vendredi 27 juin 2008

Le poulet tueur et la folle honteuse de Tennessee Williams

Il s'agit de 24 nouvelles courtes commises par l'auteur de 1939 à 1982. La première nouvelle s'inspire d'une histoire d'Hérodote : une soeur qui venge son frère le pharaon.
La plupart des nouvelles se situent dans le sud moite et orageux des Etats-Unis. Il y a opposition entre les besoins physiques des personnages frustrés et leurs aspirations d'une part et ce que leur environnement leur propose d'autre part au sein d'une population étroite d'esprit, conservatrice et qui exsude les préjugés. Pas étonnant que les héros de ces nouvelles soient des névrosés aux problèmes personnels lourds : dépendance aux drogues et aux médicaments,sexualité marginale, difficultés à communiquer,failles psychiques. Paradoxalement, et c 'est le don de l'auteur , ces paumés, ces abîmés de la vie, loin d'être repoussants sont merveilleusement humains car totalement absents d'hypocrisie. Elles sont des victimes innocentes au sein d'une société qui ne l'est pas. Ces thèmes sont récurrents dans ces nouvelles, seuls le contexte et les personnages varient. L'auteur, décédé en 1983, est très célèbre pour ses pièces et ses scénarii. Il a obtenu deux fois le prix Pulitzer, en 1947 pour « Un tramway nommé désir » et en 1955 pour « Une chatte sur un toit brûlant. » Son style est merveilleux car il sollicite les cinq sens. Grâce à lui on entend, on palpe, on voit, on goûte, on sent. Il sait nous entraîner dans son univers et nous faire ressentir les profondes émotions de ses personnages qui, visiblement, ont du mal à vivre sereins. Il est tellement précis dans ses descriptions de l'environnement que l'on y est nous aussi. Il dépeint si vivement les émotions que l'on ne peut lire froidement ses écrits, le recul est malvenu. Ces nouvelles évoquent la frustration, les marges de la folie, le bonheur qui a fui ou qui n'advient pas. Très vite nous sommes en pleine tension dramatique. Il n'est pas étonnant que ses pièces et ses scénarii aient enflammé le monde.
Gwenael CONAN

mercredi 25 juin 2008

Paco l'infaillible de Andra Laszlo

Dans le Madrid de la post-guerre civile, il y a une drôle d’habitude chez les gens de bien, qui consiste à faire venir de la campagne de jeunes femmes mères, pour exercer la profession de nourrice dans le but d’allaiter leurs enfants. Bien entendu quand la source se « tarit », il devient obligatoire de retomber enceinte. C’est à ce moment qu’intervient Francisco Garcia dit Paco.
Paco exerçant ce métier depuis fort longtemps, Don Fernando, son patron n’a guère de problème pour lui trouver des clientes. Le rituel est classique la nourrice va chez Paco. La femme de ce dernier, Maria, la fait rentrer, elle l’emmène dans la chambre et là Paco fait son travail de manière consciencieuse. Dès lors l’occupation principale de Paco est de traîner avec sa bande d’amis dans les bars, d’aller parier au fronton pour se payer ses vices. Mais voilà qu’un jour Maria, tombe enceinte. Paco est fortement surpris car il n’a jamais touché Maria…Alors qui est le père ? J’ai été déçu par l’histoire générale de ce roman que j’ai trouvé très plat. Certes les amis de la bande à Paco ont tous un côté plus ou moins déganté ce qui relève un peu l’histoire d’ailleurs. Le seul point positif est la description de la vie madrilène de l’après-guerre civile. Où l’on s’aperçoit que Madrid n’est qu’une ville de taille moyenne, où la femme n’a quasiment pas de droit et reste soumise à la volonté de son mari. Ce livre nous permet d’une part de constater les difficultés économiques et sociales qui existait dans cette Espagne d’un autre siècle et d’autre part nous montre que les libertés individuelles étaient fortement restreinte. Edouard RODRIGUEZ

