vendredi 15 février 2008

L'omelette byzantine de Saki

Ce recueil présente 26 nouvelles indépendantes, mais où l’on croise parfois des personnages récurrents. Citons, par exemple, "Reginald et les Choristes" : une respectable fille de pasteur tente de ramener le fantasque Reginald dans le droit chemin - ce qui n'est peut-être pas une si bonne idée... "La tante prodigue" : trois nièces tentent de dissuader leur riche tante de léguer sa fortune à leur cousin, joueur invétéré. "Le Déjeuner Fantôme", ou comment se faire offrir un succulent repas par des pique-assiettes. "Un Répit", racontant la manière pour le moins originale dont Vera parvient à distraire un homme politique des soucis de sa campagne. "La cousine Teresa" où, entre deux frères, les honneurs n'échoient pas forcément à celui à qui l'on pense. "Offres de paix" : Clovis et la baronne montent une pièce de théâtre, mais chacun veut tirer la couverture à lui. "Un Rien de Réalisme", où jusqu'où peut-on aller pour garder un excellent cuisinier à son service... « La disparition de Crispina Umberleigh » : véritable tyran domestique, enlevée par des ravisseurs... et que le mari est bien décidé à payer pour qu'ils la gardent !
J'ai dévoré ces nouvelles très brèves, écrites dans un style simple mais aux mots aiguisés et remplies de formules ciselées. La chute, habilement négociée, désarçonne parfois, amuse toujours, en donnant tout son sel à chaque récit. Ces nouvelles nous plongent dans la bonne société britannique, pétrie de certitudes et enfermée dans des conventions sociales dont Saki stigmatise les travers ridicules, pathétiques, voire terribles. Ses personnages sont truculents et savoureux, et l'humour, terriblement anglais, joue sur l'ironie et sur une logique poussée jusqu'à l'absurde. J'ai adoré ce livre : j'ai pensé à Oscar Wilde, P.G. Wodehouse ou Rudyard Kipling, mais Saki a son propre univers et son propre ton, où perce une ironie acide. Il y a une sorte de jubilation à voir le dandy cynique ou la jeune fille malicieuse ridiculiser les tantes indignes et nobliaux boursouflés d'importance, pour lesquels on ne ressent aucune sympathie. J'ai trouvé dans ces nouvelles un mélange de cruauté et de farce bon enfant, de badinage et de forte critique sociale. Lisez Saki : c'est drôle, intelligent et percutant, et cet auteur génial n'a pas la renommée qu'il mérite. Fanny LOMBARD

Aucun commentaire:

Publicité