lundi 29 janvier 2007

Toutes les familles sont psychotiques de Douglas Coupland

Comment vous décrire la famille Drummond ? Il est clair qu’elle est bien loin du modèle américain puritain et bien pensant. Seule Sarah, la fille, astronaute à la NASA semble avoir la tête sur les épaules. Celle-ci doit bientôt s’envoler dans l’espace et c’est pour assister au décollage de sa navette que toute la famille a décidé de rejoindre Miami. Mais à peine ont-ils mis les pieds dans cette ville que va s’ensuivre toute une série d’évènements rocambolesques. Ainsi Wade, le fils aîné va entraîner son père Ted et son frère Bryan dans une de ces innombrables magouilles. En bref, il s’agit de revendre à Florian, un magnat suisse de l’industrie pharmaceutique – qui ne jure que par le clonage – une lettre que le prince William aurait écrite et déposée sur le cercueil de sa défunte mère. Mais, après avoir malencontreusement égaré le précieux document, ils atterrissent chez Lloyd et Gayle, un couple très étrange, à qui Shw, la femme de Bryan a choisi de vendre leur bébé. Heureusement, Janet, la mère – qui a été auparavant victime d’un hold-up avec Nickie, la nouvelle épouse de Ted - va réussir à arranger la situation et tout le monde – ouf - pourra enfin arriver à temps pour le lancement de la navette. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne s’ennuie pas dans cette gentille tribu de cinglés. Les péripéties s’enchaînent à un rythme effréné et j’avais vraiment l’impression d’être dans un film d’action. C’est divertissant et très drôle, souvent caustique même, car les différents personnages passent leur temps à se disputer et régler leur compte au vitriol. A travers cette saga du clan Drummond, Douglas Coupland nous dépeint donc de façon volontairement caricaturale, un tableau de notre société et des relations un peu compliquées qui peuvent exister au sein d’une même famille. Le style est simple, enlevé mais l’histoire est tellement riche en personnages et rebondissements qu’il est préférable, à mon avis, de la lire d’une seule traite au risque sinon peut-être d’en perdre le fil rapidement.
Marlène EVEN

mercredi 24 janvier 2007

Le colonel est retourné chez lui de Charles Exbrayat

Cela débute comme un film français de mauvais garçons des années 30 : une midinette s'éprend d'un beau garçon qu'on imagine coiffé d'une casquette, un foulard noué dans l'encolure de sa chemise. Elle espère qu'il la sortira de sa condition de femme pas très gâtée par la vie dès le départ. Un roman noir? Pas du tout, bien au contraire!
Car au bout de quelques pages, changement radical d'ambiance. Nous voici en Cornouailles, campagne anglaise figée dans ses principes et ses habitudes telle que PD James aime la décrire. On rencontre alors, mêlés à l'histoire de nos deux héros, une série de personnages plus caricaturaux les uns que les autres , parfaitement à leur place dans l'agencement de cette micro-société aux règles bien établies. Chacun y joue son rôle à la perfection: une châtelaine acariâtre et décalée, un pasteur dépassé par les frasques de ses ouailles, un inspecteur de police en mal d'autorité et quelque peu borné, et bien d'autres encore… Les caractères bien trempés de ces individus s'affrontent dans des joutes verbales et physiques pleines de truculence. Cet univers est périodiquement secoué par des épisodes musclés nourrissant les discussions des habitants venus se désaltérer à l'auberge du Renard Rouge tenue par notre héroïne. Or il y débarque un beau jour un personnage hors norme: un colosse écossais tombé là par hasard et qui va être mêlé à une histoire de règlements de comptes entre malfrats. Car nous sommes bien dans une histoire policière. Deux crimes ont été commis et la brebis galeuse fait forcément partie du troupeau Exbrayat nous baigne dans le charme inégalable de la vieille Angleterre qui vit au rythme du five o'clock. Mais ce charme n'opérerait pas complètement sans l'humour typiquement british de cet auteur qui possède si bien le sens de la formule. La lecture de ce livre permet de passer un très bon moment que conclut un dénouement inattendu. Florence TOUZET

