mercredi 17 décembre 2008

La joueuse de go de Shan Sa

Dans la Manchourie des années 30 occupée par les japonais, une jeune lycéenne de 16 ans a pour passion le jeu de go. Toutes les après midi elle joue sur la place des Mille vents et bat souvent ses adversaires. Cependant la révolte contre l’envahisseur commence à gronder. Soupçonnée d’être un repaire de contestataires, la place des Milles vents est mise sous surveillance par les japonais. Un de leurs jeunes soldats est chargé d’y faire l’espion. Pour ce faire, il défie cette jeune fille au jeu. Régulièrement ils se retrouvent donc, sans souvent échanger le moindre mot pour continuer cette partie qui dure, dure, les deux adversaires étant de force quasi égale. Jusqu’au jour où la guerre entre la Chine et le Japon éclate ce qui change alors complètement la donne… Original, triste, émouvant, tels sont les premiers mots qui me sont venus à l’esprit en refermant ce roman. Tout d’abord parce que l’époque choisie est plutôt tourmentée : une ville de Mandchourie sous occupation japonaise avec tout ce que cela sous entend de la part des occupants et en conséquence le besoin des étudiants et des jeunes de cette ville de se libérer de ce joug impérialiste en se référant aux idées communistes de leur voisin russe. Et puis dans ce cadre, deux personnages complètement différents dont la vie personnelle va être bouleversée par les évènements. Tout les oppose : leur sexe, leur nationalité (l’une chinoise, l’autre japonais), leur culture, leur caractère, leur façon de voir les choses. Pourtant ils ont quand même un point commun, leur passion pour le jeu de go qui les fait se retrouver, même s’ils conçoivent différemment l’importance et la finalité de cette partie qui sera pourtant révélatrice de leur véritable personnalité. Le point fort du livre et qui en fait son originalité, est à mon avis le parti pris de l’auteur de nous mettre tantôt dans la peau de la jeune fille tantôt dans celle du jeune homme sans pour autant que l’on ait l’impression d’une répétition. L’alternance de chapitres très courts, écrits à la première personne avec sobriété et fluidité (une fois le « je » est la fille, la suivante c’est le garçon) révèle parfaitement les pensées des protagonistes notamment le fanatisme des soldats japonais envers leur empereur, leur cruauté et leur morgue, mais aussi les préoccupations des jeunes filles en age de connaître leurs premiers émois amoureux au milieu d’une société dans laquelle elles ne sont pas considérées. Cette construction originale désarçonne au début mais rend en fin de compte le récit intéressant avec toutefois l’impression, parfois de survoler l’histoire sans réellement y être impliqué…Mais malgré cela, il y aurait tant à dire sur ce livre court mais très riche en sensations, en images, en réflexions... Oui ce roman est bel et bien original, triste, émouvant mais aussi captivant…Ce n’est pas un hasard s’il a obtenu le prix Goncourt des lycéens en 2001.
Nicole VOUGNY

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