jeudi 18 janvier 2007

Génitrix de François Mauriac

François Mauriac, de l'Académie Française… Un écrivain renommé et, qui plus est reconnu par l'ensemble de ses pairs comme un éminent représentant du genre littéraire qu'est le roman, voilà qui met immédiatement en confiance. Or, est-ce l'entrée en matière, à savoir l'agonie solitaire d'une femme, qui vous plonge brutalement dans un univers oppressant, ou le style qui passe souvent du passé simple au présent et inversement, mais le charme du genre n'opère pas tout de suite. Toutefois en tournant une page puis une autre, on est soudain pris au piège et aucun répit ne viendra nous soulager avant la dernière ligne. Le statut de "mère" a été décliné sur tous les tons dans la littérature par les écrivains les plus prestigieux depuis Mère courage jusqu'à Folcoche. Mais ici ce sont les effets de la totale possession d'une mère "mante religieuse" sur un fils totalement à sa merci qui sont finement analysés. On y assiste, impuissant. On mesure à quel point cet être a été irrémédiablement façonné, manipulé, marqué au fer par l'amour asphyxiant de sa mère. Pour cette femme, son enfant ne peut et ne doit exister que par elle. Tout ceux qui se mettent en travers de ce dessein sont impitoyablement broyés. Mauriac nous entraîne dans l'univers mental monstrueux de gens ordinaires dont la vie affective est un désastre. L'aridité des ces âmes perdues crée un climat gluant, poisseux et laisse un sentiment de profond gâchis. Décidemment, Mauriac a raison. Le style qu'il a choisi est le seul qui peut transcrire avec une telle précision la folie possessive de ces êtres déshumanisés. Et si l'espace d'un instant, au début du roman on serait tenté de trouver le trait un peu forcé, on se dit à la fin qu'on en a peut-être bien croisé dans sa vie de cette sorte d'individus. Il reste que ces deux sujets, la mère et le fils auraient pu s'allonger sur le canapé du docteur Freud pour une thérapie salutaire. Mais la question que peut poser ce livre semble être celle lancinante, inquiétante et éternelle du sens de la vie et des rapports humains: quand et comment devient-on un monstre pour l'Autre? Pas de réponse de Mauriac mais un moment court et intense ouvert sur la réflexion. Florence TOUZET

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