mardi 13 octobre 2009

Jack Barron et l'éternité de Norman Spinrad

En cette fin de XXe siècle, Jack Barron a de quoi être plutôt satisfait de son sort. Ayant mis de coté les idéaux gauchistes et anti-racistes de sa jeunesse, il est devenu une célébrité de la télé : tous les mercredi soir, il joue au redresseur de torts devant cent millions d'Américains en mettant sur la sellette une personnalité qui a eu le malheur d'ennuyer un quelconque téléspectateur, mais sans jamais aller trop loin pour garder le soutien de ses producteurs... Mais voilà que le hasard le met en face de Benedict Howards, le richissime et tout-puissant dirigeant de la Fondation pour l'Immortalité Humaine, qui congèle les riches en attendant que la science permette de les ranimer et de leur donner l'immortalité. Aucun des deux n'est prêt à se laisser marcher sur les pieds. A l'écran et en coulisses, les deux hommes vont s'affronter sauvagement et impitoyablement... Bien que ce livre, écrit en 1969, ait quelques aspects un peu dépassés, le thème majeur reste d'actualité : le pouvoir de l'argent et de la politique contre le pouvoir de l'information... Il s'agit essentiellement d'un combat entre deux hommes, jour après jour. D'un côté, le "méchant" : Howards, mégalomane et déplaisant, qui ne recule devant rien pour parvenir à ses fins, se débarrassant de ceux qui le gênent en les achetant ou en les faisant supprimer ; de l'autre, le "gentil" : Barron, partagé entre le pragmatisme, qui lui commande de se laisser acheter par Howards, et un reste de fierté et de loyauté envers ses anciens amis de la Coalition pour la Justice Sociale, qui le pousse à se battre... Malgré ses défauts, il est facile de s'identifier à lui, ce sont justement ses défauts qui le rendent sympathique. Facile aussi de prendre ses marques dans cette Amérique pas si improbable : politiciens et médias pourris par les calculs et la corruption ; pauvres vivant de l'aide sociale ; Noirs, hippies et drogués opprimés et concentrés dans des zones réservées... Une Amérique crue et violente. Comme le style employé par l'auteur, direct et piquant. Il y a peu d'action dans ce livre, mais tout se joue dans les joutes oratoires entre les personnages et le suspense de savoir qui finalement l'emportera... Un roman intelligent et percutant. Marie-Soleil WIENIN

Aucun commentaire:

Publicité