vendredi 16 octobre 2009

Viou de Henri Troyat

La petite Sylvie, huit ans, vit avec ses grands-parents qui possèdent un commerce de matériaux de construction, charbons et cokes en gros, la Maison Lesoyeux. Sa mère, retenue à Paris par son travail de secrétaire médicale et ses études de perfectionnement, l'a confié à ses beaux-parents. Son père tué en 44 n'est plus pour elle qu'un vague souvenir que seule la photo de sa table de chevet rappelle. Le soir avant de s'endormir elle pense à sa maman, ses gestes d'affection et le surnom de "Viou" qu'elle lui avait donné. Viou est tiraillée entre son grand-père sensible et doux et sa grand-mère austère et pieuse qui la vouvoie. Ses résultats scolaires ne sont pas reluisants, ce qui fait le désespoir de sa grand-mère. La petite fille espiègle et vive cause la joie de son grand-père et le tourment de sa grand- mère. Elle adule et idolâtre sa maman et souffre d'en être séparée. L'attitude joueuse et désinvolte de la petite Viou, n'est pas sans nous rappeler des situations connues. La banalité de grands-parents élevant leurs petits enfants est grande et ne constitue pas une situation extraordinaire, mais plongée dans des rapports tendus de personnes liées par l'affectif, elle peut amener une dynamique intéressante à suivre. Dans un monde policé de vieilles personnes bien établies, une jeune enfant séparée par le sort de ses géniteurs peut apparaître comme un éléphant dans un magasin de porcelaine. On ne peut qu'être attendri par cette enfant victime d'un enchevêtrement de circonstances néfastes. Une fois de plus Henri Troyat nous transporte dans un univers humain, balisé, accessible à nos sens. Pourtant située dans une époque de crise et de privation, c'est avec un rythme bon enfant que l'auteur nous fait vivre cette histoire qui sous des couverts d'instants de vie simples, cache un petit drame d'enfant. Une occurrence de destin comme beaucoup et finalement peu vivent, car chaque vie est unique et pourtant ressemble aux autres pour l'essentiel de son temps d'existence. C'est avant tout sous le regard innocent et crédule d'une enfant douce et aimante, mais aussi qui se débat contre un monde adulte dirigiste que les événements sont présentés, comme une caméra au ras du sol qui n'accède qu'à un horizon restreint. Regard un peu naïf et édulcoré d'une situation grave qui ballote un être en devenir. Riche d'enseignements, clair d'expression et de simplicité, ce roman peut-être mis entre toutes les mains.
Frédéric MOLLICA

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