jeudi 20 mars 2008

La dormeuse de Naples d'Adrien Goetz

En 1814, Ingres, le peintre, est à Naples. Il tombe sous le charme d'une jeune femme croisée dans la rue, et lui propose de la peindre. Pendant des mois, la belle va poser pour lui. Naît alors entre eux une relation amoureuse, mais qui ne sera jamais consommée. Elle garde une position ambiguë, semblant s'offrir et se dérober tour à tour aux timides avances de l'artiste ; il n'ose pas la toucher et idéalise leur relation à travers son art, l'aimant en peignant son portait avec frénésie. Au fur et à mesure que le fantasme s'estompe, les liens se distendent, mais la jeune femme meurt subitement, laissant Ingres inconsolable. Le tableau ne sera jamais exposé : on perd sa trace, il disparaît.
Ce roman tourne donc autour de la toile éponyme, que l'on rapproche souvent de la célèbre "Odalisque", mais dont on ignore ce qu'elle est devenue. A-t-elle été perdue ? Détruite ? Recouverte par un autre tableau ? Le livre se compose de trois récits, rédigés respectivement par Ingres, qui raconte dans quelle circonstance il a peint le tableau et qui était son modèle, Corot qui tente de retrouver sa trace, et un rupin de Géricault, qui livre à son tour ce qu'il croit savoir du portrait. Les trois textes, bien qu'assez proches dans leur forme, diffèrent sensiblement par le style, le vocabulaire et la fluidité, Ingres s'exprimant par exemple plus laborieusement que le troisième narrateur, au ton plus libre et délié - tout cela étant révélateur de la personnalité des trois auteurs. Pour autant, les différentes parties du roman sont également intéressantes, en ce qu'elles ouvrent à chaque fois une autre perspective en offrant un regard différent autour de "La Dormeuse de Naples". J'ai beaucoup aimé ce livre, notamment pour son approche originale. Je n'ai pas été surprise de découvrir qu'Adrien Goetz était professeur d'histoire de l'art tant il maîtrise bien son sujet et en parle avec passion et érudition tout en restant accessible. Je garde cependant un sentiment de frustration : d'abord, ce roman pose plus de questions qu'il n'apporte de réponses, et surtout le mélange entre la fiction et la réalité, revendiqué par l'auteur, entretient un trouble qui, s'il fait en partie le charme du texte, m'a néanmoins un peu gênée. Mais c'est un joli livre, qui m'aura incitée à m'intéresser aux peintres évoqués et à voir leurs oeuvres sous un autre angle, et m'aura ouvert une certaine réflexion sur l'art.
Fanny LOMBARD

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