jeudi 31 mars 2011

Paris insolite de Jean-Paul Clébert

Paris insolite nous fait découvrir un dédale de rues, d’impasses inconnues des touristes où l’on trouve toute une vie grouillante et des personnages insolites. Mais l’auteur décrit aussi avec un style vif, le monde des clochards de Paris.
Le début m’a un peu déçue car, dans le premier paragraphe qui, à mon avis, n’apporte pas grand-chose à la suite du texte, il n’entre pas directement dans la description de Paris.
Mais à partir du deuxième paragraphe, on se retrouve dans un univers insoupçonné, très captivant, avec des personnages hors du commun et qui nous fait voyager dans le temps, revenir au début du 20e siècle. (Ce livre a été écrit en 1952). Il décrit avec justesse, des terrains vagues, des cimetières, des rues sales, des appartements sombres, etc. Mais aussi des personnages typiques, des filles des rues, des clochards et bien d’autres.
L'auteur emploie un style assez humoristique parfois, et des phrases souvent très longues. Par moment, il emploie des mots et des expressions familiers qui sont bien en accord avec les personnages décrits, et à d’autres moments, il utilise des mots bien plus recherchés, ce qui fait un vocabulaire assez hétéroclite, mais finalement, très agréable.

Je n’ai pas trop aimé, non plus, quelques passages où il explique certaines choses, assez crûment. Mais l’ensemble reste cependant agréable à lire, quand on aime découvrir des vies particulières et des lieux extraordinaires et je ne peux que le recommander car il est malgré tout, très intéressant.


Hélène SALVETAT

mardi 29 mars 2011

Lent dehors de Philippe Djian


Henri John (H.J), marié père de deux filles Eléonore et Evelyne est professeur de musique. Sa femme, Edith, est un écrivain en manque d’inspiration. De retour d’un voyage et suite à une infidélité de son mari elle décide de se séparer.
Alors Oli, le beau- frère d’H. J, propose à ce dernier de venir chez lui aux Etats-Unis afin de se changer les idées. Voilà donc notre prof de musique sur la côte Est dans une maison sur le bord de mer.
H.J va rencontrer des gens comme Finn et retrouver également de vieilles connaissances. En lisant le journal intime d’Edith qu’il a emmené avec lui il  effectue un come-back dans son passé et  fait  un bilan de sa vie.
Bien entendu le retour à Paris ne sera pas facile mais pourra-t-il reconquérir Edith qui veut divorcer et le dialogue sera-t-il plus facile avec ses deux grandes filles ?
J’ai trouvé ce livre vraiment agréable à lire pour plusieurs raisons.
Il y a trois dimensions « temps » : le présent (les années 90), la jeunesse et la jeunesse du groupe (qui va de la fin des années 50 au milieu des années 60) vu au travers de livre intime d’Edith. Ce mélange d’une époque à une autre est très bien réussi ce qui rend l’histoire à mon sens très vivante. De plus on retrouve au fil du temps un peu l’actualité de l’époque avec un événement par-ci un autre par là.
Les personnages sont forts intéressants et nombreux car la jeunesse d’Henri John s’est passée dans une troupe de théâtre. Dans la troupe on trouve entre-autre: Ramona le premier amour d d’H.J, Elisabeth Benjamin la mère d’H.J, Georges le père d’Edith et homme à tout faire de la troupe, Alicia la prof d’anglais.
Durant son séjour au USA, il y a Finn sympa, bourru et qui disparaît, comme ça, du livre. Mais les trois personnages essentiels sont Oli, Edith et H.J car ils sont liés par leur enfance, leur adolescence leur vie d’adulte et un drame que le lecteur découvre à la fin du roman.
J’ai également apprécié différents passages comme le voyage à Saint Petersbourg, les réactions d’ H.J en voyant Edith se faire draguer par Eric et d’autres situations qui m'ont fait sourire.