jeudi 18 janvier 2007

Génitrix de François Mauriac

François Mauriac, de l'Académie Française… Un écrivain renommé et, qui plus est reconnu par l'ensemble de ses pairs comme un éminent représentant du genre littéraire qu'est le roman, voilà qui met immédiatement en confiance. Or, est-ce l'entrée en matière, à savoir l'agonie solitaire d'une femme, qui vous plonge brutalement dans un univers oppressant, ou le style qui passe souvent du passé simple au présent et inversement, mais le charme du genre n'opère pas tout de suite. Toutefois en tournant une page puis une autre, on est soudain pris au piège et aucun répit ne viendra nous soulager avant la dernière ligne. Le statut de "mère" a été décliné sur tous les tons dans la littérature par les écrivains les plus prestigieux depuis Mère courage jusqu'à Folcoche. Mais ici ce sont les effets de la totale possession d'une mère "mante religieuse" sur un fils totalement à sa merci qui sont finement analysés. On y assiste, impuissant. On mesure à quel point cet être a été irrémédiablement façonné, manipulé, marqué au fer par l'amour asphyxiant de sa mère. Pour cette femme, son enfant ne peut et ne doit exister que par elle. Tout ceux qui se mettent en travers de ce dessein sont impitoyablement broyés. Mauriac nous entraîne dans l'univers mental monstrueux de gens ordinaires dont la vie affective est un désastre. L'aridité des ces âmes perdues crée un climat gluant, poisseux et laisse un sentiment de profond gâchis. Décidemment, Mauriac a raison. Le style qu'il a choisi est le seul qui peut transcrire avec une telle précision la folie possessive de ces êtres déshumanisés. Et si l'espace d'un instant, au début du roman on serait tenté de trouver le trait un peu forcé, on se dit à la fin qu'on en a peut-être bien croisé dans sa vie de cette sorte d'individus. Il reste que ces deux sujets, la mère et le fils auraient pu s'allonger sur le canapé du docteur Freud pour une thérapie salutaire. Mais la question que peut poser ce livre semble être celle lancinante, inquiétante et éternelle du sens de la vie et des rapports humains: quand et comment devient-on un monstre pour l'Autre? Pas de réponse de Mauriac mais un moment court et intense ouvert sur la réflexion. Florence TOUZET

mardi 16 janvier 2007

Corrida pour une vache folle de Patrice Dard

San Antonio, en voyage sur la Costa Brava avec Marie-Marie se la coule douce. Mais quand on crie à l'étage supérieur de l'hôtel, rien de va plus. Et le sens de la justice, même en vacances, ça le travaille le San A. Il n'y a pas d'heure pour les braves.
Va bien falloir les aider ces gamines qu'on exploite. A coup de bastos et de bagarre, de mort ou d'enlevés, les vacances tournent au cauchemar. Qu'est-ce qu'ils veulent ? Qu'est-ce qu'ils trafiquent donc ? Et c'est qui "qui" ? Pour comble de malheur, l'Enôrme, Béru et sa baleine débarquent pour faire une surprise. Le fiston est aussi, involontairement de la partie. Tu parles d'une surprise ! Y'en a qui disent qu'ils auraient mieux fait de rester au lit, ça aurait faciliter les choses... Et ils auraient eu raison ! Première aventure officielle de San Antonio écrit par le fils (bien qu'il ait largement collaboré dans les dernières aventures signées du père). Et ben, comment dire, je dirai que c'est loupé. En premier, par la finesse de l'écrit. Il y avait, avant, puisque je n'ai pas eu l'occasion de lire les dernières aventures, de la finesse, même dans les scènes chaudes. Là, rien de tout ça. Et vas-y que l'on a le détail détaillé des scènes obscènes. J’ai plus assez de doigts de pieds pour les compter tellement ça rempli les pages. Y'en a à foison. En second, l'histoire. C'est tiré par les cheveux. Il fallait absolument que tous les protagonistes habituels soient là (Béru, sa femme, le fiston et le retraité) et ils arrivent comme un cheveu dans la soupe. Se mêlent à l’histoire pour dire qu’ils y participent. Une histoire tirée par les cheveux pour un dénouement encore plus... comment dire... vague. En troisième : l'argot. Il est là, mais moins fin. Pas utilisé à bon escient. Y'a pas d'autre mot : déçu. Ah, si !... Lourd. Benjamin DUQUENNE

