vendredi 29 février 2008

La souris bleue de Kate Atkinson

Ce roman débute par la narration de trois anciens crimes non résolus : Olivia, petite fille de sept ans disparue un soir d’été dans le jardin de ses parents, Laura assassinée au cabinet de son père par un mystérieux « pull jaune » et Keith assassiné à coups de hache, semble-t-il par sa jeune épouse. Jackson Brodie, un détective privé atypique de Cambridge se voit confier ces trois affaires criminelles, sans lien apparent. Cet ancien flic, un peu paumé depuis son divorce, se sent dépassé par l’évolution de la société. Papa poule d’une petite Marlee, il s’inquiète de la voir grandir.
La trame policière n’est qu’un heureux prétexte pour l’auteur. Ce n’est pas la résolution des énigmes et les indices qui sont au cœur de l’intrigue. Le sujet de ce roman est bien notre société et ses travers, une société qui transforme les petites filles de huit ans en véritables Lolita, qui encense la néfaste food et encourage la télé poubelle. A travers son roman, Kate Atkinson décrit avec justesse des personnages réalistes hauts en couleur, qui se mêlent et se rencontrent comme au hasard de la vie et non au hasard de l’écriture. Son écriture vive et exubérante nous fait découvrir des situations évidemment dramatiques mais aussi cocasses comme les incessantes disputes des deux sœurs Land. Les apparences sont souvent trompeuses et Kate Atkinson s’amuse à nous faire dévider un fil qui ne mène à rien, ou plutôt à un autre. En plus d’alterner présent et passé, elle propose pour chacun de ces chapitres un personnage narrateur différent qui ne nous livre que sa version de l’histoire, version tronquée donc, que le lecteur reconstitue plus ou moins habilement. Cette narration non linéaire m’a au départ un peu déroutée, tout comme les trois premiers chapitres qui racontent trois faits divers comme de petites nouvelles à l’intérieur de l’histoire principale. Et l’on se demande véritablement où l’auteur veut nous mener. C’est le premier roman de Kate Atkinson que je lisais et il m’avait été recommandé par une amie. Je ne regrette absolument pas ce choix. Delphine LE PERF

mercredi 27 février 2008

Shalimar le clown de Salman Rushdie

Un ancien ambassadeur des Etats-Unis en Inde, Maximilien OPHULS, né Français d'origine juive, élevé à Strasbourg dans une famille d'imprimeurs est égorgé et presque décapité au seuil de la demeure de sa fille India, à Los Angeles. Il était responsable de la lutte anti-terroriste aux Etats-Unis.
Son assassin est Shalimar le Clown, son chauffeur, tueur professionnel des milices islamistes du Cachemire après avoir été membre du Front de Libération Du Jammu et Cachemire. Il s'est mis sous les ordres du Mollah d'acier Bulbul Fakh. Dans un centre d'entraînement djihadiste, Shalimar Noman dit le clown car il a été funambule dans une troupe d'équilibristes et de danseuses, rencontre un Philippin, Janjalani, musulman de Mindanao, ex-membre du Front moro de Libération Nationale qui a rejoint le Tabligh al-islamique financé par l'Arabie saoudite et le Pakistan.Janjalani évoque l'installation des chrétiens philippins financés et armés par l'Ambassadeur US secret, Maximilien OPHULS. A l'écoute de ce nom, Shalimar veut rejoindre les Etats-Unis et trucider cet homme qui lui a ravi sa bien aimée Boonyi qui était danseuse dans la même troupe que lui. A cette époque où Maximilien OPHULS était ambassadeur des Etats-Unis en Inde, sa liaison adultérine avec la très belle danseuse Boonyi fit grand bruit car de leur union naquit India abandonnée par Boonyi, adoptée par la femme de Maximilien OPHULS qui l'emmena en Amérique du Nord et l'y éleva. Boonyi contrite et repoussée par l' Ambassadeur revint à son village du Cachemire où elle mena une existence retirée, traitée comme une morte pour ne pas avoir à l'abattre pour avoir porté atteinte à l'honneur de son époux Shalimar et de sa famille. Boonyi devint à moitié folle puis fut décapitée un jour par Shalimar décidé à aller jusqu'au bout de sa vengeance. Ce livre est un grand roman et ses personnages extrêmement denses et consistants. Salman RUSHDIE peint une vaste fresque épique où des destins tragiques s'entrecroisent. Nous sommes en plein choc des civilisations s'exprimant dans les destins individuels des quatre personnages principaux Maximilien, Boonyi, Shalimar et India. Nous voyageons du Cachemire en Californie en passant par la vieille Europe au cours de la Seconde Guerre Mondiale, en France et au Royaume-Uni. L'auteur impressionne par sa culture et l'arrière-plan historique et romanesque. Comment ne pas penser à Romain GARY quand l'auteur dépeint Max OPHULS résistant et aviateur, Consul de France à Los Angeles. Comment ne pas penser à l'union scandaleuse de NEHRU et de Lady MOUNTBATTEN au moment de la scission indo-pakistanaise. Quant aux romans, comment ne pas penser aux affres psychologiques d'Anna KARENINE ou de Madame BOVARY quand l'auteur évoque Boonyi ou Julien SOREL et Raskolnikov quand il s'agit de Shalimar. Si l'on n'est pas rebuté par la mièvrerie et les longueurs de RUSHDIE quand il évoque le Cachemire il faut constater que Shalimar le clown est une oeuvre maîtresse aux personnages riches et complexes qui évoluent dans un monde qui pourrait être enchanteur mais est inexorable comme une tragédie grecque. Du grand art. Gwenaël CONAN

