vendredi 20 février 2009

La courte lettre pour un long adieu de Peter Handke

Fin avril, le narrateur descend à son hôtel de Providence, ville située près de Boston aux Etats-Unis. Là on lui remit avec la clé de sa chambre une lettre de Judith, sa femme. Cette dernière qui se trouve à New York veut rompre. Du coup notre narrateur commence un long chemin d’Est en Ouest sur le continent américain à la recherche de sa femme. Ce périple va l’emmener, entre autre, à Phoenixville pour voir Claire une ancienne amie. Puis à Saint-Louis, chez des amis de Claire. Chemin faisant il décide d’aller voir son frère qui réside dans l’Oregon et tout cela bien entendu en suivant à distance sa femme. Mais qu’adviendra t-il lors des retrouvailles avec Judith à TwinRocks ? J’ai trouvé ce roman désolant et même très ennuyeux à lire. On se perd dans cette histoire sans saveur particulière plutôt bancale à mon goût. De plus les personnages ne sont guère « attractifs » et ont des caractères sans relief voire fade. Le seul point un peu positif sont les rares descriptions des paysages que nous fait découvrir le narrateur en parcourant les Etats-Unis d’Amérique . En résumé un livre qu’il m’a été pénible de lire (et même de finir) car vraiment trop banal et sans grand intêret. Edouard Rodriguez

jeudi 19 février 2009

Bubble gum de Lolita Pille

D’une part, il y a Manon, une belle jeune femme d’origine modeste, qui aspire comme tant d’autres filles de son âge à devenir un jour actrice. Elle se sent affreusement lasse dans sa vie immuable de serveuse dans le café provincial de son père où y fréquentent que de vieux ivrognes. Le soir de ses vingt-et-un ans, elle décide de fuir son sinistre quotidien pour la capitale, la ville lumière dans laquelle tous les rêves sont permis et espère ainsi concrétiser le sien. D’autre part, il y a Derek Delano, un beau et jeune héritier milliardaire qui se drogue et se laisse tomber dans une déprime profonde et chronique tellement l’ennui le ronge jusque dans ses entrailles. Un jour, il décide de briser, détruire une vie, celle d’une innocente personne juste pour se divertir un peu… Et il rencontre Manon… J’ai découvert cette nouvelle auteure française, Lolita Pille, grâce à « Hell », un roman fort intéressant que j’ai beaucoup aimé, et je ne suis point déçue en découvrant « Bubble Gum ». Toujours fidèle dans son registre d’écriture âcre et cynique, on a l’impression que Lolita Pille cherche à faire réagir les lecteurs/lectrices sur des sujets qui semblent lui porter très à cœur, notamment concernant une certaine jeunesse issue d’une classe sociale très privilégiée qui n’a plus grande chose à espérer de la vie. En effet, son personnage de Derek Delano, né avec une cuiller d’argent dans la bouche, ne sait plus quoi faire ou inventer pour apprécier son existence, il ne sait plus quoi souhaiter ou désirer puisqu’il possède déjà tout. L’ennui est donc devenu son véritable ennemi et finalement, il est bien plus malheureux qu’heureux avec sa grande fortune. Il devient insensible à tout ce qui l’entoure, autant le matériel que les gens. Par l’intermédiaire de l’autre personnage du récit nommé Manon, Lolita Pille pointe du doigt toute une génération d’aujourd’hui qui rêve d’accéder à la célébrité et la gloire, notamment en exerçant le métier de mannequin ou actrice, un milieu qu’on définit comme superficiel. Et ces jeunes filles qui seraient prêtes à se damner pour en faire partie, appartenir à ce monde où il n’y a que l’apparence qui compte. L’histoire est plutôt tragique pour le cas de Manon, elle va tomber dans la déchéance et va récolter la désillusion et non le strass et les paillettes. L’auteur donne alternativement la parole à Manon et Derek qui nous permet de saisir la mentalité de chacun. L’histoire est dérangeante dans son contenu, on se sent mal à l’aise la plupart du temps, on est souvent choqué. Ce roman est très moderne, original et rythmé, on est effectivement essoufflé en arrivant à la fin des phrases qui sont souvent longues, mais le récit est très bien écrit. Ngan Dai BUI

