mercredi 30 janvier 2008

Les heures de Michael Cunningham

Dans ce roman, nous suivons quelques heures dans la vie de trois femmes, à trois époques différentes. Il y a Virginia Woolf, l'écrivain, à Richmond en 1929. Sur le point de sombrer dans la folie, malgré l'attention constante de son mari, elle a bien du mal à se concentrer sur l'écriture du roman qu'elle vient de commencer, "Mrs. Dalloway". Il y a Clarissa, à New York de nos jours. Elle s'active pour préparer une réception en l'honneur de son ami Richard, un poète homosexuel en phase terminale du sida, dont elle fut la maîtresse et à qui elle doit son surnom de "Mrs. Dalloway"... Enfin, il y a Laura, à Los Angeles en 1949. Malgré un mari attentionné et un fils éperdu d'amour, cette femme au foyer souffre d'un profond mal-être, dont elle ne s'échappe qu'en se plongeant dans la lecture de Virginia Woolf.
Je n'irai pas plus loin dans le résumé du roman, dont l'intéret réside davantage dans le cérébral que dans l'action. On voit bien que le roman "Mrs. Dalloway" crée un pont entre les trois histoires, qui sont racontées en alternance au fil des chapitres. Mais il n'y a pas que cela, car les récits se répondent et se complètent, jusqu'à l'ultime révélation, qui éclaire le livre d'une lumière toute nouvelle... Si le style est en résonnance directe avec celui de "Mrs. Dalloway", Michaël Cunningham parvient néanmoins à imposer son écriture, coulante et limpide. C'est un roman émouvant, où l'on suit ces femmes, face aux mêmes démons, à travers leurs réflexions sur la vie, l'amour ou le suicide, avec des passages très forts et qui sonnent étonnamment justes. J'ai vraiment adoré ce livre, que j'ai trouvé très intelligent et admirablement bien construit, tant par la cohésion, toujours finement suggérée, des histoires de ces trois femmes que par le lien avec le roman "Mrs. Dalloway", qui sous-tend tout le récit. Pour autant, on peut lire "Les Heures" sans connaître "Mrs. Dalloway", car c'est un livre qui ouvre les portes d'une réflexion profonde, que l'on peut faire à différents niveaux. De toute façon, je pense que si vous ne connaissez pas "Mrs Dalloway", vous vous jetterez dessus dès le livre de Cunningham refermé ! Et si "Les Heures" est un bel hommage rendu à Virginia Woolf, c'est aussi un roman magnifique et impressionnant. A lire absolument. Fanny LOMBARD

lundi 28 janvier 2008

Saga de Tonino Benacquista

Saga, c'est le titre du feuilleton écrit par quatre auteurs, afin de permettre à une chaîne de télévision de remplir son quota de production française. Au fil des pages, on va suivre les histoires et les délires de ces quatre auteurs qui ne se connaissaient pas avant d'être embauchés pour ce travail. Il y a Louis, qui a déjà travaillé en temps que scénariste et conseiller pour un grand réalisateur italien ; Jérôme, un scénariste qui s'est fait voler ses droits d'auteur d'une super production américaine qui fait un carton au box office ; Charlotte, l'éternelle romantique (en tout cas, c'est ce que l'on pense au début), qui a écrit de nombreux romans à l'eau de rose, sans beaucoup de succès ; et enfin Marco, débutant qui ambitionne de devenir un scénariste reconnu.
Dans ce roman, on suit d'abord la vie des quatre protagonistes avant l'aventure Saga, et on constate qu'ils sont tous devant une impasse : professionnelle et/ou personnelle. Puis, arrive l'aventure Saga et la rédaction des scénarios farfelus. Mais qu'importe, puisque la série n'a pas l'ambition d'avoir de grosses parts de marché et ne sera diffusée que tard dans la nuit. Et pourtant, le succès est au rendez-vous, et la Saga voit son horaire modifier, pour finir en access prime time et devenir culte ! Et puis, il faut bien terminer le dernier épisode, mais comment ? ! Et bien là, je ne vous en dirai pas plus afin de ne pas tout vous dévoiler. Un roman simple d'accès (pas simpliste), à l'écriture fluide. Benacquista réussit le tour de force de mêler une critique acerbe et caustique de notre société de consommation à une étude assez fine des sentiments humains. J'avoue, d'ailleurs, avoir préféré tous les instants hors de la Saga (qui correspondent au début et au dernier tiers du livre), qui permettent de découvrir la psychologie des quatre personnages principaux. Et puis, quelle imagination, dans les carrières post-Saga, de nos héros. Un livre vraiment très agréable et dont certains passages vous resteront longtemps en tête. Si l'idée de lire un roman vous racontant la rédaction d'un scénario ne vous intéresse pas, lisez Saga, c'est bien plus que ça. Et bien mieux que ça. Florent OLLIVIER

