jeudi 2 juin 2011

Les orphelins d'Auteuil de François Nourissier


Cet ouvrage de François Nourissier (1927-2011) date des premiers temps de sa carrière d'écrivain.
Déjà, le récit puise sa substance au sein de cette caste qu'il ne cessera de décrire : la Bourgeoisie.
Accédant à ce milieu, il en souligne les bassesses et la mondanité futile : une peinture lancée à grands coups de traits noirâtres autour de pauvres âmes flottant en gris.
Tout d'abord, le titre déroute notre approche. Que représente pour nous les orphelin d'Auteuil, sinon une association catholique d'aide aux jeunes en difficulté ? Dans les années 1950, cet après-guerre sur lequel le roman repose, la fondation caritative prend de l'essor. Mais ici, les jeunes gens n'ont guère besoin de son soutien. Ils n'ont nulles dispositions à devenir apprentis et assurer leur avenir ne les inquiète guère : leur futur se trace dans la fortune parentale. D'ailleurs pourquoi travailler ? Cet acte ne convient guère à cette jeunesse dorée, globalement désœuvrée. Aussi adoptent-ils quelques occupations artistiques, histoire de paraître être quelqu'un de moralement inspiré.
Laurence est peintre mais « dans un monde où il eût été obscène de ne rien gribouiller ou barbouiller, la peinture était [son] alibi [...] » (p.26). Roland, le « je » de la narration, se déclare quant à lui écrivain, si désabusé déjà par son statut qu'il n'écrit guère. Voici les deux personnages principaux posés sur notre scène. Ils sont amants mais Laurence avouant son infidélité, ils revêtent pour un temps le costume de la rupture nécessaire. Cécile endosse alors le rôle de l'amante de substitution. « Les gens vivent sur ces définitions qu'ils donnent d'autrui, ils passent au type, ilsstylisent. » (p.22).Aucune richesse n'offre la faculté du bonheur : est-ce la principale leçon de ce livre ? Se voit-elle illustrer par les citations de Melle de Lespinasse (1732-1776) et de Benjamin Constant (1767-1830), dont les vies composées de salons mondains, connurent des amours célèbres mais souvent malheureuses ? Si dans ce roman, la passion amoureuse se porte en germe, jamais elle ne trouve de terre pour éclore. Que les amants, de nouveau réunis, traversent Paris ou qu'ils errent dans les villes italiennes, ils se heurtent à l'incapacité d'aimer sincèrement, d'aimer sans chercher à en donner la représentation théâtrale. Ils agonisent alors dans la solitude des couples qui ne peuvent se voir nus.« La vraie vie nous refusait son hospitalité [...] la vraie vie [...] qui lorsqu'il s'agit s'aimer, manquede mots pour le dire. » (p.139).
Au sortir de ce court roman (environ 185 pages), où l'amour blesse les êtres par sa vanité et son mensonge, nous flottons tristement entre amertume et pessimisme.



Florence VALET

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