jeudi 4 mars 2010

Un animal doué de raison de Robert Merle

En 1970, les tensions entre la Chine et les Etats-Unis, déjà englués dans la guerre au Viêt-Nam, menacent de déclencher la 3e Guerre Mondiale. Le Professeur Sevilla n'en a cure, un seul souci en tête : son dauphin Fa connaît quelques mots d'anglais, mais comment le faire passer à la phrase pour établir une réelle communication entre espèces ? Le scientifique oublie seulement qu'il est financé par une agence gouvernementale, qui peut trouver des applications pratiques militaires moralement douteuses à ses avancées prodigieuses en recherche fondamentale...
Ecrit en 1967 comme une oeuvre de politico-fiction avec anticipation à très court terme, ce roman n'a pas pris une ride. Il suffirait de changer quelques lieux et dates pour en faire un livre criant d'actualité. Magouilles politiques, manipulations des masses, espionnage interservices, politique extérieure américaine, tous ces thèmes sont abordés dans ce roman. Un livre bien pessimiste sur la nature profonde de l'homme, qui laisse un goût amer...
Et les dauphins dans tout ça ? Si Robert Merle semble extrêmement bien documenté sur ces animaux et la cétologie en général, le pétillant Fa et sa compagne Bi, plus dure, ne sont pourtant pas vraiment les personnages principaux du livre. Ils apparaissent en fait relativement peu, laissant place à des développements des états d'âme humains : on suit le professeur et son équipe dans les petites joies et peines de tous les jours mais aussi dans la torture de leur conscience scientifique qui s'éveille peu à peu.
Côté style, il est utile de prévenir le lecteur : c'est particulièrement déroutant ! Robert Merle semble avoir fait une allergie à la ponctuation. Cela donne des phrases interminables (parfois une pleine double page sans point ni passage à la ligne), sautant du coq à l'âne pour revenir ensuite à l'idée de départ, avec des dialogues inclus dans le texte, des digressions continuelles... Charge au lecteur de rester concentré ! C'est un peu dommage, car quand on prend la peine on réalise que l'écriture de l'auteur est très poétique, avec des images très fortes et très évocatrices.
Un livre qui ne laisse pas indifférent et marque durablement le lecteur.

Marie-Soleil WIENIN

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