vendredi 25 janvier 2008

Il faut sauver le club de Bonnie Bryant

Las de voir mes filles « scotchées » devant une chaîne de la TNT spécialisée dans les programmes pour la jeunesse, je tentai désespérément de les convertir, notamment la plus jeune, à la lecture quand… Miracle ! Je découvrais simultanément que leur feuilleton préféré était « Grand Galop » et que cette même série se déclinait aussi en plus de cinquante livres de poche. Je leur lançai donc un défi : commander un livre « Grand Galop » et le commenter en commun pour Bibliopoche.
L’histoire est la suivante : depuis qu’elles ont formé le club secret du « Grand Galop », Carole, Steph et Lisa sont inséparables… et, pour pouvoir assumer tous les travaux d’un centre équestre, et supporter quotidiennement tous les caprices de leur pire ennemie, la peste Véronica, un peu de solidarité n’est pas de trop. Aujourd’hui, les trois jeunes cavalières n'en croient pas leurs oreilles : Max Regnery, le propriétaire du centre équestre du Pin creux, aurait de gros soucis d'argent. Aussitôt, elles décident de tout faire pour éviter la catastrophe : rameuter toutes leurs relations pour augmenter le nombre d’inscriptions au centre, organiser un spectacle de dressage… Mais cela sera-t-il suffisant pour sauver le club ? C’est frais et sans prétention ! L’écriture est fluide et riche en dialogue ce qui compense toutefois un scénario un peu mince ! Qu’à cela ne tienne, ce roman s’adresse avant tout à un public de jeunes adolescentes qui y trouveront très certainement leur compte. Après tout, n’avons-nous pas, nous aussi, en mémoire les « Six compagnons », « Club des cinq » ou autre « Clan des sept » de notre enfance… ? Mais laissons la parole aux fans de « Grand Galop » : Roxane (12 ans): « J’aime bien Il faut sauver le club car cela donne envie d’avoir un cheval et moi j’aime bien les chevaux. Je trouve aussi que Bonnie Bryant écrit bien ses livres : des fois ils sont émouvants, des fois ils sont rigolos. Maintenant, j’en lis souvent ». Noémie (9 ans): « Dans le livre, il y a plein d’action et de blague. C’est des copines et elles ont des secrets. Elles font tout pour aider le centre du Pin Creux contre Monsieur d’Angelo. J’ai bien aimé ce livre… mais je préfère quand même regarder la télé ! ». Pierre LUCAS

jeudi 24 janvier 2008

Rue des boutiques obscures de Patrick Modiano

Retrouver son passé, voilà ce que doit faire, Guy Roland, amnésique depuis fort longtemps, et détective privé employé par l’agence du baron Hutte, quand ce dernier part en retraite à Nice. Un premier indice dirige Guy vers un vieux russe dénommé Stioppa qui va lui donner des photos, et, sur l’une d’entre-elles, Guy croit se reconnaître. Au gré de ses pérégrinations Guy découvre qu’il se prénomme Pedro… mais Pedro Mc Evoy ou Pedro Stern ? De Nationalité grecque ou dominicaine ? Et que signifient les souvenirs de Megève et de Valparaiso qui réapparaissent comme des images furtives dans sa mémoire ? Et à quoi correspond ce départ matinal pour passer la frontière suisse ?
Bien que je trouve que l’on reste sur sa faim en ce qui concerne le dénouement, ce livre m’a fortement plu de par les personnages, par le « jeu de piste » qu’utilise parfaitement Modiano car chaque rencontre en appelle une autre et ainsi de suite. Cette technique vous pousse à lire immédiatement le chapitre suivant, sans respirer. Cette façon qu'a l‘auteur de vous faire découvrir petit à petit, tel des legos qui se mettent en place, la vie de Guy Roland nous donne envie également de savoir où vont nous mener les différentes pistes explorées par Guy. Certaines sont sans issue car le temps a fait son œuvre en poussant vers la mort les relations du passé et d’autres pistes vont au travers d’un défilé incessant de personnages hétéroclites (jockey, photographe, gardien, pianiste) qui se relient les uns aux autres du fait d’un passé commun, nous emmener doucement mais sûrement vers Megève et de drôles de fréquentation.
Edouard RODRIGUEZ