lundi 15 janvier 2007

Les petit enfants du siècle de Christiane Rochefort

Ecrire comme elle parle et surtout comme elle pense est un exercice qui réussit très bien à Christiane Rochefort surtout lorsqu'elle raconte, à la première personne, l'enfance et l'adolescence d'une gamine de cité dans les années 50.
C'est drôle comme cet univers résonne de manière proche en cette période où il est tellement question des problèmes des banlieues. Il se trouve que là, c'est justement une des actrices de cette vie-là qui a la parole. Il serait d'ailleurs temps, cinquante ans plus tard, que les intéressés reprennent cette parole, eux qui savent mieux que quiconque de quoi ils parlent! Mais en y regardant de plus près, la cité n'est en fait qu'un cadre, un lieu. Car la souffrance de cette fillette, aînée d'une famille "qui ne cesse de s'agrandir grâce aux Allocations Familiales", est moins due à son environnement matériel qu'à l'indifférence des membres de sa famille. L'apparente passivité avec laquelle elle subit son destin cache une profonde frustration de tendresse, de savoirs, de curiosité inassouvie. La distance qu'elle met entre elle et les évènements qu'elle traverse, n'est qu'un système d'auto-défense contre l'insupportable, une protection contre cette espèce de folie qui l'envahit par instants. Elle doit dompter absolument cette soif inextinguible d'amour, ce désespoir. Elle finira par la trouver cette tendresse tant attendue, dans les bras d'un jeune homme amoureux et enthousiaste! Ouf, on respire! Mais… l'être humain est-il capable de sortir d'un schéma de comportement social quand celui-ci est lié à un manque de reconnaissance? C'est sur cette question dérangeante que l'auteur nous laisse réfléchir à la fin d'un roman court qui échappe à toute sensiblerie.
Florence TOUZET

samedi 13 janvier 2007

Vous descendez ? de Nick Hornby

Martin, présentateur télé a purgé une peine de prison pour avoir eu des relations sexuelles avec une gamine de 15 ans. Depuis ce scandale, il a tout perdu : son émission phare, sa notoriété et évidemment sa femme et ses enfants. Du coup, il a décidé d’en finir et de sauter du haut d’une tour. Seulement, à Londres en cette veille de nouvel an – période plutôt propice aux dépressions en tous genres – d’autres ont eu la même idée. Ainsi, il y a Maureen, 51 ans, fervente catholique, qui ne supporte plus de s’occuper de son fils lourdement handicapé puis Jesse, une jeune fille de 18 ans, un peu survoltée voire complètement hystérique que son petit ami, Chas, vient de larguer. Enfin, il y a JJ, un jeune américain, qui, après que son groupe de rock s’est séparé, est devenu à contrecœur livreur de pizzas. En parlant de pizza, il en a justement une sous le bras. Et les voilà tous entrain d’en manger un morceau. Puis ils se mettent dans l’idée d’aller à la recherche de Chas à une fête et là va commencer une folle virée nocturne à la fin de laquelle ils décideront de repousser – pour mieux sauter sans doute ?! – la date de leur suicide. Nick Hornby nous raconte donc la rencontre fortuite entre quatre écorchés de la vie que tout sépare. L’histoire aurait pu être triste, ennuyeuse ; les personnages pathétiques ou vu la gravité du sujet abordé, on aurait pu s’attendre à sortir les mouchoirs. Mais ce n’est pas le cas, au contraire : c’est délicieusement drôle, délirant et quelque fois même un brin déjanté. Le style est limpide, rythmé et l’originalité du roman réside en la narration à tour de rôle de l’histoire par les personnages. Tout de suite, j’ai été emportée dans cette formidable aventure humaine et séduite par cet humour si typiquement anglais que Nick Horby a su distiller tout au long de cette histoire sans jamais tomber dans l’ironie ou le sarcasme. Marlène EVEN

vendredi 12 janvier 2007

Le lama bleu de Jacques Lanzmann

Projeté en plein cœur des Andes péruviennes à plus de 3000 mètres d'altitude, aucune possibilité est donnée au lecteur d'échapper à un univers dur et sans concession .Dans cette région désertique et ignorée du monde, le climat rude et l'isolement ont eu raison de l'espoir des habitants en une vie meilleure. L'abattement et la résignation sont le lot quotidien de ces êtres hors du temps, comme figés dans une éternité.
Sauf pour l'un d'eux. Lui, ses pratiques chamaniques et sa connaissance des traditions incas lui disent qu'un évènement va avoir lieu qui va changer radicalement le cours des choses. Cet évènement prend la forme d'un étranger venu de nulle part( en fait un prisonnier en cavale traqué et malade), forcément porteur de cette promesse de renouveau. Jacques Lanzmann nous entraîne alors dans une improbable épopée où vont s'entrecroiser deux cultes ancestraux, le Juif et l'Inca. L'auteur décrit avec subtilité et tendresse mais avec des mots rudes et des images fortes, le besoin essentiel et vital de l'être humain à interpréter la vie et lui donner un sens. Un sens ou un contre-sens? Peu importe. L'impérieuse nécessité qu'a l'homme de se raccrocher à des signes, à une logique explicative nourrie par les connaissances qu'on laissées les Anciens est associée ici à un magistral instinct de survie. Curieux style au présent de l'indicatif pour mieux nous plonger dans l'instant et qui contraste avec l'intemporalité et l'universalité de la quête. Cette histoire n'a ni lieu ni époque. C'est une fable qui vous attrape, ne vous lâche plus et qui lève le voile sur les liens invisibles de la spiritualité qui relient les humains entre eux. Florence TOUZET