lundi 23 juin 2008

Odyssée de Clive Cussler

Au large des Caraïbes, Summer et Dirk Jr , la fille et le fils de Dirk Pitt , ont été dépêché par la NUMA pour étudier un étrange phénomène. Depuis quelques mois, une étrange boue rouge envahi l'océan, polluant l’ensemble des côtes du Golfe du Mexique, décimant la faune et la flore et réduisant une région entière à la misère. Partie recueillir de nouveaux échantillons le long de la barrière de corail au large de Saint-Domingue, Summer fait une découverte insolite : un vase ancien en bronze.
Aidée de son frère, Summer retrouve la caverne dans laquelle elle a découvert l’objet. C’est là, au cœur de cet univers aquatique, que les deux jeunes découvrent émerveillés ce qui, au vue des armes et des parures en bronze, semble être un palais celte… Mais que viennent faire des vestiges du monde celte en plein milieu de la mer des Caraïbes ?
Pendant ce temps, Dirk Pitt Sr et Al Giordano ont bien fort à faire. La tempête « Lizzie », d’une force incroyable, menace toutes les îles des Caraïbes. Comment les deux hommes peuvent-ils combattre contre des vents à plus de 250 km/h et qui se dirigent vers un hôtel de luxe flottant de la compagnie « Odyssée » où plus de 1100 vies sont en jeu ?
J’avais déjà lu quelques romans du même auteur (« Vortex », « Cyclope », « Dragon », …) où déjà Dirk Pitt risquait sa vie pour sauver la mer contre les menaces du monde moderne et j’en avais trouvé la lecture, ma foi, fort plaisante. Et bien, avec « Odyssée », je suis resté scotché tant j’ai trouvé ce livre passionnant. En prologue au roman, Cussler nous retrace les derniers jours de la guerre de Troie et l’odyssée d’Ulysse ; Puis départ pour les Caraïbes pour suivre Summer et son frère Dirk Jr ; Direction ensuite vers l’immense hôtel flottant « Océan Wanderer » que menace de détruire la tempête ; A peine remis de nos émotions que nous voilà débarqué sur les côtes du Nicaragua… Durant tout le livre, on est entraîné dans un tourbillon d’aventures et submergé (c’est le cas de le dire) par des émotions intenses. Peu à peu, les différentes histoires se raccordent entre elles pour nous conduire jusqu’au bouquet final sur lequel, je ne peux m’étendre au risque de casser le suspense. Ce livre est aussi un passage de relais entre les vieux briscards Dirk Pitt Sr et Giordano, qui comptent raccrocher leurs palmes et tuba et les jeunes mais déjà expérimentés Summer et Dirk Pitt Jr. Clive Cussler est vraiment un formidable conteur et son héros, Dirk Pitt, n’a rien à envier à James Bond ! Bien sûr, les ficelles sont parfois grosses… mais qu’importe ! Tant que l’aventure en vaut le coup ! Pierre LUCAS

vendredi 20 juin 2008

Le roman de monsieur de Molière de Mikhaïl Boulgakov

C'est le 13 Janvier 1622 à Paris que nait Jean-Baptiste Poquelin. Fils d'un tapissier du roi, il est censé succéder à son père. Mais, après des études au collège de Clermont et avoir envisagé un temps de devenir magistrat, il décide finalement de se consacrer à sa passion : le théâtre !
Sous l'influence de son grand-père maternel, il est, depuis tout jeune, un spectateur assidu des représentations de l'Hôtel de Bourgogne et des farces italiennes... Au grand dam de son père, qui menace de lui couper les vivres, il créé la troupe de l'Illustre Théâtre, avec Madeleine Béjart, comédienne dont il est amoureux. Prenant Molière pour pseudonyme, il enchaîne les représentations avec sa troupe, à Paris puis en Province. Mais le succès n'est pas au rendez-vous. Jusqu'au jour où Molière, s'apercevant qu'il rencontre plus de succès avec les comédies qu'avec les tragédies, se lance dans l'écriture de quelques farces... Ce livre est donc une biographie de Molière. Mais le traitement en est extrêmement original : dans un style fluide et agréable, Boulgakov en fait un véritable roman. Foisonnant d'anecdotes, ce livre retrace en de courts chapitres la vie du célèbre auteur avec fraîcheur et dynamisme, en délaissant le ton généralement neutre de la biographie. Boulgakov prend fait et cause pour Molière avec panache et humour, tout en traitant son sujet avec une rigueur qui en fait une oeuvre documentaire qui se lit, vraiment, comme un roman. L'analyse est fine, et le rapport que Molière entretient avec le pouvoir et les censeurs prend une résonance particulière si l'on songe que Boulgakov vit nombres de ses oeuvres interdites sous le régime soviétique et dut en appeler à Staline... Je connaissais, bien sûr, les grandes lignes de la vie de Molière à travers mes souvenirs scolaires. Mais en plus d'avoir approfondi mes connaissances, j'ai découvert un récit tour à tour drôle et tragique, au ton parfois ironique, souvent émouvant, et je me suis sentie totalement emportée par ce texte, qui m'a fait voir Molière, ainsi que son oeuvre, d'un oeil neuf. Au-delà d'une simple biographie, ce livre m'a également permis de m'interroger sur la censure, le pouvoir, la critique, et le place du théâtre et de la littérature face au pouvoir absolu. Mais même si l'on n'y voit qu'une biographie romancée, et que l'on n'est pas spécialement intéressé par le sujet, ce livre reste passionnant du début à la fin.

