mercredi 27 janvier 2010

L'année de la mort de Ricardo Reis de José Sarlamago


Le roman de José Saramago est un livre bien étrange et envoûtant. A l’origine, Ricardo Reis est un personnage inventé par Fernando Pessoa, c’est un de ses nombreux doubles, un des pseudonymes du poète portugais à qui il a donné non seulement une œuvre mais une vie à part entière. José Saramago s’en empare. Au lendemain de la mort de Fernando Pessoa, Ricardo Reis revient de son exil au Brésil, il débarque à Lisbonne et s’installe à l’hôtel.
Ainsi commence ce roman très littéraire et poétique, inondé par la pluie qui sans cesse s’abat sur la capitale, fine et pénétrante ou averse et entêtante. Car il s’agit bien d’un déluge duquel Ricardo Reis essaye de sauver quelque chose, il ne sait quoi puisque avant tout il s’interroge et il doute. Lui que Fernando Pessoa a créé comme un être se contentant du spectacle du monde, stoïque et nonchalant, résigné et détaché, José Saramago le confronte au bruit des bottes de l’Histoire. Le roman se déroule à la charnière des années 1935 1936, la dictature de Salazar est déjà installée au Portugal, Hitler a pris le pouvoir en Allemagne comme Mussolini en Italie, Franco fait son putsch. La Police de Surveillance et de Défense de l’Etat convoque dès son retour Ricardo Reis, il est questionné, il doit répondre de son image d’exilé.
Que ce soit confronté aux évènements qui se déroulent dans son pays et à travers l’Europe ou perdu dans les méandres de sa vie amoureuse et sentimentale, Ricardo Reis ne peut résoudre l’ambivalence qui l’habite, il oscille sans cesse entre ce qu’il affiche face à la société dont il est issu et ce qu’il ressent vraiment.
Le style de José Saramago suit les affres de son héros, les phrases sont longues et tortueuses, pleines de digressions et de fabuleuses métaphores. Les dialogues sont noyés dans la narration, sans tirets, sans les repères auxquels le lecteur est traditionnellement habitué. Pourtant la lecture en est facile, preuve d’une belle réussite littéraire.

Jacky GLOAGUEN

La vie moderne de Vincent Ravalec


La vie moderne est un recueil de dix nouvelles écrites par Vincent Ravalec. Dix histoires qui ont en commun des personnages en marge de la société. Des petites gens, des exclus, des marginaux qui tentent de survivre dans un monde qui n’a pas vraiment prévu de place pour eux. La célèbre phrase de Coluche : « La société n'a pas voulu de nous ? Qu'elle se rassure ! On n'veut pas d'elle ! » pourrait être l’hymne de tous ces cabossés de la vie. La galerie de portraits est sans concession et les tranches de vie sont tour à tour drôles, tendres, tristes, dures et parfois même tragiques. On y écorche les bons sentiments en évoquant le dérisoire ou l’essentiel et ça fait tellement de bien.
Le premier texte, court roman de presque cent pages qui donne son titre à l’ouvrage est une désopilante course à la présidentielle menée par un SDF et son équipe de bras cassés baptisée pour l’occasion « les chiens galeux ». Tellement peu adaptés à la vie politique et surtout ne sachant pas décrypter les codes de la profession ou les combines qui permettent de gravir les marches vers le pouvoir, ces pieds nickelés des temps modernes se retrouvent embarqués dans une épopée qui met en exergue les rouages et les absurdités du monde politique.
On retrouve dans cet ouvrage ce qui fait la marque de fabrique de l’auteur : une écriture très parlée, un langage fleuri, une gouaille qui ne laissent pas indifférent. Les dialogues sont justes, le ton pertinent et vif. Et les questions sur le fonctionnement de nos sociétés actuelles sont nombreuses.

Rémi VIALLET

mardi 26 janvier 2010

Quand elle était gentille de Philip Roth


En novembre 1954, Whitey revient à Liberty Center et cela fait remoner des souvenirs douloureux à la mémoire de Willard Caroll son beau-père. Dans les années 30 Whitey épousa Myra et de cette union naquit Lucy. Entre une mère passive et un père alcoolique et agressif Lucy passe une enfance pas très facile.
A 17 ans elle tombe enceinte de Roy Bassart, le cousin d’Eleanor Sowerby, sa meilleure amie. Par conséquent elle se marie avec Roy et là vont commencer d’autres problèmes. Modeler Roy, en faire un homme, un père,un mari, réussir une vie de couple. Mais Lucy ne voit pas qu’elle possède une force de caractère forgée principalement dans la haine envers ce père violent et sa mère quasi dépressive.
Un excellent livre ! Des personnages très intéressants par leur caractéristiques diverses et opposées. Lucy très indépendante, Roy très friable et manipulable, Whitey violent et alcoolique, Myra trop passive, la famille Sowerby avec le père très dominateur et le binôme mère/fille soumis au pouvoir physique et financier du chef de famille. Tout cela sans oublier les grands-parents de Lucy les Willard un peu perdus dans un monde où les mœurs évoluent vite.

J’ai beaucoup apprécié également ce voyage au cœur d’une Amérique des années d’après- guerre dans laquelle Roth effleure la peur américaine des « cocos », les couples noirs/blancs dans une Amérique n’oublions pas toujours ségrégationniste, les problèmes de violence dans les grandes villes et les tensions matrimoniales et familiales.
Intéressante également l’opposition des conditions sociales les Sowerby aisées mais sans grande morale, les Caroll des gens retraités aux revenus corrects sans plus, et le couple Lucy/Roy qui rame.
Vraiment un bouquin excellent qui fait apparaître les différents sujets que Philip Roth traitera de manière plus approfondie dans d’autres livres.


