marquée par l’Histoire européenne : on y suit rien moins que deux guerres mondiales. Dès lors la simplicité du récit se complique, la galerie de portraits s’étoffe et le roman finit vite par ressembler à un savant puzzle qui réserve quelques surprises.
Kate Atkinson a tracé à travers ce roman rien moins que l’histoire des femmes du vingtième siècle. Une agréable façon de revenir sur la grandeur et la servitude du genre humain, mais aussi de s’interroger sur la notion de vie comme une perte infinie.
Jacky GLOAGUEN
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