mardi 27 avril 2010

L'obscène oiseau de la nuit de José Donoso

L’obscène oiseau de la nuit est une œuvre qui échappe au lecteur. Elle désarçonne mais ensorcelle. Pour que le charme poétique des longues phrases tortueuses opère, il faut se laisser aller, oublier les réalités douteuses, la linéarité toute cartésienne d’une vie imaginée comme une bande de goudron.
L’univers de Donoso est fantasque, il est peuplé de vieilles qui n’en finissent pas de mourir, de monstres tous plus laids les uns que les autres, d’une poupée de chair, de bossus, de muets, de sorcières et d’un chien jaune ; les putains comme les écrivains s’y croisent au long des pages. José Donoso n’en finit pas de perdre le lecteur, il le prend à contre pied et le plonge dans le fantastique quand il croit avoir pris pied dans la réalité. Il a construit là une fabuleuse fable, un conte qui renoue avec les traditions littéraires.
Le roman raconte l’histoire d’une oligarchie déclinante, le désir désespéré pour l’homme d’être reconnu comme conscience. Il est constitué d’un mélange de confessions et de récits. Les personnages s’y apostrophent, ils vitupèrent et ils discourent, ils vivent dans la haine et l’amour, le monde est maléfique et le cauchemar infini. Le roman est labyrinthique et schizophrénique, le réel se mêle à l’onirique, tout s’enchevêtre.
L’obscène oiseau de la nuit fait parti de ces monstrueux chefs-œuvres que seuls les écrivains sud-américains savent faire vivre, chronique flamboyante d’une agonie, faite d’une langue qui charrie comme un fleuve toutes les beautés poisseuses du monde.  


Jacky GLOAGUEN

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