lundi 16 avril 2007

Le livre de ma mère d'Albert Cohen

La Douleur. L'indicible douleur de la séparation. Définitive. Il est seul. Il sera seul maintenant pour toujours. Aucun mot ne peut exprimer la profondeur du gouffre dans lequel il se trouve irrémédiablement plongé. A tout jamais. Alors vous lecteur, qu'est-ce que vous faites-là à attendre de lui qu'il vous raconte? C'est impossible, alors partez. Laissez-le à son infinie souffrance. Elle est à lui, rien qu'à lui. Que pouvez-vous y comprendre vous qui ne L'avez pas connue… sa Mère. Mais non on ne partira pas. On s'assoit en face de lui de l'autre côté de la table faiblement éclairée sur laquelle sont posées des feuilles encore blanches et finalement il se décide. Il va tenter de dire. Mais c'est bien parce que vous insistez. Alors jaillissent des cris, des plaintes, des mots d'amour d'un fils déchiré, démantelé, projeté malgré lui à l'état d'adulte. Plus possible en se retournant, de croiser le regard protecteur et bienveillant de sa mère qui semble dire " vas-y, n'aie pas peur, je suis là". L'irrémédiable, l'irréparable est commis. La terreur et les remords s'emparent de l'écrivain. Il aurait du tellement mieux l'aimer! Il passe alors au crible ces moments successifs de totale osmose et de désaccords passagers où son ingratitude d'enfant le conduisait à reprocher à sa mère certains comportements trop pesants. Comment a-t-il pu? Heureusement se console-t-il, il l'a aussi entourée, choyée. Tout cela est fini à jamais. Il sait qu'il va devoir alors vivre malgré tout. Se pourrait-il même qu'il en ressente quelque joie? Non il ne faut pas oublier. D'ailleurs, pourquoi vivre puisqu'il faut mourir? Cette mère n'est pas destructrice. Elle ne cherche pas à posséder l'âme de son enfant. Simplement, il EST sa vie. A elle. Son univers. Rien n'est assez beau pour lui, il a toujours raison. Cette passsionata en a oublié de vivre pour elle-même puisque son horizon unique c'est son fils. Le style de Cohen n'en est pas un. En fait, cela n'a aucune importance. C'est un hurlement de détresse. Nous sommes au cœur de son âme et nous suivons le fil de ses pensées qu'il transcrit dans l'urgence, comme elles viennent: ses angoisses, ses doutes, ses révoltes. Bientôt, curieusement, c'est de notre propre mère dont il parle. Etre unique et immortel, notre Ange. Sublime livre pour une mère sublimée qui donne envie de lire à voix haute chaque chapitre à ceux qu'on aime, comme l'Essentiel. Florence TOUZET

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