vendredi 22 avril 2011

L'orphelin d'Anyang de Chao Wang


Quelques pages suffisent à nous plonger dans les bas-fonds laborieux et mafieux de la société chinoise contemporaine. Un vrai coup de poing littéraire, d'une précision déconcertante !
Nous rapprocherons d'ailleurs ce texte du genre de la Nouvelle. Son récit sobre, souvent elliptique,progresse avec une concision qui ignore les digressions romanesques. Seuls trois personnages décident du sort d'un bébé, avant que la police chinoise ne reprenne son autorité suprême. L'action,
resserrée sur quelques mois, s'accélère progressivement vers une fin inéluctable. De fait, cette chute nous laisse sous le choc de la tragédie que vivent des millions êtres damnés par le destin.
En fait, le texte fut à la base de la réalisation d'un film, sorti en 2002.
Yu Dagang, ouvrier au chômage, vit en célibataire endurci, jusqu'au jour où il recueille un nouveau-né abandonné. Sa mère, Feng Yanli, se prostitue pour une famille restée à la campagne. Elle ne peut évidemment élever son petit bâtard. Mais consciente de sa faute, elle promet une rente mensuelle à qui pourra le prendre en charge. Yu Dagang accepte d'abord pour l'argent.
Pourtant, ces deux survivants d'un peuple misérable, exilé dans les ruelles des villes tentaculaires (ici Anyang, au nord de la province du Henan), se découvrent et s'unissent pour offrir un couple de parents à l'enfant. Lui ouvre un atelier de réparation de vélos et garde le petit alors que Feng Yanli
continue ses passes dans les bouges du quartier.
L'espoir nous est donné que l'Amour triomphe, au cœur même des pires égouts humains. C'est oublier trop vite que seuls les êtres maléfiques gouvernent notre monde. Le père biologique du bébé, proxénète occupé de perpétuer sa propre gloire, décide de reprendre ses droits ignorés jusque-là. Il précipite le drame que l'État chinois achève violemment.
Dans le fracas d'un cri désespéré, ces vies auxquelles en peu de pages nous étions attachées, se disloquent irrémédiablement. On peut imaginer que les spectateurs du film entendent longtemps la longue plainte finale ...



Florence VALET

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