lundi 25 février 2008

Enfance de Françoise Dolto

Enfances : pourquoi « enfances » au pluriel ? C’est ce que vous découvrirez en lisant cet ouvrage autobiographique de Françoise DOLTO. Vous ne lirez pas un écrit sous forme de mémoires, longuement revues, rédigées, corrigées, mais des réponses aux questions de sa fille, Catherine DOLTO-TOLICH, psychanalyste des enfants, elle aussi. Ce dialogue (courtes questions/longues réponses) entre mère et fille, entre psychanalystes dévouées à la cause des enfants, peut être lu de différentes manières : Témoignage historique et sociologique de ce que pouvait être l’enfance et l’adolescence d’une petite fille née dans une famille bourgeoise, en 1908. Sur ce plan, l’on trouve des correspondances avec les « mémoires d’une jeune fille rangée », de Simone de Beauvoir, née, elle aussi, en 1908 dans une famille bourgeoise. Témoignage de l’émancipation d’un individu par rapport à ce qui le « formatait » (statut social, rôle, devoirs et charges incombant à une jeune fille de cette classe) : là encore, on trouve de nombreuses correspondances avec les « mémoires… » de S. de Beauvoir : comment se construit un individu -une femme en l’occurrence- en rupture avec son milieu, sa classe jusqu’à occuper un rôle unique et novateur dans son domaine (pour l’une, la psychanalyse, pour l’autre, la philosophie), à la première place. Témoignage et reconstitution de la naissance d’une vocation et de ses futurs concepts : pas à pas, Françoise DOLTO nous livre tout ce qui l’a portée de manière résolue et déterminée vers la cause des enfants. Un premier constat, souvent éprouvé depuis sa petite enfance : les adultes méconnaissaient de manière parfois sidérante les enfants ; c’est ce qui a forgé sa volonté de devenir « médecin d’éducation ». Autre constat : les enfants somatisaient par rapport à leur entourage (exemples de ses frères). Enfin, par les liens très forts qui l’ont unis à son plus jeune frère, l’importance de toujours répondre à un enfant, y compris que l’on ne sait pas ; l’importance de ces échanges avec un individu en construction (les enfants ont longtemps été considérés comme des « sous-adultes », et non des adultes en devenir, des individus à part entière. A partir de son enfance, vous comprendrez son intérêt jamais démenti, au point qu’elle a construit sa vie autour de cela : les « enfances ».
Sylvaine DEKESTER