Edouard RODRIGUEZ

Contes et récits des héros du Moyen Age de Gilles Massardier


Alors bien sûr, vous allez vous dire Charlemagne, Arthur, Jeanne d’Arc, on connaît, on a déjà lu, rien de neuf sous le Moyen-Age, c’est l’a priori logique pour celui qui n’aime pas s’évertuer à trouver la subtile variante entre deux légendes médiévales…
Mais si je vous dis que vous allez découvrir l’histoire du vase de Soissons par l’intermédiaire de son protagoniste, c'est-à-dire le vase lui-même, que c’est grâce à Napoléon -oui oui l’empereur- que vous allez redécouvrir le caractère fougueux de Guillaume le conquérant et que la légende arthurienne s’explique ici comme le résultat d’une idée fumeuse d’un ecclésiastique anglais pour faire taire la vantardise des héritiers de Charlemagne (Ah les batailles franco-anglaises du moyen-âge… et d’après !), eh bien vous me répondrez sans doute que votre curiosité est piquée, et à juste titre !
Je ne vous parle même pas des origines de la fameuse chanson sur Saint Eloi, ni de la transcription dans le monde animal de l’histoire de Sainte Jeanne, , ni même de l’interview du chevalier Bayard, car si vous ne les lisez pas, vous ne me croirez pas!
Il est vrai que cela peut dérouter, et que les jeux avec la chronologie peuvent perturber les plus jeunes, qui n’ont pas encore forcément toutes les références historiques évoquées dans ce recueil,  mais il n’en demeure pas moins une tentative louable de « dépoussiérer » ces récits médiévaux que nous pensons souvent connaître et que nous ne cherchons donc plus à redécouvrir. Reste à chacun à apprécier ces variations et cette interprétation ludique, pour ensuite, pourquoi pas, en redécouvrir les sources.

Johann BATSLEER

lundi 25 janvier 2010

Les Piliers de la Terre de Ken Follett


Les Piliers de la terre, ce sont ces hommes et ces femmes, héros de la vie ordinaire qui, à force de volonté, se forgent un destin extraordinaire.
Dans l’Angleterre du XIIème siècle, Ken Follett entraîne son lecteur dans le sillage de ces héros dont les histoires se croisent, s’entremêlent et se perdent pour mieux se retrouver.
Il y a tout d’abord Tom le Bâtisseur. Bâtisseur au chômage, il parcourt, accompagné de sa femme et de ses enfants, le vaste territoire du Royaume d’Angleterre à la recherche du chantier qui lui permettra d’obtenir le grade de maître bâtisseur et ainsi assurer l’avenir de sa famille pour de nombreuses années.
C’est au cours de ses pérégrinations qu’il va faire la connaissance de Philip, petit moine de campagne propulsé  à la tête du prieuré de Kingsbridge. Hasard de la vie ou volonté divine, Philip y voit avant tout l’occasion de réaliser son vœu le plus cher : mettre son âme et sa vie entière au service de Dieu. Les destins de ces deux hommes vont se retrouver étroitement mêlés lorsque l’église du prieuré est soudainement détruite par un terrible incendie.
Faire de la cathédrale de Kingsbridge (symbole pour l’un de la puissance divine, aboutissement d’une vie de labeur pour l’autre) la plus grande et la plus belle cathédrale du Royaume d’Angleterre va donc devenir l’enjeu essentiel de leurs existences.
Ken Follett maîtrise parfaitement son art : il parvient à créer, sans la moindre difficulté, une atmosphère tantôt légère et enjouée, tantôt sombre et angoissante. Le lecteur oscille sans cesse entre joie et découragement mais ne peut en aucun cas rester insensible au sort des protagonistes de ce roman.
Au premier abord, on peut être rebuté et dérouté par la longueur de ce roman historique (plus de 1000 pages) qui se déroule au Moyen Age, période sombre de l’Histoire. Mais le talent de l’auteur rend ce roman étonnamment  captivant et palpitant, et fait que ce qui aurait pu être la obstacle fond littéralement devant le plaisir que l’on éprouve en lisant les aventures de Tom, Philip et les autres. A tel point que lorsqu’on achève Les Piliers de la Terre, on regrette que cela soit déjà fini.

Amandine PICART

Ces femmes qui aiment trop de Robin Norwood


L'auteur de "Ces femmes qui aiment trop" assimile la forte attirance du "dépendant affectif" à une pathologie comme la dépendance à l'alcool ou à la drogue de l'alcoolique et du toxicomane. Ce rapprochement est, à mon avis, dangereux et largement injustifié.
En laissant croire que la "dépendance affective" équivaut à une pathologie, on empêche de trouver des solutions saines aux insatisfactions affectives et aux façons de réagir qui la composent. On laisse croire qu'il s'agit d'une maladie plutôt que d'une tentative maladroite de trouver satisfaction. On prive ainsi la personne de tout moyen réel d'y remédier par elle-même. Au-delà ce ça, le titre me semble aberrant. Comment peut-on trop aimer ? L’amour ne se quantifie pas. On aime ou pas. Ce livre qui est pourtant une référence dans le domaine de la psychologie m’a déçu car il oublie un point essentiel qui est que  pour aimer correctement l’autre, il faut d’abord s’aimer soi-même. La dépendance affective n’est à mon avis qu’une recherche dans l’autre de ce qu’on est incapable d’obtenir par soi-même. J’ai besoin de l’autre parce qu’il m’apporte le bonheur que je suis incapable de vivre seul.
Ceci dit, il est évident que ce livre est nécessaire pour les personnes ayant eu de mauvais repères quant à l’amour et la façon d’aimer. On aime comme on a été aimé comme le dit justement Jean Louis Auber. C’est la façon dont nous ont aimé nos parents qui conditionnent notre façon d’aimer.