mercredi 18 juin 2008

Boulevard Durand de Armand Salacrou

Connaissez-vous le boulevard Durand, au Havre ? Connaissez vous Jules Durand ? La plupart d’entre nous répondront non, car cet homme et son histoire sont aujourd’hui fort peu connus.
Celle-ci a pourtant été comparée à « l’affaire Dreyfus du milieu ouvrier portuaire » et fait encore figure de référence dans de nombreuses mémoires politiques ou syndicalistes. Elle se tint au Havre, au début du XXe siècle, fit parler d’elle en France et sur d’autres continents, où des grèves se déclenchèrent en masse. Elle provoqua la plume de Jean Jaurès ou d’Anatole France, et de bien d’autres encore, à une époque où la révolution russe n’avait pas encore eu lieu et où l’affaire Dreyfus semblait si proche. Alors, de quelle histoire s’agit-il ? Jules Durand travaillait parmi les charbonniers du port, ces autres «gueules noires », qu’on appelle ainsi non parce qu’elles descendent au fond d’une mine, mais parce qu’elles descendent à fond de cale, à charger ou décharger du charbon jour et nuit, sans repos, si bien que tout est noir, chez elles : la face, la peau, les habits, les poumons. Il avait les « yeux ouverts et ne pouvait plus les fermer», conscient des inégalités économiques, sociales et culturelles entre les différents acteurs du milieu portuaire : les armateurs, affrêteurs, négociants d’un côté, les ouvriers de l’autre. Tous avaient en commun de vivre par et pour le port, mais de façon si différente….Alors Jules Durand choisit de mener un combat militant (Ligue des Droits de l’Homme, alors si « peu correcte ») et syndical : il devint le responsable de son syndicat, déclencha une grève des charbonniers. Chose banale, de nos jours, me direz-vous. La suite des événements l’est moins, vous le saurez en lisant l’ouvrage d’A. Salacrou. Armand Salacrou avait vingt ans de moins que Jules Durand. Pourquoi eut-il besoin –il le dit ainsi- d’écrire cette histoire ? Il avait dix ans lorsque la vie de Jules Durand prit un tour dramatique et publique. Ses parents suivirent de près cette histoire –ils habitaient en face de la prison du Havre- et sa perception du bien et du mal, de la justice et l’injustice se construisit à l’aune de « l’affaire Jules Durand ». Cette pièce, écrite à l’âge mûr, est comme son ultime message : partager avec le plus grand nombre possible ce qui fut si essentiel à sa vie et à son être. Elle se lit comme un roman : les faits s’enchaînent dans une logique tout aussi implacable qu’incroyable ; les personnages (réels pour la plupart) sont touchants, fascinants, y compris ceux par qui le drame arrive ; les thèmes abordés, universels : l’injustice, l’arbitraire, la bêtise, la méchanceté, la « lutte des classes », la misère humaine, le progrès technique et son impact sur le travail, l’engagement pour défendre un monde meilleur… On pense à Zola, à tant d’autres : cette œuvre d’Armand Salacrou mériterait sans nul doute d’être rejouée, tant pour sa valeur intrinsèque que pour la permanence des thèmes évoqués. Il a choisi de dessiner quatorze tableaux, comme un peintre réaliste : le décor, les éclairages, les enchaînements sont décrits, et cela permet d’imaginer encore plus aisément le travail de la troupe d’acteurs qui la créa, en 1961 au Havre. Quelques lettres de Jules Durand figurent en fin d’ouvrage, comme pour confirmer que cette histoire ne fut pas un cauchemar mais bien réelle. Pour aller plus loin, encore, dans la connaissance de cette affaire Durand, et relire ensuite la pièce d’Armand Salacrou, on pourra lire un ouvrage très récent : « Les quais de la colère » de Philippe Huet.
Sylvaine DEKESTER