mardi 17 février 2009

Lakota Woman : Ma vie de femme sioux de Dog Mary Crow

Mary Crow Dog, née Brave Bird, nous relate sa vie de femme sioux engagée. Elle évoque son enfance misérable, sa scolarisation forcée, l'attitude condescendante et franchement hostile des Blancs à l'endroit des Amérindiens. Les forces de l'ordre et les corps constitués marinent dans la mauvaise foi et la partialité lorsqu'il s'agit de traiter les différends entre Primonatifs et Blancs. Que de meurtres, de viols, de spoliations impunis, que de traités bafoués! Les Sioux marginalisés sombrent dans l'alcoolisme et la violence domestique. A l'exemple des Noirs Américains, les Indiens créent leur mouvement revendicatif: l' « American Indian Movement ». Mary Crow Dog a participé en 1972 à l'occupation du bâtiment du Bureau des Affaires Indiennes et en 1973 au siège de Wounded Knee où elle mit au monde son fils Pedro. En 1977, c'était « la plus longue marche » jusqu'à Washington DC. Concomitamment à cette lutte légitime pour les droits civiques de ceux qui ont été dépouillés de tout, notre guerrière Lakota nous présente sa démarche spirituelle identitaire. Elle s'approprie la religion de ses ancêtres et leurs cérémonies: la danse du soleil, la tente de sudation, les sacrifices corporels, les transes, le payotl. Le surnom de Mary Crow Dog est « Ohitika Win », Femme Brave, et elle a eu beaucoup de courage pour traverser tant d'épreuves. De façon sincère et très personnelle, Mary nous présente son point de vue et celui de ses frères et soeurs Amérindiens, le constat est accablant. Il n'y a pas de pathos, juste l'exposition des faits, à charge et à décharge. C'est un témoignage pas une étude ethnologique universitaire. Les Occidentaux rationalistes, positivistes, scientistes et de mauvaise foi pourraient dire: « Qu'est-ce- qu'elle cherche? », la justice et qu'on la laisse vivre à sa guise. Ce livre est un « must », pour ceux qui n'ont pas peur d'être secoués. Gwenael CONAN

mercredi 11 février 2009

Douce Tamise de Matthew Kneale

Joshua Jeavons a une passion dans la vie : l’assainissement du système des égouts de la ville de Londres, passion dont il ne peut s’occuper que lors de ses rares heures de loisirs, ayant un emploi d’ingénieur dans l’entreprise de son beau-père. En cette année 1849, il a en plus l’esprit préoccupé par des lettres anonymes le mettant en garde contre la vertu de sa femme. Ce qui ne manque pas de le perturber puisque, bien que marié depuis plusieurs mois, celle-ci se refuse toujours à lui…Or voilà que le jour où il évoque le sujet avec elle, elle disparaît mystérieusement. Commencent alors pour lui des semaines de recherches, de doute et de déchéance sociale… Idée originale que celle de nous présenter le système des égouts de Londres en ce milieu de XIXe siècle. Les questions d’hygiène sont loin d’être à l’ordre du jour, et l’accroissement incessant de la population de cette ville n’arrange rien. Sans oublier que les épidémies sont nombreuses, comme celle de cholera et qu’il y a peut être un lien de cause à effet…Par la même occasion nous nous retrouvons plongé aussi bien dans les beaux quartiers que dans les bas fonds de Londres où nous sommes témoins de la misère et des conditions de vie précaires des pauvres, aggravées par l’incurie des autorités sanitaires notamment en période d’épidémie. Intéressant donc, sauf que la construction du roman et le style de narration m’ont très souvent agacé. Comme il est écrit à la première personne, nous sommes dans la peau de Joshua qui prend un malin plaisir, à faire très souvent des retours en arrière ou des bonds en avant sans vraiment nous le signaler. Il en résulte une certaine difficulté à se plonger dans l’histoire, parce qu’on a souvent la sensation d’un manque de repère chronologique. Les changements trop nombreux de lieux, de dates, au gré des pensées du narrateur cassent le rythme du récit. Je dirai que finalement le cadre dans lequel évoluent les personnages est bien mieux traité que l’histoire en elle-même. Et pourtant, paradoxalement ce n’est pas un livre que j’ai trouvé ennuyeux. J’ai eu envie de connaître la fin que j’ai d’ailleurs trouvée trop courte, du fait qu’elle ne tienne qu’en quelques phrases. De plus, je ne suis pas sure d’avoir vraiment tout saisi, l’écriture étant très suggestive... Peut-être tout simplement que cette structure narrative est trop complexe pour moi et demande une attention que je ne suis pas prête à avoir quand je lis un roman. Par ailleurs, je suis quasiment certaine que j’aurais plus adhéré au récit s’il avait été écrit à la troisième personne. Toujours est-il que ce roman ne m’a pas captivé comme il aurait pu le faire, sans que cela n’enlève toutefois rien à sa valeur … Nicole Vougny

mercredi 4 février 2009

Le grand livre de Connie Willis

Noël 2054. Kivrin, étudiante en histoire, est très excitée : Le Moyen-âge vient de voir sa classification sur l’échelle des risques revue à la baisse ; elle va être la première voyageuse temporelle à destination de cette période qui la passionne tant ! A 19 ans, elle part pour deux semaines en 1320, histoire de devancer largement l’épidémie de peste noire qui va ravager l’Europe trente ans plus tard. Son vieux mentor, le Pr Dunworthy, se fait autant de souci qu’une mère poule, mais que pourrait-il arriver ? Tout a été prévu. Ou presque tout… Ce roman nous fait suivre deux histoires en alternance. D’abord, celle de Kivrin, transférée au XIVe siècle, et dont le principal souci est de retrouver absolument le lieu de son arrivée, sous peine de ne pas pouvoir repartir. Ce qui n’est pas si facile, vu qu’elle ne peut parler en tête à tète avec le jeune homme qui l’a trouvée sans blesser toutes les convenances. D’autant que, malgré les précautions prises, elle s’attire vite les suspicions : sa robe est tissée trop régulièrement, elle sait lire… Cette partie du livre est l’occasion pour le lecteur de découvrir les us et coutumes de cette époque, au travers d’un grand nombre de petits faits et anecdotes harmonieusement disséminés au fil de la narration. La deuxième histoire suit le Pr Dunworthy, resté au XXIe siècle, qui met tout en œuvre pour parvenir à récupérer Kivrin malgré les nombreux obstacles impromptus mis en scène avec beaucoup d’humour, qui vont de l’absence du recteur de l’Université injoignable pendant ses vacances à la pénurie de papier toilette que son assistant ne parvient pas à gérer tout seul… Malgré certains passages un peu didactiques sur le Moyen-âge, l’ensemble a beaucoup de rythme. Le style est très fluide, et le roman se lit en un clin d’œil malgré son épaisseur. Le principal point fort, ce sont les nombreux personnages : un prêtre moyenâgeux au grand cœur et au visage de brigand, une enfant vive et intenable qui ne peut que faire fondre le lecteur, une belle-mère acariâtre… un professeur ambitieux et borné, un étudiant grand séducteur qui se cache de sa mère trop attentionnée, une compagnie de carillonneuses encombrantes venues donner un concert... La plupart de ces personnages sont très stéréotypés, mais ils n’en restent pas moins très attachants et amusants. Au final, il s’agit donc d’une lecture qui, sans révolutionner le genre, est agréable et distrayante. Marie-Soleil WIENIN

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