Edouard RODRIGUEZ

dimanche 27 mars 2011

La trépidante duchesse de Berry de André Castelot

Plus qu’un historien, André Castelot est un écrivain d’histoire, comme il aime à se définir.  Il écrit plus de 65 biographies et collabore à beaucoup de magazines d’histoire comme par exemple, Historia ou Histoire magazine. Il est né en 1911 et est mort en 2004.
Le Prix d'histoire André Castelot, récompensant un ouvrage de vulgarisation ou un roman historique, a été créé pour honorer sa mémoire.
La trépidante Duchesse du Berry a été écrit en 1969.
Que dire de ce livre ? Il porte véritablement bien son titre car la vie de cette duchesse a été vraiment trépidante voire romanesque. Mais malgré une histoire riche en évènements, je n’ai pas réussi à me passionner. Est-ce l’écriture trop académique de l’auteur ? Pourtant, je me souviens avoir lu d’autres romans historiques de lui et je ne me souviens pas m’être autant ennuyée. Est-ce la période historique qui ne m’intéresse guère ? La révolution est passée, Napoléon aussi et les essais d’un retour durable à la monarchie semblent compromis. Non, décidément, c’est cette marie Caroline ne me passionne pas. Je la trouve trop romanesque, trop exubérante, trop tout en fait. Je n’arrive pas à la cerner malgré le portrait très précis qu’en fait André Castelot. Je comprends cette mère qui veut mettre son fils sur le trône de France, je comprends le chagrin de cette femme qui voit mourir son mari dans ses bras, je comprends son intérêt pour les arts et la culture mais elle paraît si juvénile, innocente, naïve que j’ai du mal à croire en un personnage si lisse.
Cependant, André Castelot m’a permis de me plonger dans une époque de l’histoire de France que je ne connaissais pas. Un livre à découvrir donc pour son côté historique et la richesse des détails de la vie quotidienne.


Alexandra BERNEDE

vendredi 25 mars 2011

Mémoires de deux jeunes mariés d'Honoré de Balzac


Deux jeunes amies, à la sortie d’un couvent,  vivent leur vie et nous la font vivre, en nous dévoilant leurs sentiments à travers  leurs échanges épistolaires. L’une des deux est très romanesque et va se marier deux fois
( deux mariages à  «  l’amour inversé », adorée puis adoratrice). Son romantisme est différent de celui de Mme Emma Bovary (Flaubert). Celle-ci me semble plus tournée vers le monde, plus attirée par le luxe ou le pouvoir, en tout cas à la recherche d’un romantisme plus « humain », plus « matérialiste ». Louise, par contre, donne l’impression d’entrer en amour comme on entre en religion, mais en se sacrant elle-même déesse à qui tout est dû, à qui l’on peut tout demander à condition de le faire avec humilité et qui peut exercer un « sadisme moral » sur l’être aimé sans que celui-ci doive se sentir offensé. Elle veut être aimée sur terre à l’égal de Dieu mais pas uniquement en esprit. C’est le genre d’amour qui ne résiste ni au temps, ni aux contraintes mais certains préfèrent vivre leur vie ou/ et leur passion moins longtemps mais avec plus d’intensité. La vie de Louise ne pouvait pas être différente. Je me demande si le romanesque doit nécessairement aller de pair avec le narcissisme.
Renée, l’amie de couvent de Louise, est  différente. Sa personnalité préfère le concret, les idées qui débouchent sur des projets réalisables et réalisés, l’amour qui donne, « porte des fruits ». Sa vie construit et va vers les autres ( à l’inverse de celle de Louise qui tourne autour d’elle en circuit fermé). De même, l’énergie : Renée se sert de son énergie pour donner la vie, la conserver, surveiller et élever ses enfants.
Elle s’en sert également pour stimuler son mari, lui donner confiance en ses possibilités et ses ambitions. Louise, au contraire, cherche à dominer l’autre ou a peur de le perdre mais uniquement par rapport à ses propres sentiments. Deux tempéraments opposés ou, peut-être, deux côtés d’une seule et même personnalité : en effet, aujourd’hui, les femmes arrivent plus ou moins bien à concilier romantisme, passion, travail, maternité. Cela devait être plus nuancé à l’époque où se situe le roman, conditions familiales, sociales et professionnelles étant totalement autres.
Echange épistolaire « à l’ancienne » où chaque mot est choisi avec soin. Son roman n’est composé que de cet échange qui va durer plusieurs années mais l’auteur arrive, à travers les descriptions, à nous faire vivre toutes les actions des personnages et à nous faire ressentir leurs sentiments respectifs.
Lire Balzac est toujours un vrai régal, on ne s’en lasse pas.


Thérèse VITRANT

mercredi 23 mars 2011

Zut, on a encore oublié madame Freud... de Françoise Xénakis


Martha, Xanthippe, Adèle, Jenny et Alma ont été les épouses de grands hommes, penseurs et artistes. Sigmund Freud, Socrate, Victor Hugo, Karl Marx et Gustav Mahler, aucun d'eux ne peut se plaindre d'avoir vécu seul ou mal accompagné.
Martha Freud est une femme éclairée et pratique. Soutien indéfectible du grand docteur viennois, elle écoute, conseille voire psychanalyse son époux.
Xanthippe, en dépit de l'indifférence voire de la haine qu'elle suscite chez son époux n'a eu de cesse de l’admirer. Mais vivre dans l'ombre de Socrate la rend aigrie et virulente, faisant d'elle l'archétype de la mégère.
Adèle Hugo, après les effusions amoureuses des premières années, se refuse à un époux qui ne sait pas se contrôler. Vigilante, fidèle et honnête à l'extrême, elle accepte avec dignité la relation de son époux avec Juliette Drouet. Ainsi, Victor Hugo eut deux femmes, l'une qui incarnait les valeurs sacrées du mariage et l'autre qui représentait l'éternel féminin.
La baronne Jenny von Westphalen a déchu en épousant Karl Marx. Ce penseur révolutionnaire a été un piètre époux, incapable de subvenir aux besoins du ménage, toujours en quête des subsides de l'ami de toujours, Friedrich Engels. La rage bouillonne en Jenny qui ne s'autorise à exprimer sa rancœur que dans des lettres qu'elle détruit sans les donner.
Alma Schindler, en épousant l'immense génie musical que fut Gustav Mahler, a remisé ses espoirs et son talent de musicienne. Et pour laisser tout le talent créatif du pudibond et tyrannique Malher s'exprimer, Alma devait entretenir le silence le plus absolu, muselant leurs filles, le chien, les cloches des vaches, la vie…

