jeudi 30 août 2007

Washington square de Henry James

Le docteur Sloper est un riche médecin de la haute bourgeoisie new yorkaise du XIXème siècle. Cet homme froid et cynique vit avec sa fille unique, Catherine, qu'il juge durement. Certes, elle n'est ni très jolie ni très intelligente, mais elle a un coeur pur et ne demande qu'à plaire à ce père qu'elle aime et craint tout à la fois. Elle rencontre un jour un jeune homme beau mais vénal, sans situation, qui a dilapidé tout son argent. Il entreprend de séduire la naïve Catherine, qui ne demande qu'à croire à la sincérité de cet amour... Mais le docteur voit clair dans le jeu du coureur de dot. Après avoir vainement tenté de raisonner sa fille, il décide de la déshériter si elle persiste à vouloir l'épouser...
Ce récit ironique, entrecoupé de dialogues percutants est d'une cruauté terrible. Comme souvent chez Henry James, ce roman ne repose pas sur une intrigue à rebondissements, mais sur l'analyse psychologique des personnages. Les portaits sonnent justes, et la complexité des rapports est très finement analysée, par exemple entre Catherine, anti-héroïne timide et effacée, peu sûre d'elle, et son père, un homme intransigeant, qui l'aime et la méprise tout à la fois mais qui l'écrase et lui brise le coeur parce qu'il est persuadé d'avoir la raison de son côté. J'ai été très touchée par Catherine, pour laquelle j'ai ressenti une grande compassion. J'aime énormément les oeuvres d'Henry James. Bien qu'il ne s'agisse pas là de son meilleur roman à mon avis, j'ai beaucoup apprécié ce style inimitable, d'une élégance rare, empreint d'une recherche du mot juste qui confère une acuité exceptionnelle au regard offert par le romancier. On peut trouver l'écriture d'Henry James précieuse et affectée : pour moi, les phrases à tiroirs et les disgressions dont il est coutumier sont une force, en ce qu'elles permettent de plonger plus profondément encore dans l'aspect psychologique du récit, et dans les états d'âme des personnages. De ce fait, on est comme pris dans un jeu de miroirs où tout est subjectif. Au lecteur de démêler l'écheveau, en fonction de son ressenti et de son vécu. Je pense en tous cas que c'est un très bon ouvrage pour découvrir cet auteur incontournable. Fanny LOMBARD

lundi 27 août 2007

Les feux de l'Eden de Dan Simmons

Que faire quand on s'appelle Byron Trumbo, que l'on est milliardaire, et que l'on veut vendre un luxueux complexe hôtelier situé à Hawaii à de riches Japonais ? Leur faire visiter les lieux, évidemment, pour les séduire et les faire signer en toute confiance. Mais comment ces derniers vont-ils réagir face aux mystérieux évènements qui se produisent ? Les volcans de l'île se déchaînent comme jamais, des animaux difformes surgissent de nulle part, des touristes disparaissent, et sont retrouvés morts et en plusieurs morceaux (quand ils sont retrouvés !!!). Parmi ces touristes, deux femmes - Eleanor Perry, professeur d'histoire, et Cordie Stumpf - sont bien décidées à comprendre ce qui se passe : la première à cause de son passé familial et d'un étrange livre relatant une aventure du siècle dernier, la seconde parce qu'elle veut profiter du séjour qu'elle a gagné à un concours.
Certes la désignation des lieux est un peu déroutante au départ de la lecture car tous sont en langue hawaiienne, mais Dan Simmons, grâce à son incroyable talent, nous habitue rapidement aux noms de l'île pour nous immerger totalement dans cette aventure cauchemardesque. J'ai beaucoup apprécié la qualité des descriptions tout au long du roman : telles des cartes postales ou des photographies, elles sont précises et très réalistes. J'ai même ressenti la sensation de chaleur pendant les différents passages à l'intérieur des volcans. On souffre pour les héros, on a peur pour eux, et on espère que tous vont s'en sortir. De plus, l'auteur nous donne une mine d'informations sur la culture vaudou et sur les sorciers hawaiiens, tout en nous faisant passer un moment à la fois merveilleux et horrible. J'ai beaucoup aimé le côté humain qu'il arrive à faire ressortir de chaque personnage, même du plus ignoble d'entre tous... Un bon point de plus pour la bibliographie qui est fournie à la fin du livre pour tous ceux qui veulent en savoir encore plus sur les différentes coutumes hawaiiennes. Du très très bon Dan Simmons, à lire quand il ne fait pas trop chaud... Laurent ENGLE

