samedi 21 mai 2011

Lutétia de Pierre Assouline


En 1938, Edouard Kiefer, ancien policier, travaille comme responsable de la sécurité à l’Hôtel Lutetia, l’unique palace parisien de la rive gauche. Il connaît parfaitement bien la clientèle fidèle avec ses secrets, ses habitudes ses manies. Mais bientôt la guerre change tout : les allemands réquisitionnent l’hôtel en juin 1940 et l’Abwher s’y installe. Evidemment Edouard est aux premières loges pour voir tout ce qu’il se passe, des trafics organisés du marché noir aux tortures. Et c’est ce qu’il nous fait partager dans ce roman, jusqu’en 1945, année où, après le départ des allemands, le Lutetia deviendra refuge pour les déportés de retour des camps, s’offrant ainsi une certaine rédemption.
Tant de choses et de faits réels sont racontés autour de personnages fictifs que l’on a parfois l’impression d’être plus dans une biographie que dans un roman d’autant plus que le récit est écrit à la première personne. Il n’empêche que, hormis une première partie un peu longue et peu attrayante, l’histoire nous captive ensuite jusqu’au point final. Notamment parce que notre narrateur n’est pas un héros, il a ses doutes, ses problèmes de conscience, ses faiblesses. Du coup nous nous identifions parfaitement à lui. Les questions qu’il se pose, nous nous les posons aussi. Jusqu’où peut-on aller sans trahir sa conscience ?  A force d’obéir n’en vient-on pas à décliner toute responsabilité de ce que l’on fait ? Puis vient le moment où il faut prendre une décision : en effet on ne peut être collaborateur à mi-temps, résistant de temps en temps et attentiste le dimanche. Il suffit parfois d’un signe mineur pour que la vie bascule d’un coté ou de l’autre…Tout est dans la nuance, dans la manière de nous amener à nous dire : Et moi comment aurais-je réagis pendant cette période troublée?
De plus la dernière partie, avec le retour des déportés, est particulièrement émouvante. Elle nous fait découvrir un aspect auquel je n’avais pas vraiment réfléchi. L’organisation qui a été mise en place pour que les déportés retrouvent leur famille, les mesures sanitaires qu’on a du leur faire subir ainsi que les interrogatoires pour démasquer les fraudeurs. Le retour à la civilisation de ces hommes et femmes marqués par les atrocités subies dans les camps est parfois difficile mais l’auteur a très bien su restituer leur désarroi et leurs sentiments contrastés.
Vraiment c’est un très beau roman, bien servi par une écriture riche et belle, une pudeur sous-jacente empêchant de tomber dans le sentimentalisme. Un moment de lecture remarquablement fort que je recommande chaudement.


Nicole VOUGNY

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