jeudi 11 janvier 2007

Les animaux dénaturés de Vercors

Qui d'entre nous n'a pas regardé avec attendrissement son chat ou son chien et déclaré avec un soupçon d'anthropomorphisme: "il ne lui manque plus que la parole", laissant supposer par là même que cet animal est déjà capable de penser. Mais quelle ne serait pas sa stupeur de l'entendre tout à coup s'exprimer! A considérer les files d'attente au guichet d'entrée du Musée de l'Homme, des sites préhistoriques ou l'énorme succès des émissions télévisées sur l'origine de notre espèce, on constate que nous sommes nombreux à nous interroger sur notre qualité d"être humain" qui nous différencie si bien des animaux. Mais sur quels critères?. Vercors avec tout son talent d'écrivain original et rigoureux, entreprend de réfléchir pour nous en proposant un débat autour de LA question existentielle et fondamentale: "qu'est-ce qu'un HUMAIN?" Dans tous les romans il faut un héros. Celui que choisit Vercors appartient au genre si attachant de ces gens ordinaires, embarqués malgré eux dans une histoire qui les dépasse et qui après se l'être appropriée deviennent les plus ardents défenseurs des causes aléatoires. Après un début assez classique dans lequel évoluent de charmants personnages, nous sommes, sans nous en rendre compte, habilement conduits vers des questionnements auxquels on ne s'attendait pas. Apparaissent d'autres individus, chacun porteur de ses certitudes et de ses a priori. Dérangés dans leurs représentations d'eux-mêmes et du monde, ils se voient pourtant contraints de trancher sur une question étonnante: qu'est-ce qu'un humain? Pourquoi se poser une question pareille alors que l'on vivait très bien sans cela jusqu'à présent? C'est qu'un évènement majeur a changé la face des choses depuis la découverte effectuée par une certaine expédition dans un coin encore inexploré de notre planète. Alors, méthodiquement, l'auteur décortique les raisonnements contradictoires des acteurs de l'histoire et, loin de nous ennuyer, il nous suspend au sort incertain de son personnage principal jusqu'au dernier moment. D'un point de vue personnel, le style qu'utilise Vercors m'a fait penser à une suite de scènes d'un film muet où chaque épisode est résumé sur un panneau écrit en blanc sur fond noir. Cette impression est encore accentuée par le fait que la parole dite et mes mots prononcés semblent sortir de soi tellement on s'approprie les arguments développés. Entraîné dans cette réflexion profonde et passionnante, le lecteur devient au fil des pages de plus en plus intelligent au point que, s'étant tout nouvellement rangé dans la catégorie "philosophe de son temps", il se surprend à penser en refermant le livre: "c'est exactement ce que j'aurais dit sur le sujet" Florence TOUZET

Une fleur pour mourir de Serge Montigny

M. Longuefeuille est mort. Pourquoi ? C'est ce que va tenter de savoir le commissaire Beaujeu, accompagné par son fidèle inspecteur Kreisky. Entre concurrent dans le domaine de la fleur, – Doumel - homme de main, - Kark Boekel – maîtresse, - Lucette Championné - secrétaire, - Noëlle Chabot - et ancienne femme - Mme Longuefeuille - ils vont devoir démêler la longue pelote de fil qui conduit inexorablement vers la cupidité, le mensonge et les aveux. Qui joue double ou triple jeu. Qui veut doubler qui et surtout, surtout, dans quel but ?
Parce que M. Longuefeuille avait un secret et parce que sa personnalité, celle qu'il voulait bien montrer, recèle des coins d'ombres dont seules quelques personnes en connaissaient les bribes. Restait à savoir qui en savait suffisamment pour tuer et récupérer le secret.
Entre Paris et province, le doute flotte et les pistes s’amoncellent sans quelles soient révélatrices de ce fameux secret.
Un polar somme toute assez banal. Un meurtre, une enquête, un milieu bien particulier - le domaine des fleurs et notamment de la tulipe - quelques suspects aux personnalités aussi divergentes que complexes, un commissaire doué affublé d’un inspecteur brillant, un brin de vie privée – quelques anecdotes sur la femme de Kreisky et quelques scènes avec la copine de Beaujeu. La sauce efficace pour un polar qui se lit bien, qui tient la route mais sans laisser planer trop de mystères. Les évidences semblent apparaître trop tôt.
Mais un livre rigoureux, un brin philosophique faisant rêve d’un Paris au cours d’un printemps des années 70 où l’on pouvait respirer mais où le crime a toujours été présent.
En somme, un livre agréable à lire. Benjamin Duquenne

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