Avoir envie de pleurer à la fin d'un roman voilà qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps.
Tout commençait bien pourtant: deux êtres, pas encore sortis de l'enfance se trouvent face à une évidence: l'Autre sera l'unique Amour de leur vie. La réciprocité existe donc pas de drame en perspective.
Mais nous sommes à la fin du 19ème siècle. L'esprit des jeunes filles de bonne famille se nourrit de textes littéraires forts et de principes religieux rigoureux. Alors tout se complique.
Il faut d'abord pour nos deux héros attendre qu'adolescence se passe, puis les études, puis le service militaire mais c'est un fait acquis pour tout l'entourage, ces enfants feront leur vie ensemble.
Une relation épistolaire entre les chastes amants pallie à l'impossibilité de se voir.
Alors devant nos yeux de lecteur ébloui, dansent les plus belles tournures de notre langue: des subjonctifs comme on n'en fait plus, un vocabulaire suranné et si familier pourtant s'égrène au fil de pages parfois exaltées. On touche au "pur" dans le style et dans le récit. Rien de moralisant pourtant, le propos n'est pas là.
Non il s'agit plutôt de sublimation. Mais ne voir l'Autre que par les mots à travers lesquels il se raconte devient petit à petit plus important que sa réalité physique. La jeune fille va refuser l'échéance qui doit confronter l'Etre aimé, idéalisé, à la réalité du quotidien.
Quant au jeune homme, il patiente d'abord, sereinement, certain que sa vie va se dérouler aussi logiquement que la force de ses sentiments l'impose. Le lecteur est alors pris par ce rythme nonchalant. Quelle douceur de vivre au gré des jours, sans précipitation. Le rapport au temps est si différent à cette époque! Mais bientôt la machine s'enraye, elle s'emballe. Happé par l'exaltation et la soif de pureté de ces deux jeunes gens, on entre dans leur implacable logique mystique et l'on palpite à chaque regard échangé, à chaque frôlement de mains ou parole suggérée. Délicatesse des émotions, rêves de folie, subtilité des rencontres, violence retenue, les cœurs de ces amants nous renvoient à notre adolescence où l'intensité de nos sentiments nous conduisait vers des pensées extrêmes.
Nos héros iront jusqu'à l'extrémité. Comment peut-il en être autrement dans une telle quête d'absolu.
Gide un maître du romantisme? Voilà qui bouleverse les connaissances approximatives de mes lointains cours de Français sur la littérature du 19ème!
C'est pourtant ainsi que je le vois. Il réussit à traiter un thème de tragédie classique sur un ton intimiste et feutré. Est-ce le profond décalage entre notre époque pressée et matérialiste et cet Amour pur, lent, brûlant et désespéré qui rend ce roman si attachant? Peu importe, il touche au cœur.
Florence TOUZET
mardi 24 avril 2007
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1 commentaire:
Je garde un très mauvais souvenir de ce livre mais il est vrai que je l'avais découvert alors que j'étais très jeune et que ce n'était peut-être pas vraiment le bon moment. En revanche j'avais adoré "la symphonie pastorale", un livre d'une cruauté insoupçonnable. Merci beaucoup pour cette très belle critique de "La porte étroite", qui m'invite à retrouver ce roman pour peut-être le considérer d'un oeil moins sévère !
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