dimanche 25 février 2007

Le grand Meaulnes d'Alain-Fournier

Il est des livres comme ça que l'on ose à peine ouvrir tant tout a été dit dessus. Analysé, décortiqué en classe, il ne semble plus possible d'ajouter quoi que ce soit. Le grand Meaulnes en fait partie. Ne pas le connaître fait passer pour un Béotien, en parler sans l'avoir lu c'est stupide. Reste de ne pas en parler de peur du ridicule?
Tant pis lançons-nous! A vrai dire, j'ai laissé un peu de temps s'écouler depuis la dernière page, juste pour savoir ce qu'il m'en restait: la puissance du rêve, la force de l'espoir dans une cause même improbable, l'attirance pour le mystère. Et puis un constat aussi, les limites de l'amour qui rendent illisibles entre deux êtres, les comportements mutuels et les choix de chacun. Même la plus grande amitié ne permet pas forcément de comprendre la direction que l'autre donne à sa vie. Reste alors la fidélité, ce lien indestructible qui subsiste même lorsque la vie vous a séparés: Julien ancré dans la logique des relations humaines, Meaulnes poussé par une soif d'absolu jamais assouvie. Et puis il y a cette fête, moment magique hors du temps que notre imaginaire s'approprie parce qu'on y était. Si, si, on était là, dissimulé derrière un bosquet ou un vieux fauteuil vestige d'un passé grandiose, à croiser des personnages improbables venus du monde du rêve. L'adaptation cinématographique peut-elle rendre ce sentiment de temps suspendu, d'irréelle poésie? Peut-être, pas sûr… Personnellement je préfère garder mes propres images comme un émouvant cadeau de l'auteur. Florence TOUZET

vendredi 16 février 2007

Le Huit de Katherine Neville

1792, la Révolution fait rage dans Paris et la pression se fait sentir jusqu'à Montglane, berceau supposé d'un terrible secret caché depuis 1000 ans que vous tenter d'arracher à ses murs des personnages aussi illustres que Napoléon, Talleyrand ou Catherine de Russie et tant de pions sous leurs ordres.
1972, la crise pétrolière approchant, Catherine responsable qualifiée dans une multinationale se voit mutée en Algérie par un patron revanchard. Pendant sa préparation, elle rencontre, par le biais de hasards ou de coïncidences des personnages étranges. Solarin, au cours d'une tragique partie d'échec. La diseuse de bonne aventure, le chauffeur de son protecteur... Puisqu'elle part en Algérie, un ami lui demande de lui ramener les pièces d'un échiquier égaré dont elle ignore tout jusqu'à ce qu'elle fasse le lien entre ces gens, ce jeu, Montglane et tous ces pions. Jusqu'à Mat ? Dans quoi s'est elle embarquée ? Qui sont ces gens ? Pourquoi elle ? Quelle part joue-t-elle ? Quel est donc ce jeu ? Roman fleuve de 950 pages, le Huit se lit facilement, bercés par les aventures de nos deux héroïnes à deux époques différentes. Tantôt sous la Révolution, tantôt dans les années 70, on suit le fil conducteur : le jeu. Seul ce jeu compte. Les personnages, autant de pions dans cet univers, s'adoubent ou se prennent, pour ce seul combat. De l'horreur de la Révolution à la vie hors temps de l'Algérie (son désert, sa chaleur, les montagnes et la Kabylie), nous font voyager, jusqu'à Mat. Peut-être justement trop fleuve, ce roman est agréable, dans la lignés "mystique" d'un Da Vinci Code. A part. Echec et aventures, tel serait le credo de se roman. Entre fiction, les personnages principaux, et réalité, les personnages historiques (Napoléon et les autres), cette impression "d'apprendre" est perturbante. Apprend-on quelque chose sur l'Histoire ou doit-on se laisser couler dans l'histoire ? Où sont les limites de la réalité ? Mais on veut savoir et les pages défilent. Je regrette cependant cette porte entrebâillée à la fin qui laisse plus qu'entrevoir une suite. Dommage. Un goût d'inachevé, comme un Pat aux échecs. Benjamin DUQUENNE