Alexandra BERNèDE

dimanche 24 janvier 2010

Le couloir de la pieuvre de Olivier Descosse


L’inspecteur Paul Cabrera de la BAC de Marseille est chargé par son supérieur, le commissaire Tomasini, de mener une enquête parallèle et discrète sur les causes de la mort d’un cadavre retrouvé sur l’île de Porquerolles. La victime étant la fille naturelle et non reconnue du commissaire, on comprend sans peine le désir de discrétion de celui-ci. Ce qui est plus surprenant, c’est que le corps disparaît mystérieusement après une autopsie non officielle…La tâche de Paul se complique donc d’autant plus que la demi- sœur de la victime, Meredith, va vouloir comprendre elle aussi ce qui se passe.
Et on ne peut pas vraiment lui donner tord d’ailleurs parce que nous aussi nous voulons savoir, tant cette histoire est prenante, intéressante et passionnante !! On adhère complètement à l’enquête menée de façon réaliste, surtout au niveau de l’investigation. En effet, je me suis laissée aller à partager les doutes, les erreurs d’interprétation, les fausses pistes  des différents protagonistes. L’écriture concise, précise contribue sans doute beaucoup à nous impliquer dans cette histoire. Des phrases simples et bien construites, pas de mots superflus mais néanmoins tout est « ressenti » à la lecture : les sentiments, la violence latente ou réelle, les décors, l’atmosphère. Le personnage de l’inspecteur, écorché vif nous devient rapidement attachant alors que ses cotés déroutants et dérangeants sont pourtant nombreux…Comme son machisme sicilien, ses connaissances de personnes peu recommandables, ses manières quelque peu particulières et pas très orthodoxes d’obtenir des renseignements par exemple. Au fur et à mesure que le récit avance, nous découvrons  un homme blessé, rebelle, solitaire, habité d’une grande violence que l’on a parfois du mal à comprendre mais qui nous le fait paraître paradoxalement fragile, bref un personnage plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord. Si on ajoute à cela du suspens, un soupçon de croyances populaires, un brin de pouvoir politique, de raison d’état et de manipulations en tout genre,  on obtient un roman fort intéressant et divertissant auquel on a du mal à s’arracher.  D’aucuns trouveront peut-être à redire à propos d’un ou deux passages qui paraissent un peu invraisemblables mais l’essentiel n’est-il pas de se prendre au jeu de la lecture ?

Nicole VOUGNY

Christine de Stephen King


Arnie, un jeune lycéen en âge de conduire, est littéralement fasciné par Christine, une vieille voiture en très mauvais état... Sans même réfléchir, il l'achète à Roland Le Bay, un vieillard aigri qui lui en demande beaucoup plus qu'elle ne vaut... Mais Arnie, sous le charme du vieux tacot de Le Bay l'achète sans négocier.
Très vite Arnie se rend compte que sa Plymouth n'est pas une voiture comme les autres. Christine se répare toute seule et plus étonnant, elle semble dotée d'une âme! Elle cale quand Arnie la vexe, accélère comme bon lui semble...
Et bizarrement depuis quelques temps une série de meurtres s'opère dans la région... Toutes les victimes avaient une relation plus ou moins proche avec Arnie…
Dans Christine, flotte comme une odeur écœurante de terre et de cadavres en décomposition...
Bien que ce roman soit écrit à la troisième personne, on est plongé dans l'histoire. A travers les descriptions, on croit voir les personnages et vivre leurs mésaventures.
Certains passages sont terrifiants et ce livre de Stephen King est une merveille pour tous les amateurs de Thriller d'horreur.
Le suspens haletant nous tient en haleine jusqu'à la fin du récit.
J'ai adoré ce best-seller qui selon moi mérite bien sa réputation.

Nolwenn RAULET

samedi 23 janvier 2010

Les voyages électriques d’Ijon Tichy de Stanislas Lem


Embarquez avec le grand savant explorateur Ijon Tichy pour 11 nouvelles aventures !
Près de Bételgeuse venez visiter les mystérieux tourbillons gravitationnels (dédoublements garantis); représentez la Terre à l’Organisation des Planètes Unies; explorez la Carélirie (et sa mirifique calculatrice despote) déguisé en robot; chasser le Portel sur Entéropie (n’oubliez surtout pas la ciboulette); recréer l’univers; explorez le Temps sur une Chronocyclette (gare aux paradoxes); parcourez la jungle de Dichotonie pourchassé par une chaise sauvage…
De nouvelles péripéties, (« Mémoires d'Ijon Tichy », « Le Congrès de futurologie »)
 Dans ce livre débordant d’humour Stanislas LEM évoque de nombreux thèmes : voyage temporel, manipulations génétiques, psychologie et évolution des civilisations et sa chère Cybernétique dont il est passionné.
Comme vous l’aurez compris : fous rires garantis !
A  lire également du même auteur « La Cybériade « : des contes et légendes de robots (tout aussi désopilant).
 Stanislas Lem ne peut vous laisser indifférent : que ce soit dans ses nouvelles délirantes de science fiction (mélange de Boris Vian et de Douglas Adams), visions (de l’autre côté du mur) et critiques de l’Amérique, de la Société, Religion et des Mœurs (dans tous leurs débordements) ou dans un autre genre « Mémoires trouvés dans une baignoire », un huis-clos post-apocalyptique dans un bunker militaire américain (forcément).
Bons Voyages !!!

