jeudi 17 décembre 2009

La moustache de Emmanuel Carrère


Tout semble sourire au héros qui, marié à Agnès, mène une vie tranquille dans son appartement parisien, entre ses amis, sa famille et son emploi. Un soir, un peu par plaisanterie, il se rase la moustache, lui qui la portait depuis des années. Impatient de voir la réaction de son épouse, il est un peu étonné que celle-ci semble ne rien remarquer. Agacé, il en déduit qu'elle lui fait une farce... Mais des amis chez qui ils passent la soirée ne réagissent pas davantage. Exaspéré, il finit par demander à Agnès ce qu'elle pense du changement : elle lui soutient, interloquée, qu'il n'a jamais eu de moustache ! Le héros est déstabilisé : est-ce
vraiment un canular ? Agnès est-elle folle ? Est-ce lui qui délire ? Non, il en est persuadé : il a toute sa tête, et il s'est bien rasé la moustache ! Mais Agnès n'en démord pas, même devant de vielles photos. Lui-même commence à douter et il ne sait plus qui, de lui ou de sa femme, perd la raison...
Ce roman est étonnant à plus d'un titre. Le vocabulaire, simple et direct, est mis au service d'une écriture qui fait partie intégrante de l'histoire : les phrases longues, de structure parfois complexes, accentuant l'impression de folie et de spirale infernale, reflètent parfaitement l'état d'esprit du héros, qui reste anonyme. Aspiré dans son esprit, le lecteur n'a aucun point de repère, et impliqué dans son délire, ne peut se forger une opinion objective. C'est ce qui en fait un livre prenant, à la
conclusion déroutante et imprévisible. Car, derrière les hypothèses sur lesquelles on revient sans cesse en une boucle oppressante, la situation devient de plus en plus incontrôlable, angoissant crescendo culminant en un dénouement atroce, qui fait frisonner.
Ce livre, qui m'a évoqué Kafka ou Gogol, m'a bluffée. J'ai été fascinée par le cheminement mental du héros, et on ne sait jamais qui est fou et qui ne l'est pas, s'il s'agit d'une machination ou d'autre chose. On pourra trouver plusieurs sens à cette lecture : identité, regard des autres, folie, réel : tous sont intéressants. L'histoire m'a suffisamment accrochée pour que je ne puisse pas lâcher le livre, impatiente de connaître le dénouement. Qu'on y adhére ou pas, il s'inscrit dans la même ligne : dérangeant, angoissant... et pour moi, absolument atroce et terrifiant ! J'ai trouvé cette lecture vraiment troublante. J'en suis sortie secouée, mais je ne le regrette pas !
Fanny LOMBARD

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