mercredi 12 janvier 2011

Kafka sur le rivage de Haruki Murakami

Entre onirisme et réalité, culture japonaise et occidentale, philosophie et poésie, Murakami nous plonge dans un roman fleuve déconcertant, quelquefois hermétique mais sublime, bouleversant, unique et précieux. Un cadeau de lecture comme il en arrive peu souvent.
L’histoire commence comme un roman d’apprentissage. Le jour de ses 15 ans, Kafka Tamaru décide de quitter Tokyo et son père pour gagner Takamatsu dans la province de Shikoku. Il fuit une terrible prophétie (annoncée par son père) qui le rendrait coupable d’inceste auprès de sa mère et de sa sœur, enfuies du domicile depuis ses 4 ans.
A travers ce parcours initiatique, il rencontre de nombreux personnages, aimables et attentifs auprès desquels  il tente de se construire, d’être. En quête de sa mère et de sa sœur, il pénètre au plus près de lui-même, se perd dans ses rêves, découvre l’amour sensuel et érotique  avec des « fantômes vivants » et entraine le lecteur jusque dans les profondeurs de sa conscience et de son âme. Déroutant, assurément, le récit nous fragilise, nous questionne sur le sens de la vie, du hasard, de l’amour et de la liberté. Mais la lecture ne nous abandonne jamais, elle nous fait juste vaciller ; c’est enivrant et bienfaisant.
« Kafka sur le rivage » c’est aussi le voyage de Nakata, vieil homme illettré, devenu mentalement fragile, depuis une sortie scolaire en forêt en 1944 où, victime d’un évanouissement collectif il aurait perdu toute mémoire. Si Murakami n’établit pas tout de suite le lien entre ses personnages, on devine aisément comment la solitude de chacun  les rapproche et les mène inéluctablement vers Takamatsu, loin des méandres tourmentés de Tokyo.  Ce vieil homme est un sage, il a la faculté de parler aux chats. Sa rencontre avec un homme particulier, Johnny Walken, tueur de chats justement, va lui permettre de mener à bien une quête personnelle, aidé sur sa route par Hoshino, chauffeur routier, drôle et attachant. Pendant ce voyage, il se passe des événements singuliers et envoûtants qui aspirent les personnages et le lecteur tout entier. Il faut alors se laisser porter, accepter de se perdre un peu, d’être en déroute sans jamais sombrer dans la détresse.  Les questions fusent, ne trouvent pas toujours de réponse mais élèvent l’esprit.
Et puis il y a cette bibliothèque et sa bibliothécaire au cœur même du roman,  véritable fil conducteur souple et aléatoire de ces histoires intimes. C’est le lieu magique où tout se joue, où chacun se trouve et se réalise.
 Au final, une sorte d’apaisement pour tous, lecteur compris. 
« Kafka sur le rivage » est donc un livre planant qui s’écoute (Beethoven, Schubert, Haydn, Mozart et la fameuse mélodie « Kafka sur le rivage »)  se goûte (les personnages ont souvent faim) et se voit (nombreuses descriptions). Un entremêlement d’ambiances, d’atmosphères, d’images qui font tourner la tête et parfois chavirer mais créent un vrai sentiment de bonheur. Un livre magique

Cécile PELLERIN

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