jeudi 1 février 2007

Le vivier de Henri Troyat

Un huis-clos à cinq personnages., une sorte de pièce de théâtre, celui des émotions masquées, des désirs refoulés.
Dans chaque scène un, deux, rarement trois personnes échangent un dialogue décalé, froid, banal pour mieux contenir le torrent de rancoeurs, de calculs et de lâchetés qui les rongent. Et puis tout à coup, l'explosion, la fureur des non-dits qui submerge, ravage, détruit. L'irrémédiable des mots prononcés a lieu et, s'il laisse place à nouveau au calme, l'équilibre de la relation dominant-dominé est rompu. Un transfert s'opère alors entre les acteurs de ce vivieret cette vieille femme qui tyrannisait une aussi vieille fille soumise jusqu'à la veulerie, se retrouve prise au piège, totalement dépendante de ses sentiments envers un jeune homme oisif, falot et sans volonté. Quelle précision met Henri Troyat à décrire par le menu la nature des émotions qui envahissent tour à tour ses personnages et les manifestations physiques qu'elles engendrent! un raffinement de détails nous transporte dans le cœur même de chacun d'eux. Sans qu'il n'en soit jamais prononcé le nom, c'est bien de souffrance dont il s'agit, celle de ces êtres que leur univers étriqué oblige à concentrer sur un seul individu toute la violence de leurs sentiments. Aucun d'entre eux n'est vraiment sympathique, pas même la bonne muette qui fait les frais des caprices de ses patrons. Pourtant on se surprend à éprouver pour chacun de la compassion: allons, soyons honnête, qui n'a jamais fomenté de plan plus ou moins scabreux envers un de ses congénères pour parvenir à ses fins?! Qui n'a jamais tenté de manipuler l'autre? Le talent de Troyat à démontrer la complexité de ces comportements nous rendrait presque indulgent envers nous-même face à ce terrible constat! Florence TOUZET

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