vendredi 22 février 2008

Hell de Lolita Pille

Hell a 17 ans, est belle, riche, porte des vêtements griffés de la tête aux pieds et aime ressembler à une « pétasse » de luxe. Elle se montre provocante, insolente, méprisante envers ceux qui ne font pas partie de son monde. Elle passe toutes ses nuits dans les boîtes parisiennes à se saouler et à se « cocaïner ». Derrière cette apparence branchée et glamour, elle cherche en réalité à combler un vide profond et tente d’évacuer son mal-être... Un jour, Hell rencontre son semblable masculin Andrea, 22 ans, beau, riche, qui roule en Porsche et est autant arrogant et effronté qu’elle. Ils tombent fous amoureux et c’est le bonheur parfait durant six mois. Malheureusement, le passé de Hell finit par la rattraper et c'est le drame. Ce roman est cru, cynique, voire même choquant. Des jeunes issus d'un milieu fortuné, nés avec une cuiller en argent dans la bouche et qui sont finalement complètement paumés, égarés et sans repères. C'est la déchéance totale, la lente descente aux enfers pour cette jeunesse dorée. Ils portent en eux une douleur intense et incontrôlable. J'ai bien aimé ce roman écrit sous forme de journal intime par Hell d'une part, puis par Andrea d'autre part. Cela permet aux lecteurs de comprendre le sentiment de chacun d’eux, de saisir ce que l'un et l'autre perçoivent et comment ils vivent les événements. L'histoire est loin d’être superficielle remplie de paillettes... Ce roman me fait penser à la chanson de Johnny Hallyday « l’Envie », notamment à la phrase /on m'a trop donné bien avant l'envie/. On assiste à une auto-analyse psychologique très touchante de ces deux âmes tourmentées… Et à une autodestruction... J’ai bien apprécié ce roman émouvant qui fait réfléchir sur la notion du bonheur, de la richesse, et de l’espoir. Par ailleurs, Hell et Andrea sont attachants.
Dai BUI

mercredi 20 février 2008

Joue nous Espana de Jocelyne François

A Rosières-aux-Salines, petit village de Lorraine, vit Jocelyne avec ses parents. Son enfance se déroule tranquillement en présence de ses grands-parents André et Léonie-Cecile, de tonton René et de Mme Derlon la voisine atteinte de paralysie.
Lors d’une visite au cimetière, elle apprend qu’elle a eu un frère aîné qui est décédé. 1939 est là… Jocelyne entre à la grande école, un petit Pierre arrive au foyer, et son père laisse son métier de représentant en confiserie pour aller sous les drapeaux. En 1946, tandis que la guerre est enfin finie, la vie reprend son cours normal mais avec une petite sœur Anne-Marie née en 1943. Puis c’est le départ pour Mattaincourt et son pensionnat de jeunes filles jusqu’en 1952. Dans un milieu qui lui plaira Jocelyne va se lier d’« amitié » durant la dernière année avec Marie Claire/Sarah. Cette affection se développera ensuite lorsqu’une fois le Baccalauréat en poche, elle se retrouvera à la faculté de Nancy. Mais quels évènements ont donc poussé Jocelyne François à écrire cette autobiographie ? J’ai beaucoup apprécié ce livre qui est un voyage au cœur de la Lorraine et cette façon simple de Jocelyne François de raconter sa petite enfance fortement liée à la Seconde guerre mondiale. La drôle de guerre, l’occupation, le port de l’étoile, les rafles, l’ode au Maréchal, le débarquement et la libération du village voilà certains des souvenirs d’enfance que Jocelyne nous relate au travers de son regard d’enfant sans rien enlever à l’authenticité du drame de l’époque. De plus la vie des grands-parents y apparaît par bribes, suavement réparties. Nous plongeons ainsi également dans le 19ème siècle, son monde rural et le début de l’industrialisation. Ce roman évoque l’infidélité au cœur du couple, le début d’une relation amoureuse entre femmes mais aussi et surtout l’ensemble des passages de la vie : l’enfance et la croyance des fées, l’adolescence avec ses amitiés et la découverte de la réalité de l’existence et pour finir le début de la vie d’adulte avec les réactions amoureuses hors norme pour l’époque… En résumé un bouquin à bouquiner. Edouard RODRIGUEZ