lundi 16 juin 2008

L'âge de la déraison Tome I : Les démons du roi soleil de Greg Keyes

Fin du XVIIème siècle. Isaac Newton, génial inventeur et alchimiste, découvre le mercure philosophal.
XVIIIème siècle. Benjamin Franklin, jeune apprenti imprimeur à Boston, se retrouve mêler, bien malgré lui, à un étrange projet quand il intercepte par éthérographe des messages mathématiques venus d’Europe. Il réussit le tour de force de résoudre l’équation sur laquelle s’acharnent les savants. Mais il ne sait pas qu’il a entre les mains la clé pour réaliser l’Arme Absolue ! Dans la guerre qui fait rage entre la France et l’Angleterre, celle des deux nations qui la possèderait serait capable d’anéantir, voire de raser l’autre. Adrienne de Mornay de Montchevreuil est une jeune aristocrate française, cultivée et intelligente, férue de sciences. Mais au XVIIIème il n’est pas possible d’être une femme et une savante. Au service du scientifique Fatio de Duillier, ancien élève de Newton, elle aussi essaie de résoudre l’équation. Lorsqu’elle se rend compte de la folie de ce projet, elle décide de le saboter… Premier tome d’une tétralogie intitulé « L’âge de la déraison », « Les Démons du Roi Soleil » est un roman où le lecteur se trouve projeté dans un monde parallèle où la science, grâce à l’alchimie, a connu une évolution foudroyante et s’est mise au service de la guerre. Dès les premières pages du roman, l’auteur nous fait entrer dans un monde déroutant. Car si le lecteur reconnaît les personnages ou faits historiques, le traitement qu’en fait l’auteur les rend différents et déconcertants. Ainsi, les deux héros, au cours de leurs pérégrinations, rencontrent Louis XIV, Isaac Newton, Barbe-Noire, Voltaire… L’héroïne tombe même amoureuse de D’Artagnan. Ces personnages se métamorphosent au gré de la fantaisie de l’auteur. Louis XIV devient alors un tyran quasi-immortel, obsédé par la guerre contre l’Angleterre et prêt à tout pour la gagner, quitte à bouleverser l’ordre du monde. Mais qui se cache en réalité derrière ce masque ? D’étranges Anges Gardien dont on ne connaît ni l’origine, ni la raison de leur présence… Ce roman plaira sans aucun doute aux amateurs de roman fantasy, même s’il ne se résume pas qu’à cela. A la fois roman d’aventures, roman historique et quête initiatique, « Les Démons du Roi Soleil » est un livre passionnant. L’univers de l’auteur Gregory Keyest est cohérent et inventif grâce aux techniques et inventions liées à l’alchimie, comme les lanternes philosophiques qui éclairent sans feu. L’intrigue est menée tambour battant et s’accélère à la fin du roman. Bien sûr, la fin de ce premier tome est quelque peu prévisible, mais l’auteur a suffisamment laissé de points d’interrogations pour que le lecteur ait envie de se plonger dans le deuxième.
Delphine LE PERF

jeudi 12 juin 2008

La maison du Dr Edwardes de Francis Beeding

Constance SEDGWICK est recrutée par la maison d’aliénés du Docteur EDWARDES, à Château Landry. Son travail sera ardu, d’autant plus qu’un décès vient d’avoir lieu à son arrivée : le chauffeur de ladite maison a été tué par un dément qu’il convoyait. En outre, les patients ne sont pas de tout repos : ils épuisent la patience de Constance qui doit se ressaisir quotidiennement.
Constance travaille sous les ordres du Docteur MURCHISON, remplaçant du Docteur EDWARDES parti se reposer. Une relation ambiguë s’instaure alors entre ces deux êtres : la nouvelle recrue est subjugué par cet homme qui, il faut l’avouer, a parfois des attitudes bizarres. Mais elle en fait fi, jusqu’au moment où M. DEELING émet quelques doutes quant à l’identité d’un patient dénommé Geoffroy GODSTONE. En effet, celui-ci prétend être le réel Docteur MURCHISON. Tout bascule lorsque ledit Docteur MURCHISON, avec qui Constance œuvre, avoue être un aliéné et alors enfermé le vrai médecin dans une cellule.
Cette œuvre est plus qu’un roman policier. Le suspense est bien là mais aussi la littérature : en effet, les paysages et les moments critiques sont écrits avec une grande vergue. Mais qu’on ne s’y trompe pas : les mots s’enchaînent de telle façon que le lecteur ne peut s’arrêter de dévorer ce roman. Certes, de ce roman a été réalisé un film avec de grands acteurs. Mais qui se souvient de l’intrigue ? Quoiqu’il en soit, c’est avec avidité que le lecteur se plongera dans cet « univers de fou » où la raison vacille à chaque page… une profonde réflexion peut alors s’instaurer que la « normalité » de l’être humain. En lisant ce roman, on découvre aussi l’univers dans lequel doit évoluer le personnel médical : Bref, un roman grâce auquel on se pose beaucoup de questions sur l’existence et qu’on lit très aisément.
Christine-Sophie BELLOT

