vendredi 27 mars 2009

Voyage au Maroc de Edith Wharton

A l'invitation du résident général de France au Maroc, le général Lyautey, Edith WHARTON a visité le Protectorat en 1917. Elle écrit le premier guide touristique du Maroc sans photographies et sans illustrations. Son périple la conduit de Rabat et Salé à Marrakech, après être passée par Volubilis, Moulay-Idriss, Meknès et Fès. Avant d'assumer son rôle de thuriféraire de l'oeuvre coloniale de Lyautey, elle dépeint les cérémonies traditionnelles et la vie des harems, la claustration des femmes et l'esclavage. Elle finit son ouvrage par l'évocation de l'architecture et de l'histoire marocaines. Il ne s'agit pas du récit d'une exploratrice, Charles de Foucauld l'avait précédée en cela en 1883-1884, mais d'une évocation précise et documentée de ses périples facilités par ses relations. L'auteur a réussi la gageure de rendre son voyage captivant par son style aux images somptueuses et ses références culturelles très lestées. C'est une New- Yorkaise de la haute société et de grande culture qui nous expose ses considérations et ses impressions sur un pays claquemuré sur ses traditions. L'intérêt de son livre écrit par une authentique romancière est qu'elle nous présente le Maroc mystérieux et féodal de jadis qui s'ouvre avec réticence aux influences occidentales. Au lecteur de juger si elle n'est pas trop dépendante de l'influence coloniale française et si elle a vraiment pu partager avec le peuple marocain. Gwenael Conan

jeudi 26 mars 2009

Le bal des louves Tome II de Mireille Calmel

Nous sommes en 1531 et la vengeance d'Isabeau n'a pu être accomplie. Elle et sa fille ont retrouvé un mode de vie normale à Paris. Isabeau est devenue lingère du roi François Ier et tient une boutique où elle taille et brode les plus beaux tissus de la Cour. Sa fille Marie quant à elle est très appréciée par les personnes de la Cour des Miracles. Mais elle passe son temps à faire des « pieds de nez » à la police du roi avec son ami d'enfance, Constant, fils du nain Croquemitaine. Mais, un jour de printemps, leur vie tranquille bascule. En effet, un nouveau personnage arrive à Paris – pas si nouveau que cela en fait – il ne s'agit d'autre que de François de Chazeron, il vient d'être nommé chargé de justice. Et s'ensuit comme, on peut l'imaginer une nouvelle traque. Isabeau a peur, mais c'est l'occasion qu'elle attendait pour pouvoir enfin mener sa vengeance à terme. Qui sera le vainqueur et Isabeau arrivera-t-elle à survivre ? Ce livre, qui est le tome 2, ne perd rien à la magie du tome 1. Mireille Calmel arrive à garder la même attention du lecteur. Ce tome-ci est même plus poignant puisque malgré un retour à la vie normal d'une des victimes de François de Chazeron, elle va quand même tout faire pour rendre enfin la justice. Ce qui est assez ironique d'ailleurs puisque le bourreau n'être autre que le nouveau chargé de justice de Paris. Mireille Calmel arrivera toujours à me tenir aussi passionné par ces livres et heureusement celui-ci n'est pas le dernier. Dans ce tome-là, on se sent évoluer à la Cour des Miracles, célèbre bastion des voleurs, brigands en tout genre de Paris. Mais pas seulement, François de Chazeron pensait avoir surmonté la vengeance d'Isabeau mais il se trompe, il pensait être au Purgatoire mais va vite découvrir que cela n'est autre qu'un prémisse à son arrivée, plus que rapide à son goût, à la porte des Enfers. Et on pourra enfin, nous lecteurs, apprécier à sa juste valeur la vengeance de cette femme hors du commun qui à réussit à survivre pour pouvoir enfin se battre. Elodie RENAULT

