jeudi 14 octobre 2010

Court serpent de Bernard Du Boucheron

A la fin du 14ème siècle, l’abbé Insulo Montanus part tenter de réussir une mission de la plus haute importance commanditée par le cardinal-archevêque Johan Einar Sokkason. A bord du navire Court Serpent spécialement construit pour l’occasion, il se lance  au secours des âmes de chrétiens installés très loin au Nord, en Nouvelle Thulé. Depuis plusieurs années, le climat s’y est fortement refroidi. Les températures extrêmes les isolent du monde en rendant leur approvisionnement impossible depuis l’extérieur, tandis que les cultures et les  élevages sur place sont voués à l’échec. Cela a également pour conséquence que le diocèse est privé d’évêque et que les églises n’ont plus de prêtres. Subissant la pauvreté et l’absence de guides spirituels, les habitants sont sans aucun doute voués à « retourner aux ténèbres de l’infidélité »…
Le livre s’ouvre sur les lettres d’instructions reçues par l’abbé Montanus. Le style choisit plonge immédiatement le lecteur à l’époque des faits. Pourtant, aucun  vocabulaire « pseudo moyenâgeux » n’est employé. Le voyage dans le temps s’effectue beaucoup plus subtilement au détour de tournures de phrases, ainsi que par les faits et directives notés par le cardinal-archevêque. Le roman se poursuit avec le rapport de l’abbé et de ses compagnons de route lors de leur retour. Les aventures terribles vécues par les voyageurs tiennent en haleine même le plus blasé des lecteurs. Et la façon bien particulière qu’a l’abbé de s’acquitter de son rôle auprès de la population ne peut que nous faire réagir. Par deux fois, l’auteur de ce livre intervient : pour raconter un épisode ayant eu lieu en absence de l’abbé, et pour éclaircir un fait ultime (ce qui donne une nouvelle intensité inattendue à l’ouvrage).
J’ai vraiment aimé ce livre. Récompensé du Grand Prix du roman de l’Académie française 2004, il mérite bien cette distinction. Le sujet sort de l’ordinaire, la forme du récit est inhabituelle tout en restant accessible, les rebondissements sont nombreux. C’est également une base de réflexion sur les agissements commis au nom d’une cause jugée juste par certain, avec  ses conséquences et ses failles.

Sophie HERAULT

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