dimanche 21 février 2010

L'Espagnol de Bernard Clavel

C’est par une sombre nuit d’automne 1939 que Pablo et Enrique arrivent d’un camp de réfugiés espagnol pour être placés dans une ferme d’un village du Jura. Enrique s’aperçoit vite qu’il ne supportera pas le dur travail de la vigne et préfère prendre le maquis. Pablo, lui trouve dans la fatigue et la souffrance un dérivatif à son chagrin. Lorsque le patron meurt et que le fils est fait prisonnier par les allemands, il en vient à s’impliquer de plus en plus dans la bonne marche de la ferme et des vignes avec l’aide de la patronne, sa fille simplette et d’un vieux journalier. Surtout connu comme écrivain régionaliste, Bernard Clavel est aussi membre de l’académie Goncourt. Il sait donc trouver les mots pour nous parler et nous faire aimer son pays natal, le Jura. Toutefois l’espagnol ne se résume pas seulement à l’histoire d’une région pendant une certaine période, c’est avant tout celle d’un homme déraciné, brisé par les horreurs subies et vues pendant la guerre civile espagnole et qui est à la recherche d’une raison de vivre. En apprenant à aimer la terre, les bêtes et le travail physique, il va peu à peu mettre de côté son passé sans néanmoins parvenir à l’oublier. D’autant qu’il y a cette autre guerre avec laquelle il faut faire, même si elle est très différente de celle qu’il vient de vivre et qu’il a la chance d’être dans un coin où elle est peu présente, assez cependant pour le faire douter du bien- fondé de la violence et aspirer à la paix. Et puis c’est en s’intéressant aux autres, à leurs problèmes, à leur différence, à leur solitude qu’il va se reconstruire en se sentant utile et important à leur yeux. Cet aspect humain du roman est très beau et tellement réaliste qu’on en est touché et ému au fil des pages. Avec Pablo nous découvrons également la vie dans les campagnes, notamment le travail de la vigne, du bois, des cultures, cette vie si difficile que les jeunes délaissent au profit de la ville et ses facilités, sans se rendre compte du déchirement que cela représente pour ceux qui y ont consacré toute leur vie. Ce roman lent, dans lequel il se passe finalement peu de chose pourrait paraître relativement démodé par rapport à ce qui se fait actuellement. Et pourtant on se laisse si bien prendre à cette écriture simple mais tellement belle qu’on ne s’ennuie pas en le lisant. Après tout, ce genre d’histoire fait partie de notre passé, nos parents ou grands parents ont vécu comme cela, il est parfois bon de s’en souvenir… 


Nicole VOUGNY

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