mardi 24 mars 2009

Le foyer breton de Emile Souvestre

Le narrateur passe ses journées de rêverie dans la ferme des nids et alentour. Le soir il écoute les histoires, les leçons et les chants qui se développent près de l’âtre. Ce livre rassemble quelques vingt cinq contes glanés au gré des rencontres dans cette Bretagne du XIXème siècle. Bien que Dieu, Diable et préceptes chrétiens sont omniprésents, on y voit apparaître en alternance, princes et princesses, animaux munis de pouvoirs surnaturels, ogre et sorcière, nains et korrigans, revenants et malédictions. Tout cela baigne dans une atmosphère de justice divine, de punition par le Diable (le vieux Guillaume), d’infidélités misent à l’épreuve, de nains tourmenteurs. Quels vont être les sorts de ces amants qui n’ont pas grâce aux yeux des pères de leurs belles ? Quelles dynamiques secouent ces fratries héritières de biens matériels ou d’autres avantages ? Qui sont ces animaux magiciens donneurs de leçons ou de qualités ésotériques ? Ce florilège de contes abscons qui peuvent paraître d’un autre temps voire d’une autre dimension, garde une fraîcheur d’innocence sinon d’incrédulité. Les personnages hormis leurs rapports humains ancestraux côtoient un monde que l’on dirait de nos jours imaginaire, mais dont ils subissent réellement les effets, soit pour les sauver de quelque perdition, soit pour les punir le plus souvent de n’avoir pas su observer les règles divines que nul n’est censé ignorer suivant l’état d’esprit que l’auteur a cru bon de mettre en scène. On ne peut s'empêcher de rapprocher cette mise à jour des traditions orales des légendes rustiques de George SAND où le pittoresque des situations mêlé à un ésotérisme rural naïf laisse songeur et donne comme un regret de ne pas les avoir vécues. On se prend a visionner tout au long du déroulement de ces histoires un film coloré de relents campagnards où les effets spéciaux venant à la rescousse de l'auteur leur donneraient une véracité de rêves cauchemardesques. Le rythme de ces contes va croissant au fur et à mesure de leur lecture. Sur fond de rencontres fortuites mais recherchées par le narrateur qui nous les fait vivre, vont crescendo : la précision des faits, la densité des histoires et l’insolite des événements d’une époque révolue. Le style d’écriture est clair et accrocheur, seule la trame vécue par le narrateur doit conduire à lire le conte qui suit comme une collection d'anecdotes qui révèle une atmosphère où l'on ne sait trop si le désir de se faire peur n'était pas finalement communément répandu. La découpe de l’ensemble a été faite par pays breton visité, ce qui ancre chacune de ces historiettes dans une tradition propre et localisée géographiquement. Ces contes ne manquent pas de surprendre par leur diversité et un mélange de genres savoureux. Frédéric MOLLICA

mercredi 18 mars 2009

Les crimes célèbres de Alexandre Dumas

Ce livre présente quatre récits tirés des "Crimes Célèbres", recueil publié en 1840 par Alexandre Dumas. Comme le titre l'indique, il y relate des affaires criminelles restées célèbres dans l'histoire. Les textes réunis ici sont consacrés à la Marquise de Brinvilliers - qui avec l'aide de son amant, empoisonne son père et ses deux frères hostiles à cette liaision afin d'hériter de leur fortune -, la Marquise de Gange - femme douce et fidèle assassinée par ses beaux-frères, aux avances desquels elle résiste -, Murat - ancien Maréchal de Napoléon et ex-roi de Naples banni de France, arrêté et exécuté en tentant de remonter sur le trône - et la Comtesse de Saint-Géran - dont l'enfant sera la proie du marquis de Saint-Maixent, criminel en fuite et amant de la soeur du comte qui, si celui-ci était sans descendance, hériterait de toute sa fortune... On retrouve dans ces brefs récits tout ce qui caractérise l'oeuvre de Dumas : l'attrait pour les anecdotes et épisodes qui font l'Histoire, un style essentiellement narratif, privilégiant l'action loin de toute introspection, un ton souvent épique qui rejoint le genre de cape et d'épée et met l'accent sur les rebondissements... Le tout dans une écriture agréable, bien que parfois un peu lourde, mais où l'action est menée tambour battant. On sent un vrai travail de recherche, et les références documentaires freinent parfois un peu la fluidité de la lecture. Mais bien qu'il se contente d'énoncer les faits, notamment à l'aide des minutes des procès ou de lettres d'époque, on ne s'ennuie pas une seconde. Comme toujours, les personnages de Dumas sont spectaculaires : qu'ils soient flamboyants, lâches ou héroïques, on est forcément happés par leurs histoires, bien qu'on y trouve parfois un certain manichéisme. J'ai beaucoup aimé ce livre, qui m'a permis de lire autre chose que les grands classiques de Dumas que l'on connait. Résumer chaque récit serait trop long, mais j'ai été particulièrement saisie par celui consacré à Murat. Assez atypique par rapport aux trois autres, les dialogues y sont très présents, mettant en relief le caractère de l'homme, à la fois attachant et admirable de dignité. Mais de manière plus générale, j'ai surtout remarqué que ces textes semblaient vraiment poser les jalons des futures oeuvres de l'auteur : les germes du "Comte de Monte-Cristo", de "La Reine Margot", ou du "Vicomte de Bragelonne" sont indéniablement présents. Et cet aspect très intéressant donne à lui seul une bonne raison de lire ces "Crimes Célèbres". Fanny LOMBARD