Olivier JASPART

Le planétarium de Nathalie Sarraute

 "Le planétarium" est un livre appartenant au genre du nouveau roman dont Nathalie Sarraute est la principale représentatrice. La caractéristique essentielle de ce mouvement est la présentation des moindres sentiments et pensées des personnages à un moment précis. Dans "le planétarium", il s'agit d'oppositions, à propos d'un appartement, ou de Germaine Lemaire, une figure littéraire emblématique dans cet ouvrage. Un homme, Alain Guimier, est perdu au milieu de relations familiales et sociales complexes, et peut être considéré comme le personnage principal autour duquel tout se joue.
Le livre se divise en parties correspondant chaque fois au point de vue d'un personnage différent. En lisant la même scène répétée selon telle ou telle personne, le lecteur peut comprendre les motivations qui forcent chacun à faire ce qu'il fait. Les discussions sont décrites comme des aventures périlleuses où le personnage dans la peau duquel le lecteur se met peut gagner ou se perdre. Nathalie Sarraute souligne ainsi la paranoïa qui s'exerce en chacun de nous dès qu'il s'agit d'entretenir des relations.
La lecture de "le planétarium" est donc très intéressante dans le sens où le lecteur peut comprendre certains individus auquels il se heurte et lui procure un esprit plus ouvert. Mais il arrive aussi que l'on se retrouve soi-même dans les personnages. Si on intègre bien l'idée qu'il n'y ait pas d'histoire à proprement parler, c'est un livre très facile à lire.

Clémence BIDOT-BOYELDIEU

vendredi 22 janvier 2010

L'étrangleur de Cater Street de Anne Perry


Premier tome de la série « Charlotte et Thomas Pitt », ce livre met en scène la famille Ellisson, famille aisée qui vit dans les quartiers chics de Londres à l’époque victorienne où les apparences et les convenances comptent plus que tout. Un mystérieux assassin tue des jeunes filles du quartier sans faire de distinction sur leur condition sociale. L’inspecteur Pitt, dont la venue dans les beaux quartiers est très mal vécue et mal vue sous prétexte de n’être pas aussi bien né et de faire un métier presque « honteux », va enquêter et surtout va leur faire découvrir, en particulier à Charlotte un monde qu’ils ne connaissaient pas : celui de la misère des bas fonds de Londres où la pauvreté et les meurtres sont quotidiens et banals mais où l’entraide et les sentiments sont beaucoup plus vrais. Dans le milieu aisé de cette époque, les convenances sont tellement importantes que même les personnes d’une même famille ne se connaissent pas vraiment mais il suffit d’un meurtre et de la peur qui s’installe, qui fait soupçonner tout le monde pour que les secrets de chacun soient dévoilés et la vérité prend alors le dessus sur l’apparence.
Ce premier tome sert surtout à présenter les personnages centraux de toute la série, la rencontre de Thomas et Charlotte, le cadre de leur vie avec toutes les inégalités hommes-femmes ou de condition sociale de cette époque…On sait assez rapidement qui est l’assassin, il n’y a pas beaucoup de suspense mais la fin est assez étonnante (concernant le mobile du meurtrier). Certains passages ne sont pas très réalistes surtout en ce qui concerne les sentiments des personnages qui je trouve ne sont pas assez approfondis: après la mort d’une personne de leur famille, ils n’ont pas l’air franchement attristés et continuent leur vie comme si rien de s’était passé. En revanche, on apprend beaucoup sur les us et coutumes de cette époque et dans ce milieu social où tout est régi par des codes, où chacun doit rester à sa place et où les femmes et les hommes n’ont pas les mêmes libertés. Même Charlotte qui est sensée être la « rebelle », se plie sans trop discuter à ces règles.
Ce roman est très simple à lire, on se laisse embarquer dans l’histoire et on s’attache assez rapidement aux personnages surtout parce que l’on sait qu’on va les retrouver dans les prochains tomes de la série et qu’on va les voir évoluer. Je pense que ces romans policiers plairont plus aux femmes car Charlotte et sa sœur Emily sont les héroïnes principales, on se met donc plus facilement à leurs places et on comprend leur façon de penser mais aussi parce qu’il n’y pas assez d’actions pour intéresser un homme. On apprend plein de choses à propos de l’époque victorienne : la vie quotidienne des milieux bourgeois en particulier des femmes où les visites chez leurs voisines constituent la principale activité de la journée, leur conditionnement par les hommes à leur rôle de maîtresse de maison et de mère… Anne Perry nous inonde de pleins de petits détails pour nous faire oublier l’enquête policière pendant quelques pages mais surtout pour mieux nous emmener au dénouement final. Et juste pour information, il faut se renseigner sur la vie d’Anne Perry, elle a eu une adolescence assez mouvementée…

Florence Touzet

A la poursuite de Cacciato de Tim O'Brien


Le roman A la poursuite de Cacciato mêle deux récits. L’un très linéaire relate de façon chronologique la poursuite qui s’organise pour récupérer un déserteur. La guerre de Vietnam fait rage. L’autre récit, plus tortueux, plus sombre, raconte divers moments de cette guerre, la mort des camarades, les missions, l’arrivée des nouvelles recrues sur le théâtre des opérations où on leur annonce « Vous allez mourir »…
Les chapitres se succèdent alternant sans ordre apparent les deux récits. Pourtant un chapitre intitulé « Le poste d’observation » revient par dix fois tout le long du roman, il est comme une respiration, un rappel constant de l’architecture romanesque. Car assez rapidement le lecteur comprend ce dont il est question : Paul Berlin surnommé Spec Four est un jeune soldat, il est de garde dans une tour de guet dans un endroit où il n’y a rien à observer, au bord de la Mer de Chine méridionale. Il occupe son temps en se remémorant des évènements particulièrement douloureux de sa jeune vie de soldat, mais aussi parce que cela est trop douloureux, en inventant une histoire, l’histoire d’un soldat un peu idiot camarade de section qui a décidé de déserter et de se rendre à Paris. Mais en partant à sa recherche le groupe de poursuivants dont il fait parti déserte à son tour. Treize mille huit cent sept kilomètres seront parcourus en l’espace de quelques centaines de pages.
Le travail d’imagination complète le travail de mémoire pour mieux exprimer le sentiment de désarroi et de culpabilité des acteurs de cette guerre. Car la relation des évènements est insuffisante à dire la vérité. L’interaction entre la mémoire et l’imagination est seule apte à faire appréhender et à faire comprendre la complexité de la situation.
Grâce à ce procédé O’Brien réussit merveilleusement son pari. Ce n’est pas là un roman de guerre supplémentaire, c’est une œuvre riche et moderne qui s’achève là où elle a commencé.

