lundi 8 février 2010

Moo de Jane Smiley

Ce roman ne se contente pas de relater les épisodes de la vie d’un ou deux personnages mais de toute une communauté. En faisant d’une université du Midwest la toile de fond de Moo, Jane Smiley nous fait découvrir des dizaines de personnages. De l’étudiant de deuxième année qui se fait un peu d’argent en s’occupant du cochon Earl Butz au maître de conférence dans le département d’anglais et professeur d’écriture, du recteur à Marly Hellmich serveuse à la cafétéria qui va se marier, du distingué Docteur Lionel Gift professeur d’économie aux différentes secrétaires de l’administration… Leurs vies se croisent ou s’ignorent, parfois leurs intérêts convergent ou s’affrontent, des personnages indifférents les uns aux autres vont se rapprocher et parfois conjuguer leurs efforts.
Le récit suit les soubresauts de leurs vies. Il nous parle de la forêt du Costa Rica et de voyage en Ouzbékistan, d’encéphalopathie bovine spongiforme et de déconstructivisme, mais aussi de l’invention d’une machine agricole révolutionnaire et de cuisine.
Au fil de l’année universitaire qui passe le lecteur se fait spectateur des comédies qui se jouent, il découvre le tableau édifiant de la société américaine des années quatre vingt dix. Le cynisme règne, les femmes se marient pour l’argent, les universitaires comme les entrepreneurs n’ont aucun scrupule. Carriéristes sans état d’âme, arrogants et mesquins, narcissiques et exubérants, les hommes et les femmes n’ont plus d' idéaux ; dans cette société le dictat de l’argent et de la performance règne en maître. Même les réfractaires sont croqués par l’auteur d’une encre acide et cruelle. Personne n’échappe au massacre, puisqu’en une sorte d’apothéose finale tout sombre : le cochon meurt, les couples séparés se marient parce que même la séparation n’est plus possible, et les femmes qui refusaient jusque là la domination masculine se prennent à rêver d’une vie faite de servitudes domestiques. Car malheureusement rien ne change jamais.
C’est avec plein d’humour et de clairvoyance que Jane Smiley nous entraîne avec elle dans ce roman un peu fou et dérangeant. Car malgré tout il s’agit pour l’auteur de rester lucide.

Jacky GLOAGUEN

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