mardi 10 juin 2008

Nouvelles exemplaires de Miguel De Cervantès

Cet opus comprend 4 nouvelles. /Rinconète et Cortadillo/ : Deux jeunes hommes de 15 et 17 ans vivent d'expédients et cheminent tous deux vers l'Andalousie. A Séville ils intègrent les grandes écoles du banditisme sans perdre trop de temps dans les classes préparatoires. Ils se retrouvent cooptés par Monipodio le supérieur de la truanderie de Séville. Le tout est agrémenté de quelques anecdotes cocasses.
/Le jaloux d'Estrémadoure/ : C'est l'histoire de Felipe, revenu d'Amérique du Sud en Espagne, fortune faite. Il se résout à se marier - bien que d'un naturel très jaloux et déjà d'un âge avancé - à une toute jeune fille et la claquemure. Un jeune homme oisif, Loaissa, s'étonne de tant d'efforts pour préserver une épouse et veut déflorer le mystère /L'illustre servante/ : La très belle Costanza est servante dans une auberge. Après la révélation d'erreurs de jeunesse d'un gentilhomme qui se serait mal conduit avec une jeune noble demoiselle, il apprend que Costanza est la fille de cette demoiselle contrainte de la mettre au monde au cours d'un voyage dans une triste auberge où elle trouva la mort. /Le mariage trompeur suivi du colloque des chiens/ : Au sortir de l'hôpital, le seigneur enseigne Campuzano devise avec le seigneur licencié Peralta. Le premier apprend au second comment il se fit accroire par une femme qui voulait l'épouser en se faisant passer pour riche. Dans la foulée il lui conte les dialogues de deux chiens qu'il aurait entendus deviser au seuil de l'hôpital : Scipion et Berganza. Miguel de Cervantes y Saavedra est bien connu pour avoir écrit « Les aventures de Don Quichotte » en 1605. Il a participé à la bataille navale de Lépante en 1571 où il perdit un bras. Il fut prisonnier 5 ans au bagne d'Alger. Il aurait connu la prison en Espagne. Ces nouvelles sont exemplaires mais pas doucereuses et ne cachent pas la dureté inexorable du système féodal. Elles sont tout de même très datées et il est difficile de s'imaginer l'Espagne du XVIème siècle si typée. L'auteur dépeint l'esprit de classe et ses préventions. Il y a les nobles et les roturiers, les lettrés et les illettrés, les fortunés et les gens de peu. Le grand souci des personnages reste la survie en un univers hostile dans un pays corseté et avide où les valeurs de la « Reconquista » ont disparu. D'un côté il y a des rêveurs idéalistes qui ont pour référence morale les idéaux chevaleresques, de l'autre des arrivistes cyniques qui idolâtrent l'argent. Il se dégage une atmosphère douce amère de ces nouvelles où parfois on ne sait s'il faut rire ou pleurer. L'or des Amériques se heurte à la nostalgie chevaleresque. Les personnages sont émouvants, picaresques, décrits avec une grande justesse psychologique et l'on se dit qu'il fallait du ressort pour éviter le naufrage et les suborneurs. Le vocabulaire est très riche et les amoureux du vieux langage y trouveront leur content. A la satire plaisante des travers humains succèdent des scènes délicates et tragiques. La description des personnages est précise et colorée. Sous les apparences d'une ironie légère et désabusée, la peinture réaliste des personnages et les situations où ils s'animent établissent un constat critique de la société cruelle et inégalitaire de l'Espagne d'alors. Plus que de nouvelles exemplaires il s'agirait de contes philosophiques et anecdotiques dans le cadre très spécifique de l'Espagne du XVIème siècle.
Gwenael CONAN

vendredi 6 juin 2008

La pure vérité de Jodi Picoult

Un jeune fermier vient de découvrir un nouveau-né mort dans une étable et alerte la police. L’inspectrice Lizzie Munroe arrive aussitôt et très rapidement, ses soupçons se portent sur une jeune amish de dix-huit ans, Katie Fisher, la seule qui a plus ou moins l’âge de procréer.
Seulement, cette dernière affirme vivement qu’elle n’a jamais été enceinte, mais quelques indices laissent supposer qu’elle pourrait mentir. Son père Aaron Fisher refuse catégoriquement de croire que sa fille ait pu avoir un lien quelconque concernant cette affaire, car dans la religion amish, on ne donne pas naissance en dehors du mariage. Afin de venir en aide à sa nièce inculpée de meurtre, la tante de Katie fait appel à la très compétente Ellie Hathaway, avocate renommée de Philadelphie, célèbre pour avoir gagné des procès perdus d’avance. Celle-ci s’installe alors à la ferme des Fisher pour comprendre ce qui est vraiment arrivé au bébé. Y-a-t-il eu un crime sur ce nouveau-né ? Ce que j’ai le plus apprécié dans « la pure vérité », c’est de découvrir la culture amish, dont les valeurs préconisées sont l’humilité, la modestie et l’obéissance aux règles de la communauté. Les amish sont voués à leur Dieu. Ils refusent absolument le confort moderne et choisissent de vivre comme dans l’ancien temps : sans électricité, sans tracteur, etc. Même leurs tenues vestimentaires sont très différentes des notre. Personnellement, je ne crois pas que je pourrais vivre comme eux. Concernant leurs principes moraux, je trouve qu’ils ont un côté parfois rigide, sévère. Pour citer un exemple, Jacob, le frère aîné de Katie, a été excommunié de la communauté parce qu'il s’est inscrit au collège pour poursuivre ses études. Or, étudier au-delà de la 8ème année va à l'encontre des enseignements de leur Eglise, et c’est la raison pour laquelle son père l’a renié et refuse de le revoir depuis des années. Sinon, j’ai appris que les amish sont des gens fort courageux et rigoureux dans le labeur, j’aime aussi le fait qu’ils sont solidaires entre eux. Ce roman présente une culture qui contraste totalement avec celle que nous connaissons. Par ailleurs, il faut reconnaître que l’intrigue imaginée par Jodi Picoult, reposant principalement sur le mystère du décès du bébé, maintient le suspens jusqu’à la dernière page. On se demande constamment si le nouveau né a été tué volontairement, ou bien il a subi une mort naturelle. Pour conclure, je dirais que les deux héroïnes sont très attachantes, Katie Fisher et Ellie Hathaway. On apprécie autant l’une que l’autre pour leur personnalité et leurs valeurs morales respectives. J'ai vraiment aimé ce roman en même temps policier et psychologique.
Ngan Dai BUI