"Merci aux auteurs que j'ai lus ou relus pour bien m'imprégner des maris et me confirmer dans mes intuitions quant à leurs épouses." (p. 251) L'auteure ne dissimule avoir fait œuvre de romance et avoir imaginé pour bonne part l'existence et les pensées des épouses qu'elle met en scène. Si la tendresse et l'admiration qu'elle a pour ces "femmes de..." sont manifestes, plus manifeste encore est le plaisir ironique qu'elle prend à égratigner voire ébranler les portraits hiératiques de grands hommes qui furent de médiocres époux. Si la qualité de l'écriture diffère d'une nouvelle à l'autre, le ton reste celui de l'empathie souvent teintée d'humour. Et il point derrière ces portraits de femmes de l'ombre un portrait inattendu, celui de l'auteure, elle-même femme de... , et l'on comprend mieux soudain ces histoires d'épouses et de ménages.



Magali CONEJERO

lundi 21 mars 2011

Seul le silence de R.J. Ellory


Dans la petite ville d’Augusta Falls en Georgie Joseph Vaughan, 12 ans, vit avec sa mère depuis la mort de son père. Sa petite vie tranquille d’écolier va soudain prendre fin avec la mort d’une de ses petites camarades de classe dans des conditions atroces puisque violée, battue et mutilée… L’angoisse s’empare de tous les habitants lorsqu’une deuxième petite fille, puis une troisième, une quatrième subissent le même sort … La cinquième c’est Joseph qui la trouve et la série ne s’arrête toujours pas. Rendu déjà inquiet et se sentant coupable de n’avoir pu protéger ces petites filles, il se réfugie dans le silence et l’écriture pour tenter d’exorciser ses peurs.
On sait quasiment dés le début que Joseph, qui est aussi le narrateur de cette histoire, va retrouver le tueur et qu’il va se faire justice lui-même. L’intéressant était donc de voir de quelle façon il va réussir à le démasquer. Sauf que ce n’est que dans les trente dernières pages que cela se met en place et qu’en plus la chute « sonne faux » et manque d’explication! Ce qui veut dire que pendant cinq cent soixante dix pages environ, le narrateur nous raconte encore et encore les meurtres, nous fait partager ses pensées intimes, ses peurs, ses craintes, ses haines, ses amours avec en toile de fond sa culpabilité de n’avoir pu empêcher ces petites filles de se faire tuer…J’ai trouvé cela long, pour ne pas dire trop long…Même les enquêtes des shérifs sur ces meurtres n’arrivent pas à  mettre de l’action et du rythme dans le récit. A aucun moment je ne suis vraiment parvenue à rentrer dans ce roman. Le fait qu’il soit écrit à la première personne y est pour beaucoup. De plus les malheurs qui tombent sur ce jeune homme tout au long de sa vie finissent par agacer et enlèvent de la crédibilité à l’histoire.  Et puis il y a aussi cette atmosphère étrange et les pensées du protagoniste qui m’ont mis mal à l’aise tout au long de la lecture… Certes, il y a une originalité certaine avec cette noirceur dans l’écriture mais personnellement je n’adhère pas ! Je préfère donc laisser les lecteurs se faire une idée, surtout quand je vois le nombre de critiques élogieuses que ce roman a eu, je ne voudrais pas paraître  rabat-joie…Il me semble toutefois que je n’aurais pas mis ce roman dans le genre  « thriller » mais plus dans le genre polar psychologique…


