mardi 30 septembre 2008

Paperboy de Pete Dexter

L'histoire se passe au milieu des années 60. Quatre ans après le meurtre du shérif violent et raciste d'un trou perdu de Floride, son assassin, Hillary Van Wetter, attend son exécution dans le couloir de la mort. Mais Charlotte, jolie quadragénaire bizarrement attirée par les assassins, est persuadée de son innocence depuis qu'elle a vu sa photo dans le journal. Autant déterminée à l'épouser qu'à l'innocenter, elle contacte le Miami Times, qui dépêche sur place deux journalistes dont Ward, frère du narrateur. D'emblée, il s'avère que le procès a été baclé, des preuves égarées, des pistes non exploitées. Mais entre un condamné franchement antipathique, sa groupie, un journaliste déterminé dont l'intégrité frise la psychorigidité et un autre dévoré d'ambition, une police et une justice peu enclines à rouvrir le dossier et une opinion publique accrochée à ses certitudes, l'affaire s'annonce complexe... On est dans un roman noir, dans tous les sens du terme. L'écriture sèche et sans complaisance montre tout, sans rien édulcorer, ni la violence physique, ni la misère sociale, et encore moins la cruauté psychologique et la violence morale d'une société dont tous les protagonistes sont implacablement condamnés par l'auteur. On suit l'investigation des reporters à travers le récit du jeune frère de l'un d'eux, et petit à petit, ce sont les vraies motivations de chacun qui se révèlent : chacun cherche son intéret au mépris de la vérité, de la justice, ou de l'intégrité de ses proches ou de lui-même, et personne n'en sortira indemne. L'auteur promène son lecteur du début à la fin, dans un jeu de faux-semblants et de manipulations à tout-va dont, comme les personnages du roman, on ne s'aperçoit que trop tard. J'avais eu de nombreux échos positifs de ce roman, et je ne peux que m'y associer. Critique subtile mais néanmoins virulente du journalisme et, au-delà, de l'ensemble de la société elle-même où, pour citer l'auteur, "aucun homme n'est intact", ce roman noir est littéralement époustouflant. Si j'ai pressenti, à chaque fois, les rebondissements quelques pages avant qu'ils n'interviennent, je les ai pris comme autant de coups de poing, et le piège a parfaitement fonctionné ! En plus d'une histoire très forte, les personnages ne tombent pas dans la caricature tout en étant formidablement bien campés, tout comme le décor - routes poussiéreuses, villes moites et marais profonds du coeur de la Floride. Un roman sombre d'une puissance rare, qu'il m'a été impossible de lâcher, et qui vous hantera longtemps après l'avoir refermé.
Fanny LOMBARD

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