mercredi 3 septembre 2008

Je vous écris de Hisashi Inoué

Une jeune fille devenue la maîtresse de son patron, attend qu'il quitte femme et enfant ; une jeune mariée dont l'époux travaille à l'étranger découvre que sa voisine est séquestrée et maltraitée par sa fille ; une employée de bureau recherche un correspondant qui lui servirait de guide lors d'un voyage à Hokkaïdo; un sans domicile fixe mutique mais dessinateur de génie disparait d'un centre d'hébergement ; un homme écrit à son amour de jeunesse, aujourd'hui trompée par un mari dont elle refuse de divorcer; un auteur est contacté par une admiratrice qui souhaite connaître son avis sur une de ses œuvres... Voilà quelques uns des personnages que l'on croise au fil des chapitres qui composent ce roman, comme autant de nouvelles sans rapport entre elles... jusqu'aux dernières pages, où les destins des protagonistes se rejoignent dans un dénouement surprenant. Ce roman est étonnant à plus d'un titre. Tout d'abord, les chapitres ne semblent avoir aucun lien entre eux : sans l'épilogue, qui réunit tous les personnages lors d'une prise d'otages, ils tiendraient davantage de nouvelles indépendantes, mais néanmoins passionnantes. Ensuite, il n'est composé que de lettres, actes administratifs, articles de journaux, extraits de livres... Si ce procédé peut déconcerter de prime abord, il s'avère redoutable car il créé une distanciation, un style froid hors de tout parti pris, mettant en relief l'ironie souvent cruelle des situations, et permettant à l'auteur de manipuler le lecteur, chaque chapitre offrant un dénouement totalement inattendu. Et si la conclusion parait un peu forcée, elle donne au roman une forme de boucle non dénuée d'intérêt. Ce livre m'a beaucoup intéressée par sa forme et son fond. Une fois habituée au style épistolaire, je me suis laissée prendre au jeu. La neutralité de l'auteur tranche avec l'attachement que l'on ressent pour certains personnages, tous au centre de destins tragiques, qu'ils en soient les victimes ou les acteurs. Les déceptions amoureuses, la folie, la mort sont autant de thèmes récurrents qui créent une atmosphère assez lourde, néanmoins teintée d'humour noir et d'une impitoyable ironie. Mais j'ai surtout été bluffée par la chute des chapitres : j'ai été "baladée" de bout en bout par l'auteur, qui se joue de son lecteur comme de ses personnages, de façon machiavélique, sans que l'on voit rien venir ! Un regret, cependant : la suppression de deux des chapitres japonais, trop difficiles à traduire... Dommage d'avoir dû amputer ce roman enthousiasmant.
Fanny LOMBARD

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