Jacky GLOAGUEN

jeudi 21 janvier 2010

Hornblower prend la mer de Cecil Scott Forester

En 1793, Horation Hornblower, jeune homme de 17 ans, s'engage dans la Marine Royale anglaise. Solitaire et timide, il s'intègre difficilement, les autres aspirants lui menant la vie dure. Peu à peu cependant, "l'aspirant qui a eu la mal de mer à Spithead" révèle ses mérites : sérieux à toute épreuve, esprit d'initiative, courage indéfectible malgré ses peurs cachées et qui va lui permettre d'affronter toutes les situations fort périlleuses auxquelles il va avoir affaire. Ses supérieurs ne s'y trompent pas, qui vont faire gravir petit à petit à ce chef né les échelons de la hiérarchie maritime.
Le personnage de Hornblower est un personnage complexe. Il n'a pas foi en lui-même et ressasse ses manquements et ses petits tracas jusqu'à s'en rendre malade. Cependant, extérieurement, il fait montre d'une grande maîtrise de soi et, quand la situation l'exige, le doux agneau se transforme en lion. Il ne se rend pourtant pas compte de ses propres qualités, alors qu'elles sautent aux yeux de son entourage. Et avec lui, on n'a pas le temps de s'ennuyer : Les péripéties s'enchaînent à toute vitesse, nous entraînant à la suite d'Hornblower dans des batailles navales, assauts, naufrage...
Le style employé est direct. L'auteur relate des faits et ne se perd pas dans de longues envolées lyriques. Des phrases simples et courtes, avec parfois quelques tournures surannées qui ne manquent pas de charme pour le lecteur moderne. Mais ce qui régale surtout le lecteur, c'est le vocabulaire maritime dont Forester use à tout de bras, nous immergeant complètement dans l'univers des grands navires de guerre de l'époque napoléonienne : Même le lecteur le plus néophyte savourera le langage employé ici.
Je regrette seulement de n'avoir pas pu profiter pleinement de ce grand classique de la littérature d'aventures maritimes : Cette édition est une version jeunesse, le texte a subi de nombreuses coupes. Les épisodes s'enchaînent en passant du coq à l'âne, avec quelques phrases en italique en début de chapitre résumant ce dont nous avons été privés, qui m'ont laissé sur sa faim...

Marie-Soleil WIENIN

Les dames du Lac Tome II : les Brumes d'Avalon de Marion Zimmer Bradley


L'histoire : Arthur règne toujours et a établi une paix qui semble durer. Il n'a toujours pas d'héritier mais refuse de répudier Guenièvre malgré son comportement adultère avec Lancelot, comportement que de nombreux chevaliers réprouvent en silence. Peu à peu Arthur abandonne l'ancienne religion et Avalon qui lui a pourtant confié Excalibur. Après le décès de Viviane, Morgane se sent bien seule pour défendre ses croyances. Elle lutte dans l'ombre sans savoir exactement si elle fait plus de bien ou de mal. Son fils, fruit de ses amours avec Arthur lors de la cérémonie des feux de Beltane, attend lui aussi son heure. Les forces s'assemblent et vont bientôt s'opposer.
Verdict : j'ai préféré ce tome au premier. Les intrigues se font et des rebondissements ont lieu comme la trahison de Kévin. Les années passant, de nombreux chevaliers meurent et Avalon est peu à peu désertée de ses habitants et peu de prêtresses viennent encore. Guenièvre est égale à elle même; je ne l'avais pas aimé dans le un, je poursuis dans le deux; je ne réprouve pas son comportement avec Lancelot mais sa conduite envers le Roi, son entêtement dans ses croyances. L'apparition imprévue du Graal redonne une nouvelle force à la Table Ronde mais n'apporte pas de solution au royaume d'Arthur.
Le style de MZB est très fluide et on ne souffre pas de longueur; sa position est plutôt féministe puisque les femmes luttent pour rester maître de leur destinée malgré des forces puissantes et incontrôlables. Les descriptions sont efficaces et les évènements s'enchainent rapidement. Quelques retours en arrière rapides permettent de resituer les personnages. Quelques discours concernant Guenièvre restent mièvres comme dans le premier tome. Ce livre relate donc les aventures du roi Arthur et de ses chevaliers, des héros qui cependant connaissent des faiblesses, du point de vue d'un narrateur féminin assez inattendu, celui de Morgane, souvent considérée dans la légende comme la « méchante ».
Au fond, chaque partie reste ancrée sur ses positions sans essayer d'évoluer sauf peut être Kévin qui tente de concilier les deux mondes. J'ai passé un bon moment au côté de Morgane, de ses amours, de ses sacrifices et de ses erreurs aussi. Un peu de magie ne fait pas de mal et j'aime lire l'évocation de ces croyances qui furent celles de nos lointains ancêtres.