lundi 18 février 2008

Froid aux yeux de John Sandford

Minneapolis, Stéphanie Bekker est retrouvée morte dans sa cuisine, le corps en charpie et les yeux crevés. Qui a ainsi pu massacrer la femme d’un obscur docteur en pathologie ? Crime de rodeur ? Crime de toxicomane en manque ? Pour Dell, officier à la brigade des stups et cousin de la victime, l’assassin ne peut être que le mari lui-même… Mais le Docteur Bekker a un alibi en béton : au moment du crime, il était à San-Francisco ! Dell confie alors son désarroi à Lucas Davenport, ami et collègue, à qui est finalement confiée l'enquête. Alors que Lucas œuvre à la recherche d’un éventuel témoin, l’amant de Stéphanie Bekker, un deuxième cadavre, celui d’Elizabeth Armistead, administratice de théâtre, est découvert, les yeux crevés ! Pour Lucas, nul doute, les deux crimes sont liés...
« Froid aux yeux » est le premier volet de l’affrontement entre Michael Bekker et Lucas Davenport. Construit autour du thème de la mort, ce roman laisse un arrière goût nauséeux tant les personnages sont proches du chaos. D’un côté, le Docteur Bekker, un pathologiste schyzophrène, bourré aux amphétamines, dont la fascination absolue pour la mort et le plaisir qu’il semble en retirer, lui ont valu le surnom de Docteur « Décés » lors de la guerre du Viet-Nam. De l’autre, Lucas Davenport, un flic en pleine déprime depuis que sa compagne l’a abandonné en emmenant sa fille et pour lequel la devise d’un bon policier n’est autre que « La fin justifie les moyens ! ». Malgré mon amour pour les romans noirs policiers et alors que j’avais adoré les trois premiers romans de John Sanford (où l’on retrouvait déjà Lucas Davenport), je reste ici sur un sentiment mitigé. C’est sûr, on est à mille lieux des romans de Mary Higgins Clark. Tout est pourri et malsain. La limite qui sépare policier et criminel est tenue et durant toute ma lecture, un sentiment de malaise m’a accompagné. Alors, « Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir » ? Si, car la qualité de l’écriture et le sens du suspense de Sandford permettent de finir ce roman sur une meilleure note ! Pierre LUCAS

vendredi 15 février 2008

L'omelette byzantine de Saki

Ce recueil présente 26 nouvelles indépendantes, mais où l’on croise parfois des personnages récurrents. Citons, par exemple, "Reginald et les Choristes" : une respectable fille de pasteur tente de ramener le fantasque Reginald dans le droit chemin - ce qui n'est peut-être pas une si bonne idée... "La tante prodigue" : trois nièces tentent de dissuader leur riche tante de léguer sa fortune à leur cousin, joueur invétéré. "Le Déjeuner Fantôme", ou comment se faire offrir un succulent repas par des pique-assiettes. "Un Répit", racontant la manière pour le moins originale dont Vera parvient à distraire un homme politique des soucis de sa campagne. "La cousine Teresa" où, entre deux frères, les honneurs n'échoient pas forcément à celui à qui l'on pense. "Offres de paix" : Clovis et la baronne montent une pièce de théâtre, mais chacun veut tirer la couverture à lui. "Un Rien de Réalisme", où jusqu'où peut-on aller pour garder un excellent cuisinier à son service... « La disparition de Crispina Umberleigh » : véritable tyran domestique, enlevée par des ravisseurs... et que le mari est bien décidé à payer pour qu'ils la gardent !
J'ai dévoré ces nouvelles très brèves, écrites dans un style simple mais aux mots aiguisés et remplies de formules ciselées. La chute, habilement négociée, désarçonne parfois, amuse toujours, en donnant tout son sel à chaque récit. Ces nouvelles nous plongent dans la bonne société britannique, pétrie de certitudes et enfermée dans des conventions sociales dont Saki stigmatise les travers ridicules, pathétiques, voire terribles. Ses personnages sont truculents et savoureux, et l'humour, terriblement anglais, joue sur l'ironie et sur une logique poussée jusqu'à l'absurde. J'ai adoré ce livre : j'ai pensé à Oscar Wilde, P.G. Wodehouse ou Rudyard Kipling, mais Saki a son propre univers et son propre ton, où perce une ironie acide. Il y a une sorte de jubilation à voir le dandy cynique ou la jeune fille malicieuse ridiculiser les tantes indignes et nobliaux boursouflés d'importance, pour lesquels on ne ressent aucune sympathie. J'ai trouvé dans ces nouvelles un mélange de cruauté et de farce bon enfant, de badinage et de forte critique sociale. Lisez Saki : c'est drôle, intelligent et percutant, et cet auteur génial n'a pas la renommée qu'il mérite. Fanny LOMBARD