jeudi 23 août 2007

Cafard, vertiges et vodkas glace de Kate Christensen

Ce roman très contemporain raconte le quotidien d’une jeune femme drôle et touchante, Claudia, qui travaille en qualité d’assistante auprès de la très mondaine Geneviève del Castellano, dit Jackie pour les intimes. On pourrait penser que Claudia est une privilégiée d’être la secrétaire personnelle d’une personne célèbre telle que Jackie (en effet, cette dernière écrit des best-sellers), mais la vérité est bien autre, ses journées sont épouvantables, car Jackie est une femme autoritaire, exigeante et sévère, qui la malmène. Lorsque vous lirez ce roman, vous constaterez que notre héroïne ressemble davantage à une servante qu’à une assistante, elle endure des humiliations constantes. Dans l’immédiat, elle n’a d’autre choix que de supporter les mauvaises humeurs de sa patronne. Claudia m’émeut car elle me fait énormément penser à Andréa, l’héroïne du livre « Le Diable s’habille en Prada », la fameuse comédie de Lauren Weisberger (que j’ai beaucoup aimé d’ailleurs) qui décrit la tyrannie qu’exerce Miranda Priesley, la rédactrice en chef d’un magazine prestigieux de la mode new-yorkaise, sur la pauvre Andréa. Ce que je trouve amusant à lire dans « Cafard, vertiges et vodkas glace », c’est que la vie de Claudia est complètement sens dessus-dessous, elle souhaite pourtant y apporter un peu d’ordre, mais a sérieusement du mal à y parvenir. Premièrement, si elle accepte ces conditions pénibles de travail, c’est parce qu’elle est fauchée et surendettée, cet emploi lui est nécessaire pour payer (avec grand peine) ses factures et son appartement qui, d’ailleurs, correspond bien plus à un nid à cafards. Deuxièmement, au niveau de sa vie sentimentale, c’est tout simplement un vrai désastre. Amoureuse secrètement de son ami d’enfance William, elle doit se résigner à n’être aux yeux de ce dernier qu’une simple relation amicale et noie ses moments de solitude dans de la boisson telle que la vodka ou le gin. Mais sous l’emprise de l’alcool, elle se laisse souvent entraîner dans des aventures sans lendemain. J’ai éprouvé vraiment de la compassion pour cette malheureuse, complètement dépassée par les événements, mais en même temps, c’est tellement drôle ses péripéties. Enfin, pour couronner le tout, elle n’arrive pas toujours à trouver du réconfort auprès de sa mère, psychologue réputée, qui s’intéresse davantage à sa propre carrière qu’à sa fille. Je trouve que l’histoire est réjouissante et comique à lire, notamment les passages sur la maladresse de Claudia. On y passe un moment plaisant et le roman se lit facilement. On ne peut que ressentir de la sympathie pour la pauvre Claudia et ses galères. Pour les lecteurs qui aiment les métaphores, ils vont être servis. Ngan Dai BUI

lundi 20 août 2007

Balades indiennes de Chitra Barnejie Divakaruni

Ce recueil présente 4 nouvelles d'auteurs indiennes, axées sur la problématique de la place des femmes dans cette société.
"L'échographie" (de Chitra Banerjee Divakanuri) raconte l'histoire de deux cousines, toutes les deux enceintes. L'une vit aux Etats-Unis avec son mari, l'autre en Inde dans sa belle-famille. Chacune vit cet évènement de façon très différente, et le choc des cultures est le thème central de la nouvelle. "Une Liaison" (du même auteur) se déroule également aux USA. Abha et Mina sont mariées, et alors que Abha subit cette union qu'elle n'a pas choisie et se plie aux convenances, Mina s'habille et vit à l'occidentale, sans crainte de choquer la communauté indienne. Mais voilà qu'Abha soupçonne son mari d'avoir une liaison avec Mina - ce qui la pousse à faire face à sa situation, et à prendre sa vie en mains. "À flot" (d'Anita Nair) nous présente une jeune femme qui, suite à un voyage aux Etats-Unis, revendique une indépendance et une liberté d'action qui se heurteront aux convenances de la société indienne. Il lui faudra renoncer, et se conformer à ce que l'on attend d'elle, jusqu'à ce qu'elle prenne une décision apparemment anodine qui lui permettra de reprendre le contrôle de sa vie... Enfin,"En sandwich!" (de Bulbul Sharma) offre un contrepoint amusant avec un homme objet d'une lutte acharnée entre sa mère et son épouse, notamment en cuisine, afin de l'accaparer et de supplanter la rivale. Ne voulant blesser personne, il reste désespérément passif. Chacune de ces histoires trace à sa manière le portrait de femmes entre le poids des traditions et des convenances, et l'attrait d'une société plus libérée et décomplexée, et on en revient toujours aux espoirs de ces femmes et à leurs petites et grandes victoires. J'ai bien aimé ces histoires, teintées d'exotisme tout en restant dans un univers familier. C'est un aspect que j'ai beaucoup apprécié, car sans être dépaysée, j'y ai trouvé des aspects d'un mode de vie et d'une culture différents. Les descriptions, tant de l'état d'esprit des héroïnes que des tenues, bijoux, plats, etc., donnent une saveur particulière, qui m'ont laissé entrevoir une littérature riche, aux descriptions très visuelles, vibrantes et colorées. Je n'avais jamais lu aucun de ces auteurs. Il me semble que ce livre est une bonne façon de les découvrir, et de s'initier à la littérature indienne. Fanny LOMBARD

