jeudi 19 mai 2011

La fenêtre ouverte de Saki


Une femme garde en permanence sa fenêtre ouverte, guettant le retour de son époux disparu plusieurs années auparavant ; une voyageuse égarée, prise par erreur pour la nouvelle gouvernante, a des méthodes peu conventionnelles pour enseigner l'Histoire ; Un chat à qui l'on a appris à parler n'a malheureusement pas été instruit de l'art de l'hypocrisie ; un jeune homme timide se retrouve en fâcheuse posture face à sa compagne de voyage lorsqu'il cherche à se débarrasser d'une souris faufilée dans ses vêtements ; un petit garçon a une stratégie bien particulière pour aider son candidat de père à remporter les élections ; comment, lorsqu'on a perdu un bébé, on risque de se retrouver avec deux bambins sur les bras au lieu d'un ; Clovis n'a pas son pareil pour éloigner les importuns ; une bonne méthode pour faire taire les vantards, qui ont toujours un exploit à raconter...

Voilà quelques unes de la trentaine de nouvelles réunies dans ce recueil, opportunément intitulé en Anglais "The Best Of Saki". En effet, ces histoires rassemblent tout ce qui fait le style de Saki : son écriture élégante et accessible, son humour ravageur, ses formules bien tournées, ses réflexions pince-sans-rire si typiquement anglaises, sa galerie de personnages hauts en couleur où se croisent comtesses, jeunes gens, enfants turbulents, tartarins et gentlemen...  Alternent des pages d'une légèreté rafraîchissantes et d'autres, plus noires (comme l'impressionnant "Sredni Vasthar"), où l'auteur distille une ironie acide qui n'en demeure pas moins irrésistiblement drôle - bien que plus dérangeante. Si le talent de Saki éclate à chaque ligne, c'est bien souvent dans le renversement final, qui tient parfois en une phrase, que se révèle tout le sel du texte, prenant totalement le lecteur au dépourvu.

J'adore Saki, et je ne pouvais donc qu'être enchantée par ce livre, que j'ai savouré. Je n'ai pas été déçue par une seule nouvelle, et je me suis régalée de la première à la dernière ligne. Je ne me lasse pas de cet humour mêlant ironie et détachement, de ces petites phrases si spirituelles et de cette langue fluide et élégante. C'est avec une extrême jubilation que j'ai retrouvé le personnage de Clovis, double de l'auteur, dandy futé politiquement incorrect, délicieux mélange d'Oscar Wilde et de Jeeves. Une mention spéciale pour sa prestation dans "L'enquête", où il n'a jamais été aussi délicieusement inconvenant !


Fanny LOMBARD

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