mardi 17 mars 2009

Les disparus de Saint-Agil de Pierre Véry

Printemps 1914. Trois collégiens de Saint-Agil ont formé à l’insu des surveillants une association secrète. Leur nom : Les Chiche-Capon. Leur but : S’enfuir en Amérique. Leur boîte à lettres : Le squelette Martin dans la salle de sciences naturelles. Les trois inséparables amis n’ont aucun secret l’un pour l’autre. Aussi, quand le rêveur Mathieu Sorgue disparaît inexplicablement du pensionnat, pour envoyer quinze jours après une carte postale de Chicago, ses amis sont plutôt vexés. Mais quand Philippe Macroy disparaît à son tour dans des circonstances similaires, le futé André Beaume se rend compte de certaines anomalies. Et s’il ne s’agissait pas de fugues ? Le voilà déterminé à résoudre ce qu’il va appeler “le mystère de la croix grecque”. D’autres événements énigmatiques et angoissants vont suivre… Ce grand classique de la littérature policière jeunesse va tambour battant : escapades nocturnes, codes secrets, mort suspecte, l’action ne faiblit jamais. Le mystère non plus, au contraire : De chapitre en chapitre, la situation - qui parait simple de prime abord - devient petit à petit de plus en plus complexe ; les hypothèses se multiplient, les suspects aussi, jusqu’à ce que le lecteur soit embrouillé dans un sac de nœud inextricable qui ne sera démêlé que dans les dernières pages. Les plus malins auront peut-être débrouillé d’eux-mêmes les divers nœuds de l’énigme, mais je suis pour ma part restée perplexe jusqu’aux explications finales. L’écriture est simple et fluide, et se fait oublier au profit de l’intrigue. Les trois adolescents, dont nous sont dévoilés petit à petit les secrets et les rêves, sont très attachants. On découvre aussi en toile de fond la vie de tous les jours au pensionnat de Saint-Agil en cette période où couve la Première Guerre Mondiale, à travers une galerie de personnages pittoresques, qu’ils soient élèves (le cafardeur, l’éleveur de hanneton…) ou adultes (Le surveillant sympathique, l’économe qui connaît mieux les élèves par leur numéro que par leur nom, le préfet de discipline craint car il a la réputation de ne jamais dormir…). Au final, ce court roman se dévore en un clin d’œil, tout d’une traite ! Marie-Soleil WIENIN

lundi 16 mars 2009

Cristal qui songe de Theodore Sturgeon

Un petit garçon nommé Horty, se fait renvoyer de l’école car il mange des fourmis. Maltraité par ses parents adoptifs, il s’échappe de la maison et se retrouve par hasard, dans un camion de cirque ambulant. Il va rester plusieurs années dans ce cirque avec des personnages particuliers (des nains, un homme-serpent etc) et le féroce directeur, qui collectionne des cristaux, moitié vivants, moitié minéraux. Un livre étrange ! que j’ai beaucoup aimé, surtout au début. L’auteur nous tient en haleine, et on a toujours envie de savoir ce qui va se passer par la suite. Ce livre commence comme un récit réel, mais peu à peu, sournoisement, on ne sait plus très bien, si on est dans la réalité ou dans un autre univers. Pourtant, il ne se passe pas grand-chose et l’arrivée brutale d’autres personnages, au milieu du livre, (malgré leur nécessité dans l’histoire) coupe un peu le fil du roman. Quant à la fin, elle traine en longueur, pour arriver à un dénouement pas très original à mon avis. Cependant, l’auteur a une imagination merveilleuse, pour inventer une histoire pareille avec de nombreuses précisions sur l’état des cristaux et les sentiments des personnages. Il vaut vraiment la peine d’être lu.
Hélène SALVETAT

mercredi 11 mars 2009

Hopital souterrain de Hervé Jaouen

Lors d’un séjour en famille à Jersey, une petite fille disparaît au cours de la visite de l’ancien hôpital souterrain de l’île, construit pendant la guerre par les Nazis. Un endroit qui fait froid dans le dos… Et lorsqu’en plus on sait que Jersey est célèbre pour ses sorcières, que des tas d’ouvrages sur le sujet y remplissent les rayons des librairies, que le père de la fillette a tendance à beaucoup cogiter, et que son épouse, avec qui il ne s’entend plus, se comporte de manière égoïste et imprévisible, rien d’étonnant à ce que cet homme fou de sa fille devienne paranoïaque après ce tragique événement… Au fil des pages de ce roman à l’atmosphère étrange, voire oppressante, flirtant avec le fantastique, on découvre des personnages mis à nu par l’auteur, qui n’hésite pas à nous offrir en détail leurs sentiments, leurs sensations, leurs pensées, même les moins reluisantes, avec une précision époustouflante. Il nous entraîne dans les méandres de l’esprit d’un homme angoissé, dans celui d’une petite fille aussi, toujours avec la même efficacité. Avec Hôpital souterrain, qui a obtenu le Grand Prix de la Littérature policière, Hervé Jaouen nous montre une fois de plus ses talents d’écrivain aux multiples styles. On le connaît surtout pour ses fabuleux récits de voyage sur l’Irlande, pour ses polars noirs aussi, ici on le découvre dans un roman à suspense émouvant laissant une grande place à l’analyse psychologique, genre dans lequel décidément il excelle également ! Et surtout un conseil, lisez-le jusqu’à la dernière ligne, vous en resterez scotché ! Delphine HAMON

