mardi 10 juillet 2007

La retraite sentimentale de Colette

C'est le premier roman que je lis de l'oeuvre immense de Colette et cela a été pour moi une révélation. J'ai longtemps hésité à en faire un commentaire car il ne me semble pas facile d'en parler. On a dit beaucoup de choses sur Colette dont la réputation de femme libertine pour les uns, libre pour les autres, a longtemps chagriné les nostalgiques du machisme du siècle dernier. Les premières lignes de ce roman m'ont agressée. J'étais si peu habituée à ce genre de langage qu'il m'a fallu un peu de temps pour m'y faire. Le moins que l'on puisse dire c'est que Colette est directe, dérangeante presque par moments. Elle va droit au but et touche là où ça fait mal. Mais elle le fait avec des mots d'une poésie si délicate que l'on tombe sous le charme. Grace à la finesse et la justesse des situations ou des sentiments complexes qu'elle évoque, Colette dans ce roman surmonte aisément la difficulté d'à la fois prôner la fidélité inconditionnelle à l'être aimé et l'appétit légitime des femmes pour l'acte d'amour gratuit. L'héroïne Claudine qui relate les faits à la première personne traduit l'idéalisation de l'Autre dans l'éloignement, et son amie Annie, être vulnérable parce que culpabilisé, l'appel irrésistible du plaisir déconnecté du moindre sentiment amoureux. On comprend alors aisément que Colette ait été perçue comme un écrivain sulfureux à son époque même si à aucun moment n'effleure la moindre vulgarité dans son propos bien au contraire. Les mots sont effleurés, les phrases suspendues, le reste nous appartient. Le style de Colette est unique. Elle s'exprime au présent. Chaque mot frappe avec une infinie précision l'idée qu'il veut exprimer, surtout quand il est associé à un adjectif qui, paradoxalement en contredit le sens. C'est d'une force magistrale. Le regard aiguisé qu'elle porte sur les êtres et le ton souvent caustique qu'elle emploie pour les faire vivre apparaissent avec de plus en plus d'évidence comme le meilleur moyen pour elle de ne pas tomber dans le piège de la tendresse qui l'étouffe. Claudine ou plutôt Colette est un monument de sensibilité et d'amour qui dans les dernières pages du roman nous bouleverse. Elle est un écrivain incomparable et intense. Florence TOUZET

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