mercredi 23 janvier 2008

Proust fantôme de Jérôme Prieur

Marcel Proust, auteur et personnage : si l’écriture devait avoir un synonyme ce serait bien celui de « proustien ». On découvre dans ce livre très bien écrit et érudit (les références sont soignées et vérifiées) une vision par la lorgnette de l’écrivain : de sa chambre ritualisée, aux soirées des salons nocturnes où il aimait rencontrer du beau monde et racontait dès son retour matinal à Céleste « sa femme à tout faire » ou à ses lecteurs ses morceaux de vie qu’il aspirait par son regard.
Dans ce livre on assiste en filigrane à l’arrivée de sa mort attendue mais trop brutale pour tous ces admirateurs. On lit des anecdotes recueillies sur ce qu’a aimé, ce que n’a pas aimé, ce qui a fait la vie de Marcel, sa maladie, son enterrement, ses proches. C’est par eux que l’on peut connaître un peu de ce que fût « l’énergumène Proust » et l’auteur par nostalgie se laisse aller à des suppositions… s’il avait vécu encore 40 ans aurait-il aimé tel film, tel politique ? On ne s’arrête pas longtemps sur des détails, on apprend de petites touches, on sourit car Marcel Proust était vivant même dans sa maladie, il a écrit jusqu’à sa fin insatisfait de la fin de son Temps. Avant d’être immortalisé par des auteurs admiratifs de son œuvre, il fut pris en photo et peint par de grands noms (Nadar) avec sa barbe noire unique relief inédit de son corps blanc et sans vie. Pour lire A la recherche temps perdu (8 tomes), il faut de la patience, de la confiance et ne pas croire que cela n’est pas à sa portée de lecteur. Si on aime l’écriture et les phrases qui nous parlent, Proust est un génie qui nous entraîne dans sa folie et s’y laisser prendre c’est passer de belles heures de pensées et réflexions sur l’amour et la vie. Tout simplement. Alors Jérôme Prieur qui a reçu un prix littéraire du nom prémédité de Céleste (femme de chambre essentielle à la vie de Proust) en 2001, retrace ici un peu du quotidien de ce grand homme pour nous le faire apprécier avec ses défauts et ses manies. Et nous plonger dans la vie artistique du début du siècle, entre Cocteau et Manet, entre les dames et l’église drapée de noir qui vit la fin de Proust… éternel fantôme pour tous ceux qui se retrouvent pris au piège des phrases du maître de la condition humaine, qui parle avec nos mots en décrivant presque trop bien ce qu’est le monde
Fanny JOLIVET