Cécile MAURELLET

mercredi 20 janvier 2010

Crime et couches-culottes deJennifer Weiner


Kate Klein est une femme surmenée avec trois enfants en bas âge qui monopolisent tout son temps. Elle rencontre de réels problèmes d’organisation et a vraiment du mal à gérer tout ce petit monde. Par ailleurs, elle ne reçoit guère l’aide de son mari qui se préoccupe davantage de ses affaires professionnelles. Elle trouve sa vie répétitive, sans surprise et son métier de journaliste qu’elle exerçait lui manque parfois. Cependant, son existence si paisible jusqu’à présent va bientôt être bouleversée, car elle va découvrir le corps inanimé de sa voisine Kitty Cavanaugh, baigné dans du sang avec un couteau planté entre les omoplates.
« Crimes et couches-culottes » nous rappelle un peu cette célèbre série télévisée « Desperate Housewives » tant appréciée par le grand public. Ce roman de Jennifer Weiner met en scène des mères de famille hypocrites, des enfants turbulents, des maris infidèles, des histoires sentimentales complexes, et enfin des intrigues autour d’un crime commis dans le quartier…
J’aime assez cette narration alternée entre la vie présente et celle du passé de l’héroïne. En effet, l’auteur utilise des flashs back pour nous faire découvrir la jeune fille qu’elle avait été en comparaison de la femme mûre qu’elle est devenue avec des responsabilités. Cela nous permet également d’observer l’évolution du personnage et d’apprendre certains détails comme ses amours avant son mariage avec Ben, les circonstances de sa rencontre avec Janie, sa meilleure, ou encore celle avec Evan McKenna.
J’apprécie beaucoup Janie qui représente une personne dotée d’une forte personnalité, elle est audacieuse et battante. Quand à Kate Klein, elle me touche avec ses désillusions sentimentales même une fois mariée. En revanche, elle me fait rire lorsqu’elle se compare avec les autres mères et ne comprend pas comment ces dernières parviennent à être toujours bien coiffées et bien habillées même pour emmener les enfants au parc : où trouvent-elles le temps pour s’apprêter ?
Ce roman est moderne, facile à lire et simple à comprendre, sauf le dénouement que j’ai trouvé un peu ambigu et confus à cause des divers liens entre les nombreux personnages. Par ailleurs, il faut reconnaître que ce n’est pas très crédible une mère de famille qui s’improvise détective. Le livre bénéficie d’un rythme soutenu et dynamique, enchaînant assez rapidement les événements les uns derrière les autres. La lecture est plaisante, j’ai passé un agréable moment avec cet ouvrage sans pour autant qu’il fasse partie de mes préférés.

Ngan Dai GRAMOLINI

Un été dans l'ouest dePhilippe Labro


Ce livre qui est la suite de « L’étudiant étranger » nous emmène au cœur des Rocheuses. Notre étudiant français a trouvé un job d’été pour gagner de l’argent et ainsi financer sa seconde année d’université. Pour cela il doit se rendre à Norwood suite à la convocation de la U.S Forest Service. Il va donc traverser les Etats-Unis en stop et chemin faisant faire des rencontres dangereuses ou heureuses.
Une fois installé en forêt, son job consiste à éliminer un insecte qui détruit les arbres. Alors commence une vie au rythme difficile,  mais passionnante.
Notre étudiant fait la connaissance de Pacheco, de Bill qui n’évoque jamais son passé, de Mack son contre- maître et de bien d’autres personnages aux caractères bien trempés et aux mines patibulaires.
Entre les virées au village le plus proche, les bagarres, l’arrivée de dangereux motards dans la région et les situations cocasses liées au fait d’être dans un camp peuplée uniquement d’hommes, le lecteur n’a pas le temps de s’ennuyer.
J’ai bien aimé ce livre qui vraiment nous transporte littéralement dans l’Ouest américain. Pour commencer le voyage en stop est fortement instructif : passion, danger, amitié mais aussi l’auteur nous montre bien une Amérique profonde  mais pas forcement morale.
L’auteur nous montre de l’intérieur la vie quotidienne dans le camp et nous décrit les conditions de travail des journaliers « forestiers ».
 Les descriptions des Rocheuses avec la faune et la flore qui y sont liées sont très bien détaillées et fortement colorées.
Les personnages sont très représentatifs de l’Ouest : des gens qui sans cesse se déplacent pour travailler afin de gagner quelques dollars, qui traînent chacun une histoire avec ses propres mystères mais des gens que les épreuves endurées soudent. Pour preuve, cette solidarité envers notre étudiant lorsqu’il est malade.
Par ailleurs j’ai apprécié les descriptions d’objets dans leur milieu naturel, qui, quelques années plus tard seront des objets de consommation banale, sans âme.
Pour finir le retour à la vie « civilisée » n’en est pas intéressant et nous montre également la difficulté de trouver un travail dans le milieu de la presse.
Un bouquin que j’ai apprécié et dans lequel parfois j’ai retrouvé des personnages à la Steinbeck.