mercredi 13 février 2008

Je, François Villon de Jean Teulé

Il est né le jour où Jeanne d’Arc fût brûlée et le jour où son père fût pendu pour avoir récupérer un linge afin que sa femme accouche décemment… Deux ans plus tard, c’est au tour de sa mère de mourir enterrée vivante dans la fosse aux chiens… Le chanoine Guillaume de Villon lui sert alors de tuteur essayant tant bien que mal de l’élever. Mais très vite, le jeune François Villon révèle un goût très prononcé pour les sorties nocturnes et tapageuses mais aussi pour la poésie, notamment les ballades.
En terminant la lecture de cette autobiographie imaginaire, je me suis demandée si la vie de François Villon était vraiment telle qu’elle nous était racontée… Parce que j’ai trouvé ce monsieur loin d’être un personnage recommandable !Et pourtant même si tout n’est pas prouvé, il semblerait que la plupart des faits soient avérés, ce qui donne tout de même des frissons dans le dos. D’autant plus que Jean Teulé, en choisissant de raconter cette vie en utilisant la première personne, nous donne une terrible impression de vérité. L’époque était certes difficile, la pauvreté, la famine, la cruauté du clergé et des riches envers les pauvres poussaient les gens à bout. François Villon a essayé de faire naître la révolte dans le cœur des parisiens. Il a profité du privilège d’être un étudiant pour commettre des excès en tout genre, des exploits extravagants tels que vols, crimes, dévergondage…tout en laissant toujours dans son sillage un sentiment de liberté et de modèle pour la jeunesse de l’époque. C’est assez fascinant de découvrir ce personnage que l’on considère comme un des premiers poètes modernes, devenir de son vivant un personnage légendaire. On lui prête certainement plus de méfaits qu’il n’en a commis, ce qui ne l’a pas empêché de côtoyer des grands noms du royaume tout en appartenant à une bande d’écorcheurs. S’il y avait un mot par lequel je devais définir ce poète, c’est « paradoxal », pouvant être parfois atroce, parfois sublime d’humanité, à la fois poète et ribaud … Ce n’était pas une mince affaire de la part de l’auteur de se mettre à la place de François Villon, cet homme qui commet des actes odieux plus par défit que par conviction, les regrettant après et ne pouvant pourtant rien changer aux conséquences qu’ils ont eus, mais j’ai trouvé très réussi cet endossement de personnalité. J’ai apprécié aussi, et pourtant la poésie n’est pas vraiment ma tasse de thé, l’insertion dans le texte de ses ballades les plus connues, dans le contexte de leur création (la ballade des pendus, la ballade de la grosse Margot…). Même s’il est parfois difficile à lire, l’auteur ayant pris le parti d’écrire selon les tournures de phrases employées au XVe siècle, c’est un livre intéressant et original qui nous en apprend beaucoup sur François Villon mais aussi sur l’époque qui l’a vu vivre.
Nicole VOUGNY

lundi 11 février 2008

1 cobra, 2 souliers et beaucoup d'ennuis d'Alexander McCall Smith

Poppy Maoppe est cuisinière à l’université de Gaborone. Un jour, elle découvre que Mma Tsau, sa supérieure vole de la nourriture pour engraisser son mari. Elle ne sait pas trop quoi faire. La dénoncer à la police serait sûrement la meilleure chose mais voilà que sa chef menace de la licencier si elle parle, pire elle va même l’accuser d’être à l’origine de l’ignoble chantage dont elle est à présent victime. Quant à l’infirmière Boitelo Mampodi, elle soupçonne le docteur qui l’emploie de modifier les dossiers médicaux de ses patients. Le seul recours qu’il reste alors à ces deux femmes c’est de faire appel à Mma Precious Ramotswe qui dirige avec sa fidèle assistante Mma Makutsi l’agence N°1 de Dames Détectives du Bostwana. Et grâce à son sens inouï de la déduction et son infaillible intuition, Mma Ramotswe va réussir à résoudre sans difficulté ces énigmes.
Si vous détestez les crimes bien sanguinolents et morbides, les tueurs en série ou psychopathes en tous genres monstrueusement inquiétants, vous serez alors sans aucun doute enchanté par les aventures de Mma Ramotswe car les enquêtes qu’elle mène sont d’un caractère franchement banal pour ne pas les qualifier de simplistes. Elle consacre en effet principalement tout son temps à s’occuper de menus larcins, d’histoires familiales, d’adultère… Evidemment ce que je pourrais être tentée de reprocher à ce roman c’est justement la légèreté de l’intrigue, le manque de suspense voire l’extrême lenteur des évènements. Mais au fonds peu importe si l’histoire policière est secondaire car très vite on tombe sous le charme de Mma Ramotswe. Ce personnage de « constitution traditionnelle » est tellement sympathique, tellement haut en couleur, plein de joie de vivre, d’humanité, de sagesse et de philosophie qu’on s’y attache forcément tout de suite. J’ai incontestablement trouvé ce livre délassant, reposant et son cadre si dépaysant que j’en ai presque oublié pour un instant le monde stressant dans lequel nous évoluons tous les jours.
Marlène EVEN

jeudi 7 février 2008

Cliente de Josiane Balasko

A Paris et en banlieue, l’actrice et romancière Josiane Balasko nous raconte l’histoire de 3 personnes : un couple Fanny et Marco et une présentatrice du téléachat prénommée Judith. Leur point commun c’est Marco, ou plutôt « Patrick ». Pour permettre à sa jeune femme de payer les traites de son salon de coiffure, Marco qui travaille sur des chantiers trop peu nombreux va devenir escort-boy. « Patrick » rencontre alors Judith, nouvelle cliente proche de la cinquantaine. Leur relation sera le point de départ de l’intrigue : la découverte par Fanny du métier 5 à 7 de l’homme qu’elle aime et la survie possible de leur couple devant faire face au poids des dettes et à la présence de la mère et la jeune soeur de Fanny chez qui ils vivent faute de mieux. Une promiscuité pesante, qui déclenche des coups de gueule, des pleurs, des retrouvailles : bref de la vie avec ses non-dits, ses problèmes d’argent, ses compromissions. Le décor est planté, le livre se lit avec intérêt : il passe, d’un chapitre à l’autre, de la voix de Fanny, Marco ou Judith. C’est simple, les sentiments et les heurts sont très bien rendus et on se prend à aimer ses 3 personnages qui tentent de vivre leur amour de façon la plus respectueuse, plausible et tendre possible. Non seulement on les aime avec leurs défauts, on les comprend et on s’imagine à leur place mais le plus réussi c’est la manière dont leurs pensées sont rendues : un langage clair, cru et drôle qui n’est pas sans rappeler la Balasko vivante et entière que l’on connaît par ses films et interviews. Les choses de l’amour, du sexe mais sans le côté voyeuriste et malsain qu’utilisent parfois certains auteurs, et de l’âge qui passe chez une femme sans lui ôter pour autant l’envie des plaisirs, c’est ce dont nous parle avec brio Josiane Balasko. Ses personnages se cognent à leur vie, à leur envies mais ils osent, fragiles et forts à la fois, et ils ne se déchirent pas sans raisons, pas sans s’aimer. J’ai entendu parler de ce livre par son adaptation cinéma (qui sortira en septembre 2008 avec Nathalie Baye, Isabelle Carré et Eric Caravaca incarnant le trio infernal devant la caméra de Josiane Balasko) et j’ai pris goût à le lire attendant dans les derniers chapitres le dénouement de cette crise aigue d’un couple qui s’aime. Aucun sentiment chez eux n’est laissé de côté, mais la souffrance permet parfois de trouver la base d’une vie où s’impose les autres qu’on le veuille ou non. A découvrir pour passer un bon moment en compagnie de Fanny, Marco, Judith, sa sœur Irène, Toutoune, Rosalie, Karine, Mémé et les autres….
Fanny JOLIVET