mardi 13 février 2007

Le sang du monde de Catherine Clément

Deuxième tome mettant en scène les héros Théo Fournay et son inénarrable Tante Marthe. Cette fois le thème traité aborde les grandes interrogations sur l'avenir de la planète par le biais de l'écologie.
Théo, rescapé de la leucémie grâce à un voyage initiatique à travers le monde et ses multiples religions, a maintenant vingt-six ans; Il est médecin humanitaire et écologiste convaincu. Le mémoire qu'il doit rédiger va servir de prétexte à des rencontres multiples avec des scientifiques touchant à ces différents domaines. Les thèses et les arguments avancés par ces personnages sont tous très riches d'enseignements car sous-tendus par des données vérifiables que l'auteur a récolté auprès d'éminents spécialistes. Habilement contré dans ses affirmations par sa tante Marthe, Théo va passer du radicalisme qui lui fait préférer la préservation de la Nature avant celle de l'Humain, à une réflexion plus approfondie sur l'équilibre à trouver entre les deux. Le ton résolument moderne et le langage très actuel qui sous-tend les rapports souvent conflictuels mais toujours tendres des deux héros, rendent ce livre très vivant et très attractif. Ces sujets brûlants d'actualité sont abordés très complètement, même si l'on repart parfois d'éléments déjà bien connus du grand public. Mais il ne faut pas oublier que cet ouvrage s'adresse en priorité aux jeunes voire aux très jeunes et c'est là son grand mérite. Les points de vue contradictoires et étayés de données exactes en l'état actuel des connaissances, permet d'enrichir son propre argumentaire dans un sens ou dans l'autre et de savoir encore plus précisément pourquoi et comment il est temps d'agir. Je ne suis plus jeune et pourtant ce livre comme le précédent "le voyage de Théo" m'a beaucoup intéressé. A mettre donc entre toutes les mains. Florence TOUZET

mercredi 7 février 2007

Je l'aimais d'Anna Gavalda

Chloé vient de se faire plaquer par son mari et elle reste, seule, avec ses deux filles.
Son beau-père décide de l'emmener dans leur maison de vacances pour la faire changer d'air. Son beau-père avec qui, elle n'a finalement, aucune affinité. Lui, impérieux, n'acceptant ni l'échec ni que quelqu'un le contredise, va devoir aider la faiblesse de cette femme pour qui il a, une certaine tendresse. Chloé tourne en rond, véhémente, pleure. Et Pierre qui tente désespérément de la consoler, maladroitement. S'installe un dialogue, hors des principes, hors des propos communs : a-t-on le droit de partir par amour, parce sa Destinée n'était pas là ? A-t-on le droit de laisser femme et enfant quand quelqu'un d'autre que la femme que l'on aime vient au-dessus ? Qu'a-t-on le droit de faire par amour ? Entre Chloé, dont la détresse fait mal et Pierre, qui se fait avocat de son fils et qui, pour argumenter, va se livrer, ouvrir sa vie, ses sentiments passés, vider son âme, notre coeur balance sans cesse. Ce dialogue, que la bienséance pourrait qualifier de déplacer, nous interroge. On bascule à la fois du côté de Chloé, perdue, triste et pour qui on a une certaine affection et du côté de Pierre. Le Pierre, bourru, qui s'ouvre, petit à petit, maladroitement. Qui tente de faire comprendre à quelqu'un qui vient de se faire plaquer que son fils n'est pas le salaud qu'elle croit. Presque un dialogue de sourd, inconcevable. Je dois dire que ce livre touche. Tout d'abord parce que Anna Gavalda écrit simplement, avec les mots que l'on pourrait composer dans sa tête pour tenter d'expliquer une situation que l'on pourrait vivre soi-même. Le thème, bien qu'original, reste commun, toujours pour la même raison. Et si ça nous arrivait ? Saurait-on pardonner ? Saurait-on comprendre que les choses, aussi fixes et établies soient elles, que rien n'est acquis et que des éléments plus forts existent. Pas évident de pouvoir parler de ce livre tant il reste en soi comme une globalité. Quelque chose de flou qui nous parle mais dont on ne connait à la fin ni les tenants, ni les aboutissants. Surement une lutte entre le partage et l'égoïsme. Surement une lutte aussi contre l'inévitable. L'impossible retour en arrière. Le donquichottisme de l'évidence qu'on refuse. C'est efficace, ça touche. C'est bien écrit, ça parle. Un beau livre. Benjamin DUQUENNE