Edouard RODRIGUEZ

mardi 19 janvier 2010

La voie du sabre de Thomas Day


Rêvant que son jeune fils de douze ans, Mikedi, épouse un jour l'Impératrice-Fille, le seigneur Nakamura le confie à un rônin de piètre allure, négligé et impoli, mais de grand talent : Miyamoto Musashi. Celui-ci excelle en tout, c'est un combattant inégalable et un amant merveilleux. C'est aussi un personnage énigmatique, au corps intégralement couvert d'un tatouage mouvant, qui arpente l'île depuis plus d'une centaine d'années à la recherche du sabre magique qui fait la paire avec le sien. Le maître va guider son élève sur la Voie du Sabre : combattre librement au service de la justice pour donner aux autres le bonheur que l'on s'interdit. Une voie qui passe par l'apprentissage des arts martiaux, mais aussi des plaisirs de la chère et de la chair. Mais c'est une voie bien étroite pour un adolescent ambitieux, qui peut facilement s'effacer derrière la Voie de l'Amour ou celle du Pouvoir...
 Thomas Day nous convie ici dans un Japon médiéval mêlé de fantasy, où l'empereur est un dragon, où la magie existe. Ce livre repose cependant sur une parfaite connaissance de la culture japonaise de cette période : Cérémonie du thé, seppukus rituels au nom de l'honneur, tout est criant de réalisme.
Le roman s'appuie (fort librement) sur un personnage historique, le légendaire Musashi, connu pour ses exploits au sabre mais également pour son Traité des cinq roues, un ouvrage de stratégie. Ce guerrier fameux nous est présenté comme un homme souvent vulgaire, d'une saleté repoussante, mais également comme un sage et un poète, vivant en accord avec les lois de l'univers. Son élève est malheureusement d'une autre trempe, ne se révélant pas à la hauteur du maître malgré l'admiration qu'il lui porte et échouant à appréhender la Voie du Sabre.
Le style employé est clair et très visuel. En lisant cette prose fluide et évocatrice, le lecteur ne manquera pas de se représenter des images très fortes qui ne sont pas sans rappeler les films d'arts martiaux japonais : quand Musashi combat, le temps semble se figer, au point qu'il sculpte dans les airs le sang qu'il vient de faire gicler... Nous sommes littéralement plongés dans une atmosphère de violence et d'érotisme très proche de celle du Japon féodal. Le vocabulaire précis contribue également au réalisme.
L'intrigue est également entrecoupée de plusieurs contes, qui enrichissent le récit en remplacent avantageusement de longues explications.
Dans les points négatifs, on pourra regretter un manque de développement des personnages et de certains événements relatés fort brièvement. En effet, le roman est assez court et ne s'attarde guère, manquant un peu de substance.
Un roman pour qui aime les univers med-fan, le Japon des samouraï et les récits initiatiques.

Marie-Soleil WIENIN

Cave Canem de Danila Comastri Montanari


Rome, 1er siècle après J.C. Le Sénateur Publius Aurelius est issu d'une riche famille patricienne. Epicurien convaincu, s'il collectionne les conquêtes féminines, il est également un fin lettré, perspicace et curieux, avec une propension à s'attacher à la résolution d'affaires mystérieuses... Au cours d'un voyage, il fait une halte dans la Villa des Plautii et apprend que l'aîné de la famille a été retrouvé noyé dans un vivier de murènes. Très vite, le Sénateur comprend qu'il s'agit d'un meurtre et qu'on l'a poussé. Mais entre sa veuve qui ne semble pas touchée par ce décès et la fille de celle-ci, son frère devenu seul héritier, la première épouse de son père et le fils de cette dernière, les suspects ne manquent pas. Publius Aurelius a fort à faire pour démasquer l'assassin...
Il s'agit d'un roman policier de facture assez classique. Cependant, l'intrigue est bien menée, ses nombreux rebondissements tiennent le lecteur en haleine, et le style est agréable, sans être extraordinaire. L'originalité du roman tient évidemment au cadre spatio-temporel : l'Empire romain sous le règne de Claude. L'auteur maîtrise son sujet et présente des aspects de la société et de la vie quotidienne de façon très précise, sans exposé rébarbatif. Au contraire, elle procède par petites touches, intégrant ces éléments à la narration avec naturel et fluidité. Qu'il s'agisse des rapports familiaux, du statut des esclaves ou plus simplement du maquillage ou des habitudes alimentaires de l'époque, tout cela confère au récit une atmosphère unique.
M'intéressant à l'Empire romain et appréciant les romans policiers, j'ai été enchantée par cet ouvrage qui mêle habilement les deux. L'intrigue est assez prenante, mais c'est surtout l'atmosphère que dégage ce livre que je retiendrai. Je me suis véritabelement sentie transportée dans l'Empire du 1er siècle, au sein d'une famille romaine et des rapports complexes qui la régissent. Plus encore, tous les détails sur le quotidien m'ont ravie : j'ai appris énormément de choses, sans jamais m'ennuyer. Quant aux personnages, si je ne me suis pas vraiment attachée à eux, je les ai trouvés très crédibles et j'ai rapidement été happée par le récit. C'est pour moi un excellent roman, et je compte bien lire les autres ouvrages de la série !

Fanny LOMBARD

lundi 18 janvier 2010

Le sac de Valérie McGarry


Que ferais tu si ton mari te trompait? ». Cloé aurait pu ne pas prêter beaucoup d’intérêt à la question posée par sa meilleure amie lors d’un diner mondain. Elle aurait pu donner une réponse « improvisée » tout en considérant la question sans importance.
Riche propriétaire d’une galerie d’Art en vue, mariée a un talentueux éditeur, Cloé se croyait heureuse et invincible. Mais… Et si Marc la trompait après plus de dix ans de mariage apparemment sans histoire ? Elle a bien rêvé de son mari en compagnie d’une autre… Prémonition ou fiction ? Et cette facture pour deux luxueux sacs a main identiques, la preuve d’une faute impardonnable ? Toutes les pistes semblent converger vers une réalité inacceptable. Même sa meilleure amie Maya, vétérinaire portée sur la psychologie des animaux de compagnie, n’arrivera pas a apaiser cette femme qui tremble a l’idée d’entrer dans le cercle non convoité des femmes trompées.
C’est le récit d’une femme amoureuse, jalouse et désespérée qui, sans oser poser LA question à son mari, élaborera les plans les plus improbables pour découvrir la vérité au risque d’en oublier qui elle est. Mais c’est aussi le récit de son cheminement intérieur, à travers ses doutes et des passions,  qui la mènera vers des lieux inconnus mais dangereux.
L’auteure nous fait vivre – ou revivre – avec humour et réalisme l’expérience souvent tragique de la jalousie lorsqu’elle est aveugle et destructrice. Et soulève avec justesse la question de la vengeance dans la relation de couple. La vérité est souvent à portée de main, encore faut-il avoir le courage de s’en approcher et de la regarder en face dans sa globalité. Cloé y parviendra-t-elle ?