mardi 5 février 2008

J'irai cracher sur vos tombes de Boris Vian

Lee Anderson est gérant de librairie dans la ville de Buckton. Récemment arrivé, il s’intègre bien dans la bande locale de jeunes à qui il fournit alcool et sexe. Et pourtant, il est noir, seulement cela ne se voit pas, sa peau étant blanche… Et il n’a qu’un désir, venger la mort de son petit frère, lâchement tué pour avoir osé aimer une blanche… Aussi, lorsqu’il fait la connaissance des sœurs Asquith, il n’a plus qu’une idée en tête, les détruire…
Quel roman !!! Quelle habileté de Boris Vian de s’être glissé dans la peau d’un métis et de nous faire vivre à travers ses pensées et son comportement le malaise et la difficulté des noirs américains dans leur vie quotidienne face aux blancs ! Le racisme, les conditions précaires des noirs dans le sud des Etats-Unis dans les années 40 et surtout l’attitude condescendante et méprisante des blancs envers eux nous sont parfaitement transcrites, grâce à une écriture d’un grand réalisme, mais aussi d’une grande violence. Par moment on se sent happé et sans force devant une telle intensité ! Franchement, il n’est pas étonnant qu’à l’époque de sa parution, ce roman ait été interdit parce que considéré comme pornographique et immoral, ce qui valut d’ailleurs à l’auteur d’être condamné pour outrage aux bonnes mœurs. Parce qu’en plus, la jeunesse américaine en mal de sensations fortes qu’elles proviennent de l’alcool ou du sexe nous est montrée comme complètement débauchée et irresponsable. Mais cette insouciance n’allège nullement l’atmosphère terriblement inquiétante du livre. Le fil rouge de l’histoire, c’est l’idée de vengeance qui est derrière tout ce que fait ou dit Lee. Aucun autre sentiment ne transparaît si ce n’est la haine qui lui ronge le cœur. Au fur et à mesure que le récit avance, la violence d’abord verbale puis physique monte jusqu’à atteindre son paroxysme à la fin. Cet homme qui pouvait se servir de sa chance d’être blanc, plutôt que de s’intégrer, cherche à se venger de tout ce que subissent ses frères alors que lui n’est pas concerné… Il va jusqu’à mépriser son frère qui est noir pour sa résignation, sa soumission et sa foi qui lui donnent la force de supporter les outrages. J’irai cracher sur vos tombes est un roman sombre, dur mais terriblement fascinant. J’ai été emportée par la narration, choquée par moment, perturbée par cette obsession de vengeance et subjuguée par la force de l’écriture. Tout cela me fait dire qu’il fait partie des livres à lire absolument tout en sachant cependant que certaines scènes peuvent heurter les âmes sensibles… Nicole VOUGNY

vendredi 1 février 2008

Ma vie avec Jackie Kennedy de Mary Barelli Gallagher

Voici un témoignage sincère et captivant de Mary Gallagher, celle qui avait eu l’honneur et le privilège de travailler durant huit années incroyables comme secrétaire particulière de Jackie Kennedy, avant, pendant et après l’accession de John F. Kennedy à la Maison Blanche en janvier 1961. Jacqueline Bouvier épousa en septembre 1953 John Kennedy, alors sénateur. Elle était devenue rapidement la coqueluche de toute une génération : admirée, suivie et photographiée, toutes les femmes américaines cherchèrent à lui ressembler. Mary Gallagher nous relate ses journées quotidiennes plus que surchargées au service de Jackie, elle se montrait digne de la confiance que Jackie lui accordait.
Je suis réellement touchée par la gentillesse, la générosité et la dévotion de Mary Gallagher envers Jackie Kennedy. Cette dernière la réclamait sans cesse à longueur de journée (et même en soirée) pour mille et une consignes, et pourtant, elle ne s’en plaignait jamais. Elle faisait d’ailleurs son possible pour satisfaire les désirs de la première Dame des Etats-Unis, aux dépens bien souvent de sa vie privée. Il est vraiment intéressant d’apprendre le menu détail de la vie de Jackie : une attention évidente pour ses toilettes, un goût précis pour la décoration… Elle me fait également penser à la reine Marie-Antoinette à cause de ses dépenses immodérées. Par ailleurs, j’ai été étonnée de constater que Jackie pouvait se montrer d’humeur bien changeante. Lorsque Mary parle de John Kennedy, j’ai senti qu’elle avait beaucoup de respect et d’affection pour son Président qu’elle était fière de le servir. John était apparemment courtois, souriant, et avait toujours une parole aimable pour son personnel. Il me paraît être une personne fort chaleureuse. De plus, il cédait souvent aux caprices de Jackie pour lui faire plaisir. Nous connaissons tous le tragique destin du 35ème Président des Etats-Unis d’Amérique le 22 novembre 1963 à Dallas, mais la nostalgie et l’affliction apparurent bien plus intenses sous la narration de Mary Gallagher. Son ouvrage est assurément un document historique, il nous permet ainsi de plonger littéralement dans l’univers intime du couple Kennedy. Dai BUI

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