mercredi 23 mars 2011

Zut, on a encore oublié madame Freud... de Françoise Xénakis


Martha, Xanthippe, Adèle, Jenny et Alma ont été les épouses de grands hommes, penseurs et artistes. Sigmund Freud, Socrate, Victor Hugo, Karl Marx et Gustav Mahler, aucun d'eux ne peut se plaindre d'avoir vécu seul ou mal accompagné.
Martha Freud est une femme éclairée et pratique. Soutien indéfectible du grand docteur viennois, elle écoute, conseille voire psychanalyse son époux.
Xanthippe, en dépit de l'indifférence voire de la haine qu'elle suscite chez son époux n'a eu de cesse de l’admirer. Mais vivre dans l'ombre de Socrate la rend aigrie et virulente, faisant d'elle l'archétype de la mégère.
Adèle Hugo, après les effusions amoureuses des premières années, se refuse à un époux qui ne sait pas se contrôler. Vigilante, fidèle et honnête à l'extrême, elle accepte avec dignité la relation de son époux avec Juliette Drouet. Ainsi, Victor Hugo eut deux femmes, l'une qui incarnait les valeurs sacrées du mariage et l'autre qui représentait l'éternel féminin.
La baronne Jenny von Westphalen a déchu en épousant Karl Marx. Ce penseur révolutionnaire a été un piètre époux, incapable de subvenir aux besoins du ménage, toujours en quête des subsides de l'ami de toujours, Friedrich Engels. La rage bouillonne en Jenny qui ne s'autorise à exprimer sa rancœur que dans des lettres qu'elle détruit sans les donner.
Alma Schindler, en épousant l'immense génie musical que fut Gustav Mahler, a remisé ses espoirs et son talent de musicienne. Et pour laisser tout le talent créatif du pudibond et tyrannique Malher s'exprimer, Alma devait entretenir le silence le plus absolu, muselant leurs filles, le chien, les cloches des vaches, la vie…

"Merci aux auteurs que j'ai lus ou relus pour bien m'imprégner des maris et me confirmer dans mes intuitions quant à leurs épouses." (p. 251) L'auteure ne dissimule avoir fait œuvre de romance et avoir imaginé pour bonne part l'existence et les pensées des épouses qu'elle met en scène. Si la tendresse et l'admiration qu'elle a pour ces "femmes de..." sont manifestes, plus manifeste encore est le plaisir ironique qu'elle prend à égratigner voire ébranler les portraits hiératiques de grands hommes qui furent de médiocres époux. Si la qualité de l'écriture diffère d'une nouvelle à l'autre, le ton reste celui de l'empathie souvent teintée d'humour. Et il point derrière ces portraits de femmes de l'ombre un portrait inattendu, celui de l'auteure, elle-même femme de... , et l'on comprend mieux soudain ces histoires d'épouses et de ménages.



Magali CONEJERO

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