mercredi 4 mars 2009

L'inconnue de las Vegas de Jacques Sadoul

Troisième roman de la série du cycle Carol Evans, ex-agent spécial de la CIA à la sexualité ambiguë, sarcastique et violente, surnommée la tueuse par les anciens du Vietnam où elle a passé deux années. Sur fond de guerre froide, Carol doit se rendre à Las Vegas, capitale mondiale des paillettes mais aussi du jeu et de la prostitution, afin d’élucider l’assassinat d’un agent de la CIA qu’elle détestait ouvertement du nom de Kevin Matthews. La veille, Matthews avait été retrouvé mort d’une balle en plein cœur, dans sa chambre d’hôtel après avoir assisté avec des amis à un match de boxe féminin. Qui aurait pu en vouloir à un agent de la CIA en permission ? Surement des centaines de personnes mais Carol découvre qu’il faisait des investigations sur sa fille, qui avait fugué d’une institution dans laquelle elle se trouvait depuis son plus jeune âge. Et nous voilà en voyage à travers les réseaux de prostitution de las Vegas. Sadoul ne porte en aucun cas un jugement quelconque à leur encontre. Il s’agit d’un roman assez léger, sans engagements. Même la violence de Carol est palpable dans toutes les pages du roman, mais on lui pardonne presque, c’est normal pour un ex-agent spécial d’action de la CIA. Pour eux, la fin justifie les moyens même si ceux-ci passent par les coups, le sang et finalement la mort. Ce ne sont que des malfrats qui meurent, donc finalement c’est une bonne chose. En plus de Carol Evans on y trouve d’autres personnages déjà connus des fans de la série, comme Amanda Greenwood, protagoniste du premier roman du cycle « L’héritage Greenwood ». Etant une férue amatrice de romans policiers, j’ai beaucoup aimé ce récit que se lit très vite, grâce à son écriture rapide, à ses dialogues omniprésents. Jacques Sadoul ne s’attarde pas sur les descriptions. Il s’agit d’un vrai livre d’action. Marie Leveziel

lundi 2 mars 2009

Rabbit rattrapé de John Updike

L’année 1969 aux Etats Unis. Les Américains sont engagés aux Vietnam et 40 000 soldats y sont déjà morts. La contestation enflamme les universités et le système économique subit l’inflation. Le mouvement afro-américain des droits civiques s’amplifie et à l’assassinat de Martin Luther King succède celui de Robert Kennedy. La décennie qui s’achève est une période d’incertitude et de doute. Les premiers pas de Neil Amstrong sur la Lune ne cachent rien du renversement des valeurs traditionnelles de la way of life. En Pennsylvanie, dans la petite ville de Brewer, Harry Angstrom, surnommé Rabbit, est linotypiste. « C’est un brave gars raciste et impérialiste typique » à l’image de tous ces américains de la classe moyenne. Sa femme s’ennuie et elle boit. Elle prend un amant et retrouve un peu de sa joie de vivre. Quand elle le quitte, le laissant seul avec son fils Nelson, Harry se trouve désemparé : quelque chose lui échappe, la marche du monde lui est devenue totalement étrangère. Son chemin va croiser celui de Jill, une frêle adolescente de la haute bourgeoise qui est en fuite, et celui d’un jeune soldat noir démobilisé qui est recherché par la police, Skeeter. A la fois fasciné et dégoûté, troublé, Harry les héberge. L’amour libre et la drogue côtoient pendant plusieurs semaines leurs discussions politiques. Au final, l’unité de cette nouvelle famille est réconfortante mais désastreuse. En ne choisissant pas un intellectuel ou un artiste pour héros de son roman, John Updike réussit à nous rendre très proche le tumulte des années 60 aux USA. Avec Harry, son héros si attachant, il nous touche et nous étonne. En Skeeter il dépeint un déconcertant et effarant jeune noir, à la fois prédicateur inspiré de religiosité rudimentaire et imbibé de drogue, plein d’illusions, de grandeur et de colère, d’indignation et de rage. Le style de John Updike est limpide et facile. Les dialogues sont vifs, parfois émaillés d’un beau vocabulaire trivial qui nous rend plus vivant l’impétuosité des désirs sexuels ou des colères noires de ses personnages. La lecture de ce gros roman de 500 pages qui succède à Cœur de lièvre, est un plaisir de bout en bout.
Jacky GLOAGUEN

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