mardi 6 février 2007

Le monde du bout du monde de Luis Sepùlveda

L’action se déroule en majeure partie dans les terres et les mers australes de l’extrême Sud chilien. Le narrateur, un journaliste chilien exilé en Allemagne, va devoir mener l’enquête sur le curieux naufrage d’un baleinier japonais au sud de la Patagonie. Celle-ci va alors réveiller en lui des souvenirs d’enfance. C’est ainsi qu’à travers souvenirs et récits, le narrateur va nous embarquer littéralement à la découverte de l’univers réel ou imaginaire des baleiniers d’hier, respectueux de la mer et de la vie en général. Mais son enquête l’amènera surtout à revenir au Chili et à y faire la découverte d’un univers moins rêvé, celui des chasseurs de baleines actuels, contrebandiers bravant les interdits et les écologistes pour parvenir à tout prix et surtout pour le prix à leurs fins.
Cette histoire très courte est subtilement mise en scène sous la forme d’un polar maritime rythmé en trois parties. L’auteur plante d’abord le décor en nous racontant le récit initiatique de sa découverte des baleiniers, qu’il entreprit à l’âge de quinze ans à la suite de sa lecture de « Moby Dick ». Dans une deuxième partie, qui se déroule à Hambourg, on entre en possession de plusieurs indices à propos de ce mystérieux naufrage d’un cargo japonais au sud du Chili. Et enfin la troisième partie est celle des révélations; où l’on suit le narrateur dans sa quête de la vérité et même plus en vérité sur les lieux même du drame. Avant de lire ce livre, il faut savoir que l’auteur, Luis Sepulveda, est lui-même journaliste et romancier chilien exilé en Allemagne. Cela étant dit, on peut se poser la question que je me suis posée tout au long de ma lecture de savoir si les récits sont tous imaginaires ou réels. Moi j’ai pris mon parti de croire que tout cela est … bien réel. Si les contes, et plus particulièrement ceux où il est question de baleines, de pirates, de bateaux fantômes car il y en a vous plaisent, je vous invite à plonger dans cette aventure. On est en effet à tout moment entraîné dans une nouvelle histoire, mettant en scène des baleiniers, des Indiens, des marins … et j’en passe. Pour moi cependant, l’important de ce livre réside ailleurs. Si ce livre invite au voyage, au rêve, il invite aussi à l’action. Dans sa manière de nous faire palpiter aux côtés d’écologistes luttant contre des barbares des mers, ou de nous apporter, par petites touches, une vision des conséquences de l’invasion espagnole sur les Indiens, ce livre a un réel rôle politique et pédagogique. A travers ces récits il nous fait prendre conscience, plus sûrement qu’à travers des démonstrations savantes et scientifiques, de l’importance de lutter pour la vie en général, et plus particulièrement celle des baleines et de l’environnement qui leur est attaché. Et ce qui est peut être le plus fort du livre est de découvrir des baleines… plus humaines que certains hommes… Alice JOLIVET

jeudi 1 février 2007

Le vivier de Henri Troyat

Un huis-clos à cinq personnages., une sorte de pièce de théâtre, celui des émotions masquées, des désirs refoulés.
Dans chaque scène un, deux, rarement trois personnes échangent un dialogue décalé, froid, banal pour mieux contenir le torrent de rancoeurs, de calculs et de lâchetés qui les rongent. Et puis tout à coup, l'explosion, la fureur des non-dits qui submerge, ravage, détruit. L'irrémédiable des mots prononcés a lieu et, s'il laisse place à nouveau au calme, l'équilibre de la relation dominant-dominé est rompu. Un transfert s'opère alors entre les acteurs de ce vivieret cette vieille femme qui tyrannisait une aussi vieille fille soumise jusqu'à la veulerie, se retrouve prise au piège, totalement dépendante de ses sentiments envers un jeune homme oisif, falot et sans volonté. Quelle précision met Henri Troyat à décrire par le menu la nature des émotions qui envahissent tour à tour ses personnages et les manifestations physiques qu'elles engendrent! un raffinement de détails nous transporte dans le cœur même de chacun d'eux. Sans qu'il n'en soit jamais prononcé le nom, c'est bien de souffrance dont il s'agit, celle de ces êtres que leur univers étriqué oblige à concentrer sur un seul individu toute la violence de leurs sentiments. Aucun d'entre eux n'est vraiment sympathique, pas même la bonne muette qui fait les frais des caprices de ses patrons. Pourtant on se surprend à éprouver pour chacun de la compassion: allons, soyons honnête, qui n'a jamais fomenté de plan plus ou moins scabreux envers un de ses congénères pour parvenir à ses fins?! Qui n'a jamais tenté de manipuler l'autre? Le talent de Troyat à démontrer la complexité de ces comportements nous rendrait presque indulgent envers nous-même face à ce terrible constat! Florence TOUZET

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