Nicole VOUGNY

samedi 19 mars 2011

Fantine de Victor Hugo


Jean Valjean est enfin libre ! Il vient de passer 20 ans au bagne pour avoir volé un morceau de pain. Aucun aubergiste ne souhaite l’accueillir à cause de son passeport jaune bien qu’il ait largement de quoi payer sa couche. Un seul homme l’hébergera avec bienveillance. Cet homme d’église lui montrera le chemin du bien. À Paris, Fantine, était la maîtresse d'un riche et volage étudiant, Thomolyès, mais celui-ci l'abandonne sans savoir qu’il va devenir papa. Elle donne naissance à sa fille Cosette. En chemin vers Montreuil-sur-Mer, sa ville natale, elle est choisit de laisser sa fille en garde chez des aubergistes de Montfermeil, les Thénardier, afin de pouvoir trouver du travail car, en 1818, une fille-mère était rejetée par la société. Elle confie Cosette en toute confiance et s’engage à verser une rente mensuelle.
Malheureusement, les Thénardier, des individus peu recommandables, vont utiliser les moyens les plus sordides pour soutirer le plus d'argent à Fantine prétextant des maladies de Cosette sensées nécessiter des soins et des médicaments coûteux. Dans la réalité, Cosette est devenue leur servante et la brutalisent. Fantine va s'épuiser à ne vivre que pour sa fille et, lorsqu'elle perdra son travail, durant les derniers mois de sa vie, elle vendra tout ce qu'elle a, y compris ses dents et ses cheveux, son corps aussi. À la suite d'un incident dont elle n'est pas responsable, l'intransigeant inspecteur de police Javert l'arrête et veut l'incarcérer. Le maire de Montreuil, monsieur Madeleine (alias Jean Valjean), s'oppose à son emprisonnement et la prend sous sa protection car elle est gravement malade et il apprend qu’elle avait été licenciée de son entreprise à tort. Il lui promet de lui ramener Cosette. Malheureusement, Fantine mourra sans avoir revu sa fille.
J’ai dégusté cette version abrégée, qui est à portée de tous contrairement à la version d’origine plutôt repoussante par le nombre de pages. Victor Hugo y décrit la vie de misérables dans Paris et la France provinciale du XIXe siècle. C'est un roman historique, social et philosophique dans lequel on retrouve les idéaux du romantisme et ceux de Victor Hugo concernant la nature humaine. C’est un roman-feuilleton qui nous raconte la vie de personnages provenant de milieux différents ou leurs vies se mêlent et s’entremêlent ! Un roman classé désormais dans les classiques français à manquer sous aucun prétexte !


Sabrina LE BOUCHER

jeudi 17 mars 2011

La guerre des Gaules de Jules César


En 58 avant J.C., Jules César se voit confier par le Sénat les pleins pouvoirs militaires en Gaule. Mais à peine prend-il ses fonctions qu'il doit combattre les Helvètes, qui ont quitté leur territoire pour marcher sur les Eduens, alliés de Rome. César, ayant pris les mesures qui s'imposent, en sort vainqueur. Mais cette bataille n'est que le prélude à celles qui suivront : il lui faudra lutter contre les Germains, les Belges, les Bretons, etc. qui profiteront tour à tour du désordre pour passer à l'offensive. Jusqu'aux Gaulois qui, rassemblés autour d'un certain Vercingétorix, se ligueront contre l'armée de César...
Composé de sept livres rédigés en 52 avant J.C. par César lui-même (chaque livre correspondant à une année), et complété par un huitième chapitre écrit après sa mort par son lieutenant Hirtius, cet ouvrage est un témoignage passionnant. Il se démarque des écrits de l'époque par une écriture simple et dépouillée, sans effet de style, et un vocabulaire accessible. S'y mêlent le récit des guerres proprement dites et la description des moeurs des autochtones. Simple présentation de faits bruts sans aucune digression, rapportant les propos au style indirect, toute propagande en semble absente. Mais il suffit de prendre un peu de recul pour comprendre à quel point le génie de César tient, justement, dans cette apparente objectivité, qui lui permet de se montrer au peuple romain comme un grand stratège et chef de guerre - qu'il était d'ailleurs.
Je me suis plongée avec délectation dans la lecture de cet ouvrage unique, tant par sa forme que par la personnalité de son auteur. Je redoutais un peu les descriptions des batailles et des mouvements de troupes, que je craignais trop techniques ou lassantes : il n'en a rien été, et j'ai été agréablement surprise par la fluidité du style et de la langue, étonnement modernes. J'ai également trouvé passionnantes les descriptions des divers peuples, et notamment le rôle des druides Gaulois ou la place de la guerre chez les Germains. Seule ombre au tableau : mieux vaut se munir d'une carte pour repérer les différents territoires, aux noms souvent peu familiers, et les déplacements de César ! Ce détail mis à part, voilà une lecture aussi agréable qu'indispensable pour qui s'intéresse un tant soit peu à la Rome Antique.


Fanny LOMBARD

mardi 15 mars 2011

L'enfant de sable de Tahar Ben Jelloun


Ce livre est l’histoire d’un secret. Dans une ville arabe, se tient un conteur qui montre à l’assistance un grand cahier en disant : « Le secret est là, dans ces pages, tissé par des syllabes et des images. Il me l’avait confié juste avant de mourir » (p. 12). La foule questionne alors : « Et qui fut-il ? ». Cet être énigmatique dont l’histoire nous est contée a été prénommé Ahmed par son père. Il est issu d’une famille comptant 7 filles, ce qui constitue une malédiction pour le père d’Ahmed qui n’a pas d’héritier mâle. Il a donc décidé que la huitième naissance serait celle d’un garçon. Or, le destin s’acharne puisque la mère met au monde une huitième fille. Qu’importe, pour le reste de l’humanité, cette fillette sera un garçon. Comment Ahmed va-t-il grandir au cœur de ce secret ?
Ce roman m’apparaît comme une œuvre véritablement énigmatique, d’un abord ésotérique. Cet aspect peut séduire le lecteur, mais peut aussi le rebuter. Si, au départ, je me suis laissée porter par le mystère des mots, je me suis vite perdue parmi tous les conteurs qui se multipliaient, offrant au lecteur des versions bien différentes de l’histoire d’Ahmed.
L’écriture de Tahar Ben Jelloun est très poétique, métaphorique et donne au style une tournure très belle mais aussi très difficile à suivre. Ainsi, par exemple, Ahmed a laissé au conteur chargé de narrer son histoire quelques clés, « des signes à déchiffrer » (p. 189). « La première métaphore est un anneau comportant sept clés pour ouvrir les sept portes de la ville » (p. 189). Ainsi, le conteur ouvre tour à tour ces sept portes par le pouvoir des mots. Figurent ainsi la porte du jeudi, celle du vendredi, la dernière étant « la porte des sables », en écho au titre du roman.
Cette œuvre fait réfléchir le lecteur sur l’identité : comment se construire homme, ainsi que le demande le père, quand on a un corps de femme ? Puis comment échapper à la loi du père pour se reconstruire femme ? Ahmed fera diverses expériences bouleversantes à ce sujet, en s’exhibant dans un cirque notamment. Il nous questionne également sur le poids du secret, du mensonge familial, le poids de la tradition et de la religion. Il interroge aussi la question des mots, du récit oral qui porte un secret par la bouche des conteurs, véritables griots. Le roman magnifie le langage écrit, à travers la correspondance d’Ahmed avec un mystérieux inconnu. Parlant de la tenue d’un journal intime, l’auteur rapporte les paroles d’un poète égyptien : « De si loin que l’on revienne, ce n’est jamais que de soi-même. Un journal est parfois nécessaire pour dire que l’on a cessé d’être » (p. 11-12).
Si le sujet abordé ici peut paraître original et puissant (l’identité sexuelle, sexuée d’un être vivant dans un pays arabe), l’écriture trop sibylline peut décourager. La fin notamment m’a paru terriblement absconse et m’a beaucoup déçue.


Christelle GATE

dimanche 13 mars 2011

C'était notre terre de Mathieu Belezi


Six cent cinquante trois hectares, c’était la superficie du domaine de Montaigne en Algérie appartenant depuis de nombreuses années à la famille Saint-André. Six cent cinquante trois hectares qui ont vu grandir Antoine, Marie-Claire et Claudia, élevés plus par Fatima que par leurs parents, trop occupés à conserver leurs privilèges de colons devant les velléités d’indépendance des algériens. Certains vont fuir, d’autres rester, mais une chose est certaine : leur vie ne sera plus la même…
C’est à travers les souvenirs et les pensées de six personnages que nous suivons les étapes de l’arrivée à l’indépendance du peuple algérien. Six personnages dont la vision des choses et les idées sont différentes, parfois même opposées, dressant ainsi un tableau pertinent des divers évènements qui ont marqué cette page sanglante et peu glorieuse de notre histoire de France. Six personnages par lesquels nous abordons les principaux comportements que les colons ont eus, sans sentimentalisme excessif mais avec un réalisme saisissant. Ainsi la volonté de certaines personnes, dont la mère, de ne pas quitter leur terre natale, allant jusqu’à dilapider leur fortune pour aider l’OAS, ces français résistant aux consignes du gouvernement français. Ou alors les souvenirs des deux filles qui se sont réfugiées en France, l’accueil qu’elles ont eu lors de leur arrivée ainsi que leur vie depuis leur retour. Avec Fatima, nous voyons l’arrogance et le comportement plus que méprisant des colons à l’égard de leurs employés et on se dit que ce qui est arrivé n’est finalement que justice…Et que dire du destin d’Antoine, qui a eu le malheur d’épouser la cause algérienne ? Grâce à ces différents points de vue on voit bien tous les éléments à prendre en compte pour comprendre ce qui s’est passé à cette époque. Ce n’est pas toujours facile à lire, c’est parfois dérangeant, déconcertant ou pitoyable mais ce type de narration est très efficace même si cela donne un ensemble un peu complexe et parfois difficile à suivre. D’autant que les chapitres ne sont composés que d’une seule phrase…heureusement ponctuée de virgules, de points d’interrogation et d’exclamation qui aèrent ainsi le texte.  J’ai trouvé quelques évènements revenant trop souvent et devenant lassant, quelques longueurs, mais dans l’ensemble cela m’a bien plu. Ne serait-ce que par son sujet peu évoqué en littérature et par l’originalité de son écriture, ce roman vaut la peine d’être lu.


Nicole VOUGNY

vendredi 11 mars 2011

Sotos de Philippe Djian


Vito, Victor et Mani. Trois hommes à des stades différents de leurs vies et avec des objectifs différents liés par le sang ou par le temps.
Mani adolescent qui arrive à l’âge adulte est le petit fils de Victor. Ce-dernier règne sur la région, il est le père d’ Ethel la mère de Mani. Vito ami d’enfance d’Ethel enfin marié avec elle.
Sous le soleil d’Andalousie ce mariage va faire chauffer les esprits, rappeler de vieux souvenir et donner des soifs d’amour et d’indépendance.
Quand elle annonce son mariage avec Vito, Mani en reste pantois mais sa mère use tellement les hommes qu’il ne pense pas que cela durera longtemps. Victor ne supporte pas Vito depuis bien longtemps.
Entre Mani et Vito va naître un respect mutuel qui va pousser Mani à refuser de vivre sous le joug de son grand-père et à conquérir le cœur de Marion l’amie de sa mère.
Tout cela, comme à la corrida, devra se terminer par une mise à mort après de nombreuses passes et des coups de cornes imprévus.
C’est le premier livre de Djian que je lis  et j’ai apprécié. D’abord le cadre l’Andalousie , sa chaleur, ses habitants cela l’auteur nous le rend bien au travers de description pas assommante du tout. Par contre la corrida apparaît fort peu, quelques passages obligatoires mais sans plus. Cela ne m’a point dérangé.
Les personnages ont des caractères très forts. D’abord les hommes car dans ce roman ils sont l’essentiel. Les femmes sont objets de désir et ne servent quasiment  qu’au plaisir sexuel de l’homme.
Victor qui représente la force, le pouvoir à qui tout le monde se soumet. La famille, les institutions ne sont que ses jouets et gare à qui s’y oppose. Ensuite vient Mani enfant qui a vécu à l’ombre du besoin matériel qui passe son temps à sortir entre amis en attendant son émancipation sexuelle mais surtout intérieure. Puis Vito l’amant qui réalise enfin son rêve en épousant Ethel mais qui dans sa jeunesse a subi les foudres de la vie mais aussi de Victor.
Ce livre foisonne de personnages masculins. Jeunes, vieux, fougueux, sages.
Les femmes sont peu nombreuses. A part Ethel et Marion, femmes mûres, intelligentes, excessives et sublimes au pouvoir physique irrésistible, les autres ont peu d’atout autre que le physique.
Un bouquin sympa ou le trio Vito, Mani et Victor nous emmène vers une lutte de pouvoir et d’identité  passionnante.


Edouard RODRIGUEZ

mercredi 9 mars 2011

Bonjour tristesse de Françoise Sagan

« Bonjour tristesse » est le récit des vacances d'été de la jeune Cécile sur la côte méditerranéenne, en compagnie de son père, éternel charmeur sans attaches, et de sa maîtresse du moment, Elsa. Cécile a récemment échoué à un examen, mais n'en est pas moins gaie et impétueuse. Elle passe des heures à nager et se prélasser au soleil et vit ses premières amours avec Cyril, un étudiant rencontré au bord de la mer, évoluant en toute insouciance jusqu'à l'arrivée d'Anne. Cette dernière, une ancienne amie de sa défunte mère, est une femme d'affaires distante, calme et rigoureuse ; elle arrive rapidement à tout régenter dans la joyeuse maisonnée, astreignant Cécile à étudier, lui interdisant de voir Cyril. Anne finit même par convaincre le père de Cécile de l'épouser dès leur retour à Paris. L'impulsive Cécile va tout faire pour empêcher ce mariage qui menace de ruiner sa vie facile et sa liberté, déclenchant des événements qu'elle ne maîtrise plus, ce qui l'amènera à connaître pour la première fois la tristesse.
Le roman est raconté de la bouche de Cécile, dans un style très vivant et fluide. Le vocabulaire est riche et diversifié, et Françoise Sagan trouve toujours le mot juste sans pour autant s'enfermer dans une narration guindée. Au contraire, le récit est étoffé de nombreux dialogues et des monologues intérieurs de Cécile, qu'on voit hésiter, s'interroger, s'énerver, tour à tour adolescente lasse, petite fille capricieuse, jeune femme qui découvre la complexité des sentiments. Il est aussi très frappant de voir comment Françoise Sagan arrive à restituer une atmosphère, par exemple la chaleur lourde, écrasante, étouffante, que l'on ressent très bien à la lecture de certains passages.
Ce livre, original voire scandaleux dans le contexte des années 1950 où il a été publié pour la première fois, n'en reste pas moins aujourd'hui un roman agréable qui se lit d'une traite, doté d'une intrigue claire et absorbante, et de la spontanéité et la fraîcheur de la jeunesse.

Jessica ANDREANI

lundi 7 mars 2011

La vie interdite de Didier Van Cauwelaert

Le personnage principal vient de mourir, il a 35 ans et voit son corps, là, dans son lit. Lui même se demande où il se trouve. L’idée est originale car on se demande tous ce qu’il se passe réellement lorsque notre corps s’éteint, que devient l’âme ? Au-delà du fantasme d’être une "petite souris", c'est-à-dire voir et entendre ce qui se dit et ce qui se passe sans que l’entourage ne s’en rende compte, il y a une réelle réflexion sur la vie et la mort et le souhait secret de chacun de savoir que pensent les autres de soi. Tout au long du roman nous suivons le parcours initiatique de cet homme qui n’est plus qu’un esprit et qui malgré tout essaie de communiquer avec les personnes qui ont fait sa vie.
Les personnages sont attachants, l'humour côtoie l'émotion tout au long du roman. Le tout est écrit sur un ton léger et se lit très facilement.
Délicieux.
L’auteur nous livre une vision optimiste de la mort et nous fait donc réfléchir sur la vie, il faut la vivre tout simplement. La mort est ici expliqué comme faisant partie intégrante d'un cycle de vie plus large que celui que nous pensons connaître. Peut-être y a-t-il là un peu trop d'optimisme, mais peu importe, car c'est surtout la générosité du propos dont on se souviendra.
Personnellement j’ai trouvé que le sujet de la vie après la mort est plutôt bien abordé, de façon drôle, et émouvante. On y parle de cette sorte de fantasme voyeuriste qui nous habite un peu tous, de la vision des autres après notre départ. Les situations dénotent d'une observation minutieuse de l'existence.


Sabrina LE BOUCHER

samedi 5 mars 2011

Du côté des saules et des fleurs de Nagaï Kafû

Komayo, jeune femme d'une vingtaine d'années, a repris son travail de geisha. Un temps mariée, elle a perdu son mari et, sans le soutien de sa belle-famille, a été contrainte de renouer avec cette profession. Un soir, elle rencontre par hasard Yoshioka, un ancien client. Celui-ci, attiré par la belle, devient son amant et lui propose de racheter la dette qu'elle a contractée auprès de la maison de thé qui l'emploie, et de devenir son protecteur. Mais Komayo hésite : échaudée par son échec, elle est de plus amoureuse de l'acteur Segawa, avec lequel elle entretient une liaison. Lorsque Yoshioka apprend la trahsion de son amante, il n'a plus qu'un idée en tête : se venger et humilier Komayo. Dès lors, elle ne peut plus compter que sur Segawa...

Nous voici plongés dans le Tokyo des Geishas, dans les années 20. Porté par une écriture riche mais souple, le roman n'adopte pas seulement le point de vue de ces femmes, souvent mis en exergue, mais également celui des clients, des patronnes, des servantes... Pour autant, l'histoire demeure centrée sur Komayo qui, luttant pour assurer son avenir, doit choisir entre ses intérêts et ses sentiments, dans un environnement hostile fait de rivalités et de jalousies. Outre la description poétique d'un Japon ancré dans la tradition, Kafû trace de superbes portraits de femmes, très introspectifs, d'une finesse psychologique et d'une complexité étonnantes au vue de la concision du récit. Impossible de ne pas être ému par Komayo, de ne pas être touché par le regard tendre, nostalgique mais lucide que pose Kafû sur cet univers.

Je suis véritablement tombée sous le charme de l'écriture de Kafû, si imagée et sensible. La description du rapport de forces entre geishas et clients, la rivalité entre ces femmes et la description des relations interlopes m'ont passionnée, tout comme l'évocation du monde des Geishas, et je n'ai pas pu lâcher ce livre ! Mais ce qui m'a frappée, c'est la façon dont, tout en restant dans ce cadre très particulier, l'auteur parvient à nous montrer la femme derrière la geisha, avec ses doutes et ses souffrances, occultant quelque part le cliché du Japon traditionnel, pour y substituer une image universelle de l'amour et des relations humaines. Roman d'une puissance évocatrice qui n'a d'égal que la finesse de son écriture, ce livre ne manquera pas d'enchanter tous les amoureux de la littérature japonaise.

Fanny LOMBARD

jeudi 3 mars 2011

La natte coupée de Fançoise Xenakis

Dans un pays méditerranéen aux couleurs grecques et balkaniques, une coutume ancestrale préside les amours interdits. L'amant n'enlève pas l'objet de ses désirs: il coupe publiquement la natte de la jeune fille qu'il convoite, suprême outrage que seul le mariage peut laver. Mais pour Ada, jeune et blonde, cette natte coupée n'augure aucune union. Sa famille venge l'affront en tuant son amant et en lui ôtant la fille née ces amours illicites. Ada lance sur les siens une malédiction nichée dans un nœud de serpents et fuit les contrées souillées de son enfance. Des décennies plus tard, Madame, vieille femme richissime et tyrannique, vit dans l'angoisse de la solitude, hantée par un passé qui se matérialise devant elle en la personne d'Ada III, fille d'Ada II, sa fille. Trois générations de femmes à la natte coupée, trois générations de femmes maudites se confondent pour symboliser la féminité outragée.
Ce prénom unique, Ada, confond les visages et les destins. D'une génération à l'autre, le nom s'étoffe et donne vie à un personnage féminin polymorphe et flou. Les histoires mêlées de ces femmes sont soumises à la rumeur, au brassage du conte et du récit rapporté. "On disait, mais que ne disait-on pas, que..." Cette phrase, répétée à l'envi, dissocie le récit de la réalité. On prend pied dans un univers féminin fait de secrets transmis et de mystères indicibles.
Ce texte avait tout pour me plaire: des personnages féminins hors du commun, une narration faite d'analepses et de prolepses, un substrat symbolique nourri, etc. Mais le style ne passe pas. La langue de l'auteure, loin d'être mauvaise ou pauvre, m'a irritée, m'empêchant de m'attacher à ces femmes et me laissant un goût d'inachevé. La jonction entre l'évènement initial qu'est la coupure de la natte et le spectacle odieux de la vieillesse folle de Madame est maladroite, malhabile voire incohérente. Les ellipses ne sont jamais pour me déplaire quand elles évoquent plus que les mots. Mais le roman de Françoise Xénakis pèche par trop de subtilité et trop d'indicible. Peut-être faut-il se rapporter à la courte biographie de l'auteure, en quatrième de couverture, pour comprendre cette économie suspecte de mots: "Mariée à l'un des compositeurs les plus célèbres de notre temps, Françoise Xenakis est magistrate. Signe particulier: n'aime pas qu'on fasse allusion aux nombreuses décorations que lui valut sa conduite pendant la guerre alors qu'elle était toute jeune fille." De là à penser que les combats des femmes, quelle que soit leur nature, ne souffrent pas d'être soumis à la plume, il y a un pas qu'il ne me plaît pas de franchir.

Magali CONEJERO

mardi 1 mars 2011

Les larmes d'or de Laurie McBain


Les larmes d'or est un roman de Laurie McBain, auteure américaine de romans d'amour sur fonds historiques. Mara O'Flynn est une jeune femme irlandaise vivant avec son frère Brendan et son neveu Padraic. Après avoir éconduit de manière brutale un soupirant, elle apprend que celui-ci s'est suicidé. Elle n'hésite pas alors à suivre son frère dans un voyage qui les conduira en Amérique dans l'espoir d'y faire fortune. Elle ignore cependant que l'oncle du jeune homme éconduit s'est juré de la punir pour ce qu'elle a fait et est prêt pour cela à la retrouver n'importe où.
Ce roman nous plonge dans l'époque de l'Eldorado, l'Amérique à peine conquise et en qui les hommes placent leurs rêves de fortune facile et rapide.
Le rythme dans ce roman est très soutenu, qu'on perçoit à travers les nombreux changements de lieux (Londres, Californie, San Francisco). Nicolas et Mara forment un couple explosif qui ne cesse de s'opposer pour mieux succomber. Les rôles secondaires sont sympathiques : Le Suédois, Jenny et même le frère de
Mara, s'il semble peu scrupuleux dans certains domaines, a un côté attendrissant.
Cependant pour avoir lu les autres romans de cette auteure, je reste un peu déçue. L'ensemble manque de consistance. elle a multiplié les péripéties au détriment des caractères qui ne sont pas aussi bien exploités que dans Lune trouble par exemple et par conséquent, il est plus difficile de s'attacher aux personnages qui restent somme tout assez superficiels. Le fait de multiplier les ambiances au fil des changements de villes nuit également à la cohérence du récit.
Je dirais donc que ce livre n'est sans doute pas un bon exemple de l'écriture de Laurie Mc Bain qui est une référence dans le domaine des romans sentimentaux sur fonds historique. Pour la découvrir et pouvoir l'apprécier je recommanderais plutôt L'empreinte du désir ou la trilogie de Camareigh.


Elisabeth DOUDAN

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