vendredi 16 juillet 2010

Le caniche noir de la diva de Helmut Krausser

Stanislas Nagy, 30 ans, vient consulter la psychiatre Cora Dulz car il a des hallucinations de Maria Callas, qui lui apparait en chantant. Cora est immédiatement intriguée par ce bel homme étrange, sombre et mystérieux. Peu de temps après, Nagy lui avoue qu'il a personnellement connu la Callas, dissimulé sous l'apparence de son caniche noir ! Car il n'est pas humain : il est le Diable.  Aimant passionnément la Callas, et la détestant pour cela, il l'a accompagnée tout au long de sa vie, la maltraitant, la punissant, finissant par la détruire. Pour Cora, s'il ne fait aucun doute qu'il est en plein délire, elle n'en est pas moins fascinée par Nagy. Au point que, lorsqu'il cesse de venir à son cabinet, elle décide de partir à sa recherche - sans savoir jusqu'où la conduira son attirance pour son étrange patient...

Ce court roman, écrit dans une langue simple mais élégante, a quelque chose d'intrigant. De par son sujet, d'abord, dont l'apparente extravagance cache une réflexion plus profonde, mais aussi de par son style. En effet, le propos reste toujours ténu, et l'intrigue progresse autant par les échanges entre la psychiatre et son patient que par les non-dits, et par les réflexions et les actions qu'ils provoquent. Alternant dialogues, introspections et récit proprement dit, c'est un livre dense, mais où tout est suggéré, avec une finesse et une maîtrise saisissantes, entre les lignes. Que Nagy soit le Diable ou un malade délirant importe peu : sa nature démoniaque ou sa folie se double de toute façon d'une maîtrise et d'un art de la manipulation contre lesquels Cora, piégée dans une vie professionnelle et conjugale peu satisfaisante, ne s'avèrera pas de taille.

J'ai beaucoup apprécié ce livre, et particulièrement son atmosphère, l'angoisse allant crescendo, avec une économie de mots bluffante - qui m'a, pourtant, parfois un peu frustrée ! Derrière une histoire apparemment excentrique, j'y ai vu des interrogations plus profondes, et par les thèmes abordés, ce roman m'a fait penser à Dostoïevski. J'ai été séduite pour la façon dont des questions lourdes, quasiment métaphysiques sont traitées, tranchant avec la concentration du récit. Un livre atypique, où je me suis laissée entraîner vers une issue que je devinais fatale, sans savoir quelle forme elle prendrait. Une belle découverte !

Fanny LOMBARD

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