samedi 27 février 2010

Le tour d'écrou de Henry James


Une jeune femme se voit confier l'éducation de deux orphelins par leur oncle, qui refuse absolument de s'en occuper. Elle se rend donc dans la propriété de l'Essex où vivent Flora, la petite fille, et son frère Miles. La gouvernante est immédiatement sous le charme de ces deux enfants affectueux, vifs et absolument adorables. Tout se passe pour le mieux, jusqu'à ce qu'elle voie roder autour du manoir un homme à l'air menaçant, puis une femme aussi peu engageante. Lorsqu'elle interroge la domestique, celle-ci reconnaît dans sa description le jardinier et l'ancienne gouvernante, deux amants décédés dans d'obscures circonstances. La narratrice est alors persuadée que les fantômes en ont après les enfants. Par ailleurs, elle commence à croire que Miles et Flora sont également témoins de ces apparitions, sans rien en dire...

Le style d'Henry James est toujours aussi ciselé et raffiné, et le fantastique n'a ici rien de spectaculaire : il est à peine suggéré, avec une économie de moyens qui crée un climat oppressant et une tension difficilement soutenable, où le non-dit tient une place prépondérante et où les apparences sont trompeuses. Mais ce récit demande un certain effort de lecture, notamment à cause des nombreuses introspections, puisqu'il repose uniquement sur le témoignage de la gouvernante, qui reste d'ailleurs anonyme. Ce récit à la première personne, rapporté par le biais d'un manuscrit, nous plonge directement dans sa tête, accentuant l'impression de malaise et une certaine identification avec l'héroïne.

Bien que j'aie beaucoup aimé ce roman, il m'a paru relativement complexe, tant par la présentation du récit (une narration "à tiroirs", une narratrice racontant la lecture qu'un autre personnage fait du manuscrit écrit par la gouvernante) que par l'interprétation que l'on peut en faire : une simple histoire de fantômes, ou quelque chose de plus élaboré, en prenant pour hypothèse la folie de l'héroïne. Et dans ce cas, l'analyse est passionnante : les non-dits, les frustrations, les projections de la gouvernante prennent alors un autre sens, et ont rendu pour moi ce récit plus angoissant encore - la folie créant des spectres bien plus terrifiants ! Conte gothique ou interprétation psychanalytique : à chacun de se faire son opinion, ce qui donne un intérêt supplémentaire au roman.


Fanny LOMBARD

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