Amandine FREYBURGER

Vingt ans après d'Alexandre Dumas


Vingt ans ont passé depuis les évènements relatés dans "Les Trois Mousquetaires". Après la mort de Richelieu et de Louis XIII, Anne d'Autriche exerce la Régence pour son fils Louis XIV, assistée par Mazarin, Cardinal italien aussi madré qu'âpre au gain. Seul d'Artagnan sert encore au sein des mousquetaires, cantonné à de peu reluisants postes de garde. Mais voilà que le Cardinal, ayant eu vent de ses exploits passés, fait appel à lui et à ses acolyes pour de délicates missions. D'Artagnan, y voyant le moyen de gagner le grade de capitaine, accepte. Reste à retrouver ses anciens compagnons, dont il est sans nouvelle... Si Portos, devenu riche châtelain en Picardie, accepte devant la promesse d'une baronnie, il n'en est pas de même pour Aramis, qui a rejoint les ordres, et Athos, qui s'est retiré sur son domaine. Il faut dire que ces deux-là, partisans de la Fronde qui gronde contre Mazarin, s'opposent au Cardinal...
Dans cette suite des "Trois Mousquetaires", on retrouve nos héros toujours fidèles à eux-mêmes malgré les années. Dumas leur adjoint également de nouveaux personnages, dont le fils de Milady en quête de vengeance, le Vicomte de Bragelonne, le Duc de Beaufort, Madame de Chevreuse... et bien sûr, Mazarin, personnage haut en couleurs ! Dans ce style riche et flamboyant qui lui est propre, Dumas enchaîne les péripéties, de l'évasion du Duc de Beaufort à l'éxécution de Charles Ier d'Angleterre en passant par la Fronde, entre autres. Si les personnages sont parfois un peu caricaturaux, ils ont aussi plus de profondeur, et l'action, toujours époustouflante, se double d'une réflexion sur l'amitié, le sens de l'honneur, le temps qui passe...
Si certains ne tiennent pas Alexandre Dumas pour un grand écrivain, ce n'est pas mon cas ! Certes, sa prose n'est peut-être pas  parfaite, mais cela ne m'empêche pas de dévorer ses romans et d'être enchantée par cette écriture éclatante, et ce mélange de roman historique et d'aventures. Il m'a fallu plus de temps pour plonger dans ce livre que dans "Les Trois Mousquetaires", mais au final, j'y ai pris autant sinon plus de plaisir : le caractère des personnages est plus fouillé, et c'est un régal de voir comment ils ont évolué, et les chemins divergents qu'ils ont suivis. Quant à l'imagination de Dumas, elle semble ne pas avoir de limite ! Des retrouvailles que j'ai énormément appréciées, et c'est à regret que j'ai refermé ce livre.

Fanny LOMBARD

dimanche 17 janvier 2010

Le paysan de Paris de Louis Aragon


Ce livre, qui fait partie des « classiques » a été écrit en 1924, 1925. Il s’agit d’une promenade dans Paris, tout d’abord, et plus précisément dans le passage de l’Opéra où l’auteur décrit les boutiques, les hôtels, les gens qu’il observe. Il raconte avec poésie et lyrisme, toute la vie « grouillante » de ce passage, à cette époque.
On se trouve plongé dans un univers clos, quelque peu mystérieux, où il se passe des « choses assez louches ». Ce passage possédait de nombreux escaliers, de nombreuses portes qui débouchent sur les boulevards, mais où il était difficile de se retrouver si on ne connaissait pas les lieux.
    L’auteur s’inquiète car les travaux d’Haussmann avancent très vite et menacent cette galerie. Il décrit aussi ses habitudes, ses rencontres dans cet endroit qui était le lieu de rendez-vous des surréalistes.
Il nous fait ainsi revivre toute une époque désormais révolue. Il n’y a pratiquement pas de dialogues, mais des phrases très longues, avec de nombreuses métaphores. Pourtant on ne s’ennuie pas car son style est vivant, on sent vivre les gens et les lieux. Il y a aussi tout au long du livre, des « reproductions » des pancartes d’information ou des affiches publicitaires qu’il découvre au cours de sa promenade, sur les vitrines ou les murs. On trouve aussi une chanson, une fable ou autres descriptions réelles. Très observateur des détails, il nous livre aussi les sentiments que lui inspirent les choses, les gens, les instants.
Puis en seconde partie, il nous entraine aux Buttes Chaumont et décrit la nature et les « traces » de l’homme. (Calvaires, statues…). Au regard de toutes ces choses, il laisse voyager sa pensée, nous parle de ses sentiments, de ses idées.
J’ai beaucoup aimé la première partie de ce livre qui nous montre la vie de cette époque et la description de ce passage aujourd’hui disparu, il reste un document historique.
J’aime moins la deuxième partie, beaucoup plus philosophique, plus abstraite, et moins intéressante pour moi.
Pourtant, malgré quelques passages un peu difficiles et longs, il vaut vraiment la peine d’être lu. 

Hélène SALVETAT

Une soirée chez Larry de Carol Shields


Ce roman parle des mots et des arbustes, de l’amour d’un homme pour les labyrinthes et du plaisir qu’il éprouve dans la découverte de mots inconnus qui le font s’ouvrir au monde. Larry Weller est le héros qui dans un éclair de lucidité devine que l’avenir est une lutte sans fin pour se rappeler ce qu’il sait déjