vendredi 3 décembre 2010

Regain de Jean Giono

Aubignane, « collé contre le tranchant du plateau comme un petit nid de guêpe », est un village de l’arrière pays provençal qui se vide peu à peu de ses habitants : ils ne sont plus que trois à se partager les maisons abandonnées. Un matin, le père Gaubert, vieillissant, décide de partir. Puis au début du printemps, c’est au tour de la Mamèche, qui demeure au village depuis 40 ans, de disparaître. Panturle, un homme encore jeune qui n’a pas de femme, est le dernier habitant. Un jour, au retour d’une chasse au renard, il aperçoit une jeune femme qui éveille son désir. Il la suit à travers bois : s’agit-il de la femme que la Mamèche avait promis, avant sa disparition, de lui ramener ?
J’ai lu ce court roman avec beaucoup de plaisir, goûtant chaque mot, chaque phrase, tournant les pages avec bonheur. L’écriture de Giono est sublime, toute en poésie, en raffinement et en simplicité. Les métaphores notamment sont superbes, particulièrement bien choisies et travaillées. Giono adopte des images concrètes, liées au monde de la nature, végétale ou animale. « L’été, le soleil qui boit comme un âne sèche son bassin en trois coups de museau » : Giono n’hésite pas à comparer une saison à un animal ou des astres au monde végétal : « La nuit entasse ses étoiles comme du grain ».
L’auteur livre à son lecteur une apologie de la nature mais aussi de l’homme, à travers ses productions, tels les outils. Un des premiers outils sur lequel s’attarde Giono, c’est l’enclume du père Gaubert : « l’enclume est toute luisante, toute vivante, claire, prête à chanter ». Gaubert est véritablement la mémoire artisanale d’Aubignane. Avec son départ, c’est tout un trésor de gestes qui disparaît.
Giono célèbre le monde paysan, celui qui s’adapte aux conditions climatiques, qui fait sans cesse preuve de créativité, qui lutte pour survivre. Dans ce monde laborieux, un éclair d’espérance peut toujours briller : ici, c’est la femme qui apporte le regain, la flamme de fécondité, celle de la terre, mais aussi celle de l’enfant.
J’ai apprécié dans cette édition la préface qui nous permet d’entrer dans ce livre avec un regard éclairé et le dossier conclusif qui apporte des repères biographiques sur Giono et des jalons pour mieux comprendre l’œuvre. Au cours du roman, des notes de bas de page permettent d’éclaircir certains termes de patois.
« Regain » est un roman court, dont on savoure avec délectation les superbes métaphores. Un grand classique à (re)découvrir.

Christelle GATE

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