mercredi 4 juin 2008

Livre de sang de Clive Barker

Que peut-il y avoir de commun entre : un vrai-faux médium, un train dans lequel se déroulent de cruelles aventures, un esprit maléfique qui hante et maltraite un homme tranquille, une sombre histoire de truie qui ne mange que de la viande humaine, un théâtre qui donne lieu à d’étranges rencontres entre comédiens, et un affrontement très singulier entre deux cités voisines ? La réponse est sans appel : la mort.
C’est en tout cas comme cela que Clive Barker voit les choses à travers ce « Livre de sang ». Evidemment, chacun se doute que chaque mort à venir dans ces nouvelles n’arrivera pas par accident : elle va s’immiscer tout doucement dans chacune d’entre elles. L’auteur détient une recette infaillible : les récits débutent presque banalement pour tous se terminer en apothéose, comme un feu d’artifice qui irait crescendo avec un bouquet final grandiose. On se sent happé sans pouvoir se détacher des lignes qui défilent sous nos yeux, nous obligeant presque à aller au bout de l’histoire pour en connaître le dénouement. Sur ces six nouvelles, deux ont ma préférence bien qu’elles soient complètement différentes, et n’étant pas les plus horribles ou sanglantes. « Jack et le cacophone » est un petit bijou. Un esprit maléfique va tout tenter pour rendre fou un homme sans histoire, qui de son côté, est sûrement le plus zen de la terre. On sent au fur et à mesure que la tension monte entre les deux, et on est bien en peine de deviner lequel des deux va l’emporter sur l’autre. C’est une vision très personnelle de Clive Barker de ce qu’on appelle les Poltergeist, une vision presque drôle et assez touchante. J’en suis presque arrivé à plaindre cet esprit malfaisant. « Dans les collines, les cités » est très novatrice et je me demande où l’auteur est allé chercher une histoire aussi originale. Deux hommes se perdent au fin fond de la Yougoslavie et se retrouvent bien malgré eux au cœur d’un affrontement entre deux cités, affrontement qui n’a lieu que tous les dix ans pour que chaque habitant puisse s’y préparer correctement. L’originalité vient du fait que ces êtres humains ne sont pas armés, et qu’ils vont se livrer à un combat très particulier. L’horreur est bien sûr au rendez-vous. Clive Barker entame avec ce « Livre de sang » (le n°1) une série sur l’horreur et la cruauté qui sont enfouies au plus profond de chaque être vivant. Même si ce ne sont que des histoires inventées de toute pièce, on en frémit car après tout, bon nombre d’entre elles pourraient être des faits divers dont on entend parler quotidiennement. Un autre aspect du talent de Clive Barker est la faculté de terminer ses nouvelles comme il se doit : avec une vraie chute, et qui à chaque fois n’est pas bâclée. J’avais déjà lu les « Livre de sang » 2 et 4, mais celui-ci est mon préféré.
Laurent ENGLE

lundi 2 juin 2008

Le bal des louves Tome I : La chambre maudite de Mireille Calmel

Décembre 1500, une jeune fille va vivre un véritable enfer. Isabeau était destinée à Benoît, un jeune homme avec lequel elle a passé son enfance, elle l'aime et veut vivre avec lui. Malheureusement, son maître, François de Chazeron, a jeté son dévolu sur elle. D'après la loi, un seigneur a le droit de disposer d'une « pucelle » le jour de son mariage, « le droit de cuissage ».
Mais Isabeau refuse de se laisser soumettre et convainc Benoît de se sauver sitôt la cérémonie achevée. Les deux amoureux escomptaient ainsi pouvoir échapper à leur seigneur mais son courroux les poursuivit. Il pendit Benoît devant Isabeau et tua son père. Isabeau encourut les pires sévices par son maître qui l'abandonna, pour ainsi dire, sans vie au pied des remparts de son château en espérant que le « loup-garou » qui sévissait dans la région la dévore. Mais Isabeau descend de la « Turleteuche », une sorcière qui fut tuée en 1464. Et heureusement pour Isabeau, ni les loups ni le « loup-garou » ne toucheront à cette pauvre enfant. Et à partir de ce moment, Isabeau ne pensera qu’à une seule chose et ne vivra que pour elle : sa VENGEANCE... Ce livre est un cri du coeur, il a été merveilleusement écrit par Mireille Calmel. Elle est douée et sa façon d'écrire est stupéfiante de réalisme. Elle nous permet de découvrir tout l’univers du Moyen-Âge. On pourra ainsi « marcher » auprès de chevaliers, de François Ier, de Nostradamus, de Paracelse... On pourra vivre dans la Cour des Miracles, on découvrira la violence de terrifiants seigneurs et la loyauté de « preux chevaliers », la haine et l'amour se mêlant pour nous emmener à la folie. On vivra dans un univers de loups-garous, de transmutation du plomb en or, d'alchimie, de pierre philosophale, de trésors enfouis, de vieux souterrains... Par un admirable travail rondement mené, Mireille Calmel nous amène à vivre un moment de pure extase. Grâce à la plume de cet auteur, l'histoire des femmes-loups m'a énormément touchée, je me suis sentie transportée durant toute ma lecture. J'avais l'impression de me retrouver dans le combat de ces femmes. J’ai été admirablement envoûtée et je me suis prise à vouloir évoluer dans ce monde et me venger de façon atroce pour ce que le « monstre » avait fait subir à Isabeau. Ce roman m'a même fait croire aux loups-garous, à la transmutation, à la magie, aux sorcières... Mireille Calmel m'a vraiment émerveillée par cette histoire et j'attends avec impatience l'occasion de pouvoir lire la suite qui je l'espère me fera ressentir la même passion. Elodie RENAULT

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