vendredi 17 août 2007

Le roman de Rabelais de Michel Ragon

Nous sommes au milieu du XVIème siècle. François Ier, le prince des humanistes, est mort ainsi que sa sœur, Marguerite de Navarre, la protectrice des esprits libres. Henri II est le nouveau roi de France, la chasse aux « impies » est ouverte.
Dans une masure, prés du château de Saint-Maur où vit son ami et protecteur, Jean Du Bellay, diplomate lors du règne précédent, François Rabelais soigne les indigents, étudie et raconte ses jeunes années à un disciple, Gilles, un moinillon venu de Picardie. Pourquoi n’écrit-il pas une suite aux aventures de Pantagruel comme le poussent ses amis, Jean Du Bellay, Philibert de l’Orme (architecte, on lui doit notamment le château de Diane de Poitiers à Anet). Mais l’anathème porté à l’encontre de ses livres par la Sorbonne, les bûchers qui embrasent la France, l’intolérance qu’elle soit papiste ou huguenote, le bâillonnent. Et les joueurs de mots ne sont plus en odeur de sainteté. C’est le temps des amis des Guise, le temps des Ronsard, qu’il hait, de ceux qui émasculent la langue française, la langue populaire, si riche, au nom du beau langage. Non seulement Michel Ragon nous conte la vie de Rabelais mais il lui donne aussi la parole. Ainsi, nous l’entendons ridiculiser les idées reçues en matière de santé, se gausser des syllogismes des lettrés, faire la satire de Rome et de ses papes infâmes et rire, rire encore pour combattre la peur en ce siècle où les Clément Marot, les Etienne Dolet, les évangélistes (partisans d’un retour à la simplicité de l’Evangile), comme Rabelais ou Erasme, ont été suppliciés. J’ai apprécié que l’auteur ne nous livre pas une biographie linéaire (de la naissance à la mort) mais qu’il fasse progresser son histoire à partir d’un moment clé dans l’existence de Rabelais tout en utilisant la technique du « flash-back » pour nous raconter quelques épisodes du passé. Ce livre lu, je me suis précipitée chez mon libraire favori pour acheter les œuvres complètes de Rabelais tant Michel Ragon m’a mit l’eau à la bouche. Il m’a donné envie de découvrir le 16ème siècle en compagnie de Pantagruel et Gargantua. Laurence TESTU

mardi 14 août 2007

La ligne noire de Jean-Christophe Grangé

Au fin fond de la Malaisie, un ancien champion d’apnée, Jacques Reverdi est arrêté pour avoir sauvagement assassiné à coup de couteau une jeune fille. Or quelques années auparavant il avait été mis en cause par la justice cambodgienne pour des faits similaires mais avait été relaxé faute de preuve. Il n’en faut pas plus pour qu’un journaliste français, Marc Dupeyrat, soit persuadé d’avoir affaire à un tueur en série. Il commence alors son enquête d’abord à distance puis sur les lieux mêmes, utilisant pour entrer en contact avec Jacques Reverdi un subterfuge qui à la longue va se révéler terriblement dangereux non seulement pour lui mais aussi pour une belle jeune fille. Après avoir lu avec grand délice Le concile de pierre et L’empire des loups, je me faisais une joie de découvrir le nouveau thriller de Jean-Christophe Grangé. Mais il m’a bien vite fallu me rendre à l’évidence : ce roman n’était vraiment pas à la hauteur de mes espérances…Quelle déception ! Pas vraiment au niveau de l’histoire en elle-même, bien que quelquefois j’ai trouvé certaines scènes ou paroles pas très crédibles, voire invraisemblables. C’est plutôt dans l’écriture qu’il y a une certaine faiblesse. Non dans le style qui est plutôt agréable mais plus dans le rythme de narration. En effet, plusieurs fois, au fil des pages, je me suis surprise à trouver le temps long, ce qui est un comble quand on lit un thriller…et puis j’ai très vite deviné ce qui allait se passer… Même la violence dans les mots, dans les descriptions de scènes de meurtres ne m’a pas paru crédible parce que trop stéréotypée, trop excessive. La personnalité très tourmentée des protagonistes, qui cachent des blessures d’enfance, crée un climat malsain, ainsi que la fascination à la limite de l’admiration du journaliste pour le tueur. A cet égard, on ne peut s’empêcher de faire un rapprochement avec Hannibal Lecter de Thomas Harris (le silence des agneaux) ce qui laisse un sentiment de déjà vu… Pourtant la démarche était intéressante, comprendre les motivations d’un tueur en série et ce qui a bien pu le pousser à en arriver là, mais j’ai trouvé que l’aspect psychologique des personnages prenait trop le pas sur l’action et se faisait donc au détriment du suspense. En fait ce n’est qu’au bout de 500 pages (le livre en compte environ 600) que l’on commence à être passionné par la lecture, même si la fin est comme le reste prévisible. En tout cas, à mon avis ce n’est pas la meilleure production de l’auteur. Ce livre devant faire partie d’une trilogie consacrée au mal et à ses origines, espérons que les prochains romans seront meilleurs. Je ne voudrais toutefois pas décourager les lecteurs, peut-être suis-je un peu sévère dans mon commentaire, ayant beaucoup lu de thrillers dignes de ce nom… Nicole VOUGNY

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