lundi 9 mai 2011

On achève bien les chevaux de Horace McCoy


1935, à Hollywood. Gloria Bettie et Robert Syberten sont deux acteurs sans avenir. Pour gagner quelques centaines de dollars ou se faire repérer par un producteur, des couples s'engagent dans des marathons de danse qui durent des semaines. Gloria et Robert sont le couple n°22. De derby en derby, ils poursuivent le marathon. Le principe est simple mais infernal : les danseurs doivent bouger pendant 1h50, disposent de 10 minutes pour se reposer, dormir, manger et se changer et remontent sur la piste pour un nouveau tour de danse. "Durant la première semaine, il fallait danser, mais après c'était inutile. On nous demandait seulement de rester continuellement en mouvement."(p. 47 et 48) La compétition est rude et chaque couple fait de son mieux. Mais la fatigue la plus terrible ne vient pas du corps, elle déborde de l'âme. Gloria est lasse de vivre et est obsédée par la mort. "Il doit y avoir dans le monde une tripotée de gens comme moi, qui ont envie de mourir, mais qui n'en ont pas le courage." (p. 27) Robert, son ami depuis quelques semaines à peine, accède à sa demande la plus démesurée.

"On achève bien les chevaux ?" C'est la phrase qui clôt le roman. Le récit est mené par Robert qui répond aux questions du tribunal. Dès la première page, on sait qu'il a assassiné Gloria mais sa défense est singulière : "Ce garçon avoue avoir tué la jeune fille, mais c'était pour lui rendre service." (p. 13) Les titres de chapitre ne sont que la conséquence de cet acte charitable. La sentence, inéluctable, est morcelée et tombe par à-coups : Robert se sait condamné et il attend avec résignation l'issue du procès.
Le Pacifique, figure du dehors, de l'absence et de l'inaccessible, est obsédant. Enfermés pendant des semaines entières dans le bâtiment où se déroule le marathon, les participants ne voient jamais le jour. Et pourtant, le Pacifique est là, au bout de la jetée-promenade et sous leurs pieds. Inlassables et immuables, ses vagues poursuivent leur ballet éternel et se moquent bien des quelques humains qui s'épuisent dans un mouvement qu'ils voudraient incessant.
Il faut lire ce roman en écoutant Old Man River pour ressentir toute la lassitude de vivre d'une femme perdue. Le texte est court mais percutant. Pas de fioriture, pas d'introspection. Le lecteur est happé par le rythme infernal du mouvement. Les faits s'enchaînent, se télescopent jusqu'à l'issue finale, doublement tragique.


Magali CONEJERO

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