mardi 22 janvier 2008

Piège pour un élu de Ian Rankin

Un jeune et brillant député, Gregor Jack, est surpris dans une maison close d'Edimbourg lors d'une descente de police. La presse, bizarrement avertie de l'opération, est prompte à faire éclater le scandale, menaçant la carrière de l'homme politique. Heureusement pour lui, il est soutenu par quelques amis d'enfance, restés très liés. Mais son épouse, fantasque héritière à la vie dissolue, est injoignable... jusqu'à ce qu'on la retrouve assassinée, de la même manière qu'une autre femme peu de temps auparavant. L'inspecteur John Rebus flaire le complot : mais qui en est l'instigateur ? Qui veut la peau du député ? Occupé par une affaire de vol de livres rares, Rebus décide néanmoins de mettre son nez dans cette affaire, au grand dam de ses supérieurs...
C'est un roman qui se lit d'une traite, écrit de façon très agréable, où le récit à proprement dit se mêle à des dialogues qui rendent le tout très vivant. De nombreuses pistes s'offrent à l'inspecteur Rebus au fil des rebondissements, et si l'enquête est facile à suivre, le dénouement n'est pas évident à deviner. On se laisse prendre par l'histoire, et les personnages sont suffisamment complexes pour ménager quelques surprises car on ne sait jamais vraiment ce qui se cache derrière les apparences. On n'est pas dans un suspense haletant, comme dans d'autres enquêtes de Rebus, mais dans une histoire aux paramètres complexes, et dont une investigation minutieuse parviendra à dénouer les fils. Voilà un roman que j'ai beaucoup apprécié, sans doute l'un des meilleurs mettant en scène le héros de Ian Rankin. Bien qu'il s'agisse de la quatrième enquête de Rebus et que sa vie privée soit évoquée, elle tient une place secondaire, qui n'entrave pas la compréhension si on ne connaît pas les précédents ouvrages. Comme toujours, le cadre - ici, la campagne écossaise - donne un plus au roman, et on est vraiment dans une ambiance particulière. J'ai aimé cette plongée dans un univers de faux-semblants, mais où le vernis se craquelle pour peu qu'on se donne la peine de gratter. Enfin, je me suis régalée dans les rapports entre le héros et sa hiérarchie, évidemment nerveuse face à l'obstination de l'inspecteur dans cette enquête sensible : il est jubilatoire de voir Rebus faire face à ses supérieurs, et ce conflit larvé apporte encore une dimension passionnante à cet excellent roman policier. Fanny LOMBARD

lundi 21 janvier 2008

Une soirée d'Anny Duperey

Denis et Florence sont tous deux médecins. Lui est spécialisé dans la chirurgie et en passe de s’associer dans une clinique privée de chirurgie esthétique, elle est pédiatre. Ils ont une quarantaine d’années, sont mariés, sans enfants et vivent une vie sans histoires. Aussi quand ils sont invités à une soirée dans laquelle doit aussi se trouver Romain qu’ils n’ont pas revu depuis dix-huit ans, ils appréhendent cette rencontre. Il faut dire que lorsqu’ils étaient tous trois étudiants en médecine, Florence partageait sa vie amoureuse entre les deux garçons, jusqu’à ce que Romain parte en Asie se consacrer à la recherche. Ces retrouvailles risquent de ne pas être sans conséquences sur la vie de ces trois personnages…
La réapparition de Romain sert de prétexte pour amener ces trois personnages à une profonde réflexion sur leur personnalité réelle. C’est ainsi que Florence se rend compte qu’elle n’a jamais décidé de son existence, s’étant mariée avec Denis parce que le départ de Romain lui a évité d’avoir à choisir entre les deux. Bien des années plus tard, elle se ne sait toujours pas qui elle aurait choisi… Denis quant à lui se rend compte qu’il allait passer à coté des choses importantes de la vie… Et Romain de loin ressent une grande culpabilité d’avoir bouleversé cette tranquillité…
Ce sont en gros les pensées que l’auteur cherche à nous faire partager en nous faisant passer des réflexions de l’un des protagonistes à l’autre, comme si nous étions à tour de rôle, Florence, Denis ou Romain, procédé que j’ai trouvé intéressant. Finalement on se rend compte que le fait de se poser ces questions même si on ne trouve pas forcément la réponse, clarifie les choses et permet de vivre plus sereinement. J’avais un peu peur que le côté psychologique soit un peu pesant mais j’ai plutôt été séduite par ce roman que l’on peut considérer comme une nouvelle version de Jules et Jim. Entre les hésitations, les questions que se posent les personnages, c’est en fait une part de nous même que nous reconnaissons, que nous soyons homme ou femme d’ailleurs. En effet qui ne s’est jamais retrouvé confronté à ce genre de problème, savoir ce qui se serait passé si on avait fait un choix différent ? En tout cas, on se sent proches des personnages, ils nous touchent, tout cela grâce à l’écriture d’une grande sensibilité et simplicité d’Anny Duperey. Certes j’ai trouvé que parfois il y avait des redondances, que la fin était un peu rapide mais il n’empêche que ce livre charmant vaut la peine d’être lu, ne serait ce que pour les réflexions qu’il provoque en nous. Nicole VOUGNY

vendredi 18 janvier 2008

Un secret de Philippe Grimbert

Le narrateur est chétif, malade. De par son état, il se retrouve isolé des autres enfants. En outre, ses parents sont très déçus de ne pas avoir un garçon vigoureux et sportif comme eux-mêmes le sont. En effet, la mère est une nageuse hors pair. Le père est un athlète sans concurrent. Pour faire face à cette situation, l’enfant s’invente un frère. Bien sûr, ce frère est fort, domine tout le monde ; bref il est le meilleur sans aucun doute. Ce frère imaginatif lui permet de « supporter » la vie quotidienne mais aussi la vie d’après guerre. En effet, l’histoire se déroule en France après la seconde guerre mondiale. La vie pourrait continuer ainsi sur ce mensonge. Si ce n’est… qu’un jour, il découvre, grâce à l’amie de ses parents (Louise), que ce frère imaginatif a réellement existé. La vie du narrateur s’écroule alors… cette vie qu’il dirigeait dans son monde intérieur doit surmonter la vérité… cette vérité qui se déroulait durant l’holocauste. Abasourdi, il découvre que ses parents, avant de se marier, étaient beau-frère et belle-sœur. Il apprend ce que fut la vie durant la guerre : la fuite devant l’ennemi, le port de l’étoile, le passage en zone libre, les trains partant pour les camps de concentration. Tout se bouscule dans sa tête. Mais heureusement, le narrateur gardera la tête froide et aidera ses parents en fin de vie à supporter ce terrible secret.
En ouvrant les premières pages de ce livre, on pourrait croire que l’auteur se contentera de raconter ce frère inventé. Or, il n’en est rien. A travers la découverte du lourd secret familial, le lecteur découvre la vie durant la guerre. Cette vie n’est pas vécue par un enfant, mais par un adulte. La transmission du secret est parfaitement rédigé : les yeux de l’adulte ont vu, mais il est raconté de telle façon que l’enfant puisse comprendre la détresse psychologique de l’époque. Il n’y a aucun jargon historique, aucun parler historien… Le récit est écrit de façon simple et surtout très limpide. Bref c’est un véritable roman que vous avez entre les mains. Ce n’est pas ici un énième livre sur la seconde guerre. C’est une histoire vécue d’un autre genre, d’une autre dimension. Face au secret, l’enfant réagit en menant une réflexion de son âge : « doit il parler ouvertement à ses parents ou au contraire se taire et aggraver alors sa détresse personnelle ? » On voit très bien aussi dans ce roman, le rôle crucial de l’amitié qui ne faillit à aucun moment. Louise, l’amie des parents, est la clef qui ouvre la porte à la vie… C’est un livre à lire et à relire pour ne pas oublier les affres de la seconde guerre.
Christine BELLOT

jeudi 17 janvier 2008

Misérable Miranda de Isabel Wolff

J’ai découvert Isabel Wolff avec « les tribulations de Tiffany Trott » qui m’a énormément fait rire, « Misérable Miranda » est également une bonne comédie, mais l’humour y est plus modéré comparé au premier.
Psychologue comportementaliste pour animaux, Miranda Sweet s’épanouit dans son travail : animatrice d’une émission télévisée, des magasines spécialisés s’intéressent à elle,... Autant sa vie professionnelle a démarré plus que bien, autant sa vie sentimentale est une immense déception, jusqu’au jour où elle rencontre le photographe David White dans le cadre d’un article. Ce dernier ignore que son passé et celui de Miranda a été étroitement lié. Dans le même temps, l’héroïne va devoir affronter un lourd secret enfoui depuis seize ans qui refait surface. Gérer tous ces événements inattendus devient fort complexe émotionnellement. J’ai bien apprécié le caractère raisonnable, réservé et simple de Miranda. On s’identifie facilement à elle et on comprend ses peurs et ses appréhensions. On retrouve tout au long du roman la notion de trahison et de culpabilité. Par ailleurs, j’aime bien ce sentiment de solidarité féminine qu’on observe souvent dans les comédies (et aussi dans la réalité) : sa meilleure amie Daisy sait toujours se montrer disponible pour la soutenir et la réconforter. De plus, j’ai trouvé intéressant les conseils relatifs aux problèmes comportementaux des animaux de compagnie, car Isabel Wolff a du très certainement prendre la peine de se documenter. Cependant, lorsqu’on n’est pas spécialiste dans ce domaine, on se sent un peu perdu avec les différents noms de race de chiens dont l’auteure fait référence. Pour conclure, je cite cette phrase extrait du roman qui pourrait faire réfléchir et qui résume l’atmosphère de l’histoire : « L’action rare est dans le pardon, et non dans la vengeance ».
Dai BUI

mardi 15 janvier 2008

Haute-Pierre de Patrick Cauvin

Marc et Andréa, se sont connus lors du tournage d’un film télé, et pour cause, lui est scénariste et elle costumière. Ils filent le parfait amour et décident de s’installer pour une année de repos dans un manoir que Marc a acheté en Touraine dont le nom est Haute-Pierre.La maison est parfaite, le cadre idyllique et les vacances bien méritées commencent sur des très bons augures, l’été est fantastique mais… l’automne arrive et Marc commence à voir le manoir sous un autre œil : une résidence de cette envergure doit sûrement cacher de lourds secrets. C’est ainsi que Marc s’intéresse à l’histoire du manoir et découvre lors d’un passage dans le café du coin que la maison est liée à de faits surprenants. En effet, les trois derniers propriétaires sont morts après avoir annoncé que la maison leur avait communiqué la date de leur décès. Est-ce que Haute-Pierre va aussi leur annoncer une date fatidique ?… Marc guette le plus petit indice !
Les personnages sont extraordinaires, surtout l’enfant d’Andréa, un petit garçon surdoué qui change de nom et de personnalité quotidiennement, un jour il peut incarner Léonard de Vinci et le suivant Victor Hugo. Un drôle de personnage qui consomme démesurément de sardines à l’huile et qui s’étrangle systématiquement à chaque repas. Il s’agit d’un roman plein d’humour et de suspense, l’intrigue ne se dévoile que dans les dernières pages du livre et ceci après un grand coup de théâtre. Nous pouvons passer très rapidement d’un bon éclat de rire à un moment d’angoisse sans précédents. C’est un roman plein de contrastes, écrit avec le style très facile à lire qui est celui de Patrick Cauvin et qui nous transporte dans le monde mystérieux des manoirs hantés. Même les flash-back un peu déroutants au début nous permettent de côtoyer de plus près la psychologie des personnages. J’ai adoré ce roman et je le recommande à tous ceux qui aiment les récits, pleins d’humour, d'angoisse et d’intrigue. En fait, comme dirait l’enfant d’Andréa : « Ce n’est pas une histoire de fantômes, mais presque ! » Marie LEVEZIEL

lundi 14 janvier 2008

L'Impératrice de la soie Tome II - Les yeux de Bouddha de José Frèches

"Cinq défenses", jeune moine intègre et dynamique, envoyé par son Supérieur "Pureté du vide" au monastère tibétain de Samyé pour lui ramener le sûtra de la "Logique de la vacuité pure", ne sait pas vers quels dangers son maître l'a précipité à son insu. Sur sa route il rencontre Umara, la fille d'Addai Aggai dirigeant de l'église Nestorienne, dont il tombe éperdument amoureux en dépit des vœux de chasteté qu'il a prononcé. Ensemble ils vont tenter de sauver les jumeaux célestes devenus les protégés de l'impératrice au grand dam de la police impériale. Parachutés au carrefour d'un inextricable imbroglio de trafic de soie, de reliques religieuses essentielles à la stabilité de la paix entre les différents courants du Bouddhisme, de massacres perpétrés par les Turcs et de "Nuage fou" alias Rahula indien adepte du tantrisme, drogué et assassin, prêt à tout pour s'octroyer le pouvoir religieux jusqu'à se mettre lui aussi sous la protection et au service de l'Impératrice Wuzhao, leur amour sera durement mis à l'épreuve.
Dans ce second tome de "L'Impératrice de la soie", la fresque continue, les situations s'enchaînent sans répit, les histoires parallèles se suivent et se percutent violemment dans une parfaite cohérence où l'inédit n'a d'égal que l'incroyable voyage dans le temps et l'espace qu'offre "Les yeux de bouddha", suite du premier tome "Le toit du monde". C'est la succession du bras de fer entre divers courants religieux qui pour satisfaire le prosélytisme nécessaire à leurs expansions, n'hésitent pas à enfreindre les lois et à défier l'empereur de Chine. Les moines et adeptes de base ne sont que les abeilles de ruches bouillonnantes que les Supérieurs manipulent au gré de leurs intérêts, sujets-cautions des puissants et éléments négligeables. José Frèches avec ce second tome ne fait pas tomber la pression, le suspens et l'imprévu. Comme dans un tourbillon facétieux, les personnages liés par des intérêts communs, des liens familiaux ou religieux, sont ballottés jusqu'à se remettre en question et à redéfinir leurs idéaux. Là encore l'auteur nous montre que rien n'est jamais acquis et figé, que les événements sont plus forts que les projets que nous formulons, et sans cesse ils nous forcent au renoncement, pour rebondir dans ce que la vie a de plus intime, l'instinct d'aller de l'avant pour mieux s'aimer. On ne peut attendre au milieu de cette trilogie la révélation finale que l'auteur sait faire monter en puissance pour nous tenir en haleine. Tels les mets d'un même repas les chapitres et au-delà les trois volumes attisent notre gourmandise et se dévorent goulûment, sans même étancher la soif de connaître la suite que la fin saura peut-être calmer et avec elle cette faim.
Frédéric MOLLICA

vendredi 11 janvier 2008

Vent d'est, vent d'ouest de Pearl Buck

Jusqu'ici je l'ignorais mais en ouvrant le livre de Pearl Buck, j'ai appris que j'avais une soeur, Kwei Lan et qu'elle avait entrepris de me livrer son coeur. Kwei Lan est chinoise. Elle est très jeune et ne connaît du monde que ce qui se passe au sein de la maison familiale dont la vie est rythmée par les mêmes gestes, les mêmes rituels depuis la nuit des temps. Les rapports familiaux y sont très codifiés et les attentes des parents envers les enfants fortes et précises. Chaque individu doit s'y comporter comme l'exige son rang dans la société et rien ne peut y changer. Née fille dans un pays où seuls les hommes sont appelés à jouer un rôle dans la cité, la jeune femme se plie en tous points à ses obligations sans envisager la moindre possibilité qu'il en soit autrement.
Or, le moment est venu pour elle d'épouser l'homme auquel on la destine depuis son enfance, et celui-ci est médecin converti aux méthodes scientifiques occidentales. Projetée dans un univers totalement nouveau et ne pouvant plus trouver refuge auprès de sa mère, elle est affreusement désemparée. Les façons qu'il a de vivre et de se comporter avec elle, bien qu'empreintes d'un profond respect, la choquent et la blessent. Toutes les valeurs qu'elle a reçues et qui l'ont fait devenir ce qu'elle est sont complètement remises en cause. Petit à petit, portée par l'amour réciproque qui naît entre ces deux êtres, Kwei Lan va doucement se laisser apprivoiser et accepter de considérer qu'il peut y avoir un autre façon d'exister, de penser, en un mot de vivre. La personnalité de sa belle-soeur et le combat que devra livrer son frère pour se libérer du poids de la destinée qu'on lui a tracée, l'aideront à ouvrir les yeux sur d'autres coutumes. Prise à témoin de cette métamorphose et malmenée par les turbulences de ses réflexions contradictoires, j'ai maintes fois été touchée par ce que l'ignorance de l'autre, l'intolérance incarnée par la mère de Kwei Lan, la volonté de rester figé dans ses certitudes peuvent engendrer de souffrances et de douleurs indélébiles. La délicate et douloureuse métamorphose de la jeune femme, telle un papillon sortant de sa chrysalide est bien souvent bouleversante.. Kwei Lan nous amuse aussi par le regard moqueur qu'elle pose sur nos étranges comportements d'occidentaux, comme se secouer les mains pour se dire bonjour par exemple ou encore nos cheveux jaunes ou nos yeux délavés. Déchiréee entre deux civilisations, ce personnage incarne les prémices de l'inéluctable mutation de la Chine. Ce roman traite de thèmes essentiels dans la vie des hommes : le conditionnement de l'éducation, la capacité à s'adapter et à évoluer, la puissance de l'amour, la différence. Pearl Buck s'adresse à nous par la bouche de son personnage dans un style à la fois familier et poétique et l'impression finale qui s'en dégage serait que l'on peut parler de choses sérieuses avec une infinie délicatesse. J'ai par ailleurs été très flattée d'être au coeur des ces confidences qui m'ont aidé moi aussi à considérer la Chine autrement. Florence TOUZET

mercredi 9 janvier 2008

Paris au mois d'août de René Fallet

Henri Plantin, quarante ans, est marié et père de trois enfants. Vendeur à la Samaritaine, il mène une vie tranquille, banale, voire un peu frustrante. Mais il s'en accommode, jusqu'au jour où il se retrouve seul à Paris au mois d'Août, sa famille partie sans lui en vacances. Son chemin croise alors celui de Pat, jeune et jolie touriste anglaise. Plantin éprouve un véritable coup de foudre pour cette femme lumineuse, qui donne un nouvel éclat à sa petite vie terne. Dépassé et métamorphosé par la passion, il néglige son emploi, apprend l'Anglais, s'improvise guide touristique et passe toutes ses journées aux côtés de Pat. C'est plus qu'un simple flirt pour Henri, qui tente maladroitement de la séduire. Mais la jeune anglaise repart à la fin du mois : alors, y a-t-il une issue à cet amour d'été, ou n'est-ce qu'une parenthèse qu'il faudra refermer à la fin du mois d'Août ?
Si les premières pages de ce roman sont assez décousues et un peu argotiques, il ne faut pas s'y fier car l'écriture n'est que le reflet de l'état d'esprit du héros et le style devient vite plus classique. Les descriptions de Paris en plein été, par petites touches, donnent une vraie atmosphère au livre, au point que la ville en devient presque l'un des principaux personnages, au gré des promenades des protagonistes. Mais surtout, l'auteur a le sens de la formule, de la petite phrase en apparence anodine mais qui vous touche par sa justesse et sa poésie. C'est une des caractéristiques qui m'a le plus marquée dans ce roman, ainsi que l'atmosphère délicieusement surannée qui transpire ici ou là. Si j'ai été rebutée par le style des premières pages et si j'ai d'abord trouvé le héros peu sympathique, je ne regrette vraiment pas d'avoir poursuivi ma lecture. Très vite, l'écriture devient fluide et agréable, et petit à petit, j'ai ressenti de l'affection pour Henri Plantin. Ce personnage en apparence fade et banal devient très vite touchant lorsqu'il perd la tête pour Pat. On n'en sait guère plus que lui sur cette dernière, mais on sent que son insouciance cache une personnalité fragile, finalement pas si éloignée de celle d'Henri. J'ai trouvé dans ce livre une atmosphère, un cadre, des personnages attachants et complexes, et une histoire d'amour très touchante. C'est plus que dans la majorité des romans, et c'est un joli livre, que je recommande à tous ceux qui sont sensibles à de tels éléments.
Fanny LOMBARD

lundi 7 janvier 2008

L'aliéniste de Caleb Carr

New York, 1896. Des garçons adolescents travestis sont retrouvés morts avec des mutilations morbides sur leur corps. Le pouvoir public ne se préoccupe guère de ces assassinats étant donné que les victimes sont pauvres et d’origine immigrée. Théodore Roosevelt, alors Préfet de Police, souhaite que justice soit faite. Il constitue une petite équipe composée entre autres de deux de ses meilleurs amis : John Moore, journaliste et Laszlo Kreizler, médecin des maladies mentales qu’on appelle à l’époque « aliéniste ». Leur mission est d’enquêter sur ces crimes sauvages, et de préférence de manière discrète, car tout porte à croire que certains individus peu scrupuleux ne désirent nullement que ces meurtres soient élucidés.
Il est tout à fait fascinant d’assister à cette recherche d’information effectuée par le Dr Kreizler et ses coéquipiers : ils réalisent un travail de déduction fort remarquable à partir des indices récoltés pour établir l’identité du tueur d’une part et élaborer son profil psychologique d’autre part. Les hommes de Roosevelt s’efforcent également de remonter dans le passé du criminel pour comprendre les conditions dans lesquelles ce dernier vivait afin d’anticiper son futur homicide. J’ai passé un excellent moment avec ce roman policier dont le suspense demeure constant tout au long du récit et j’ai bien aimé aussi découvrir la naissance de nouvelles techniques d’investigation comme le relevé des empreintes digitales ou l’étude du contexte psychologique de l’assassin. Caleb Carr nous a permis de voyager dans le temps et de connaître New York à la fin du 19ème siècle avec la présence de cet homme honorable qui deviendra le futur 26ème Président des Etats-Unis d’Amérique. Je me suis attachée aux personnages tels que le Dr Kreizler, John Moore ou encore Sara, des gens volontaires et respectables dans cette société pourtant très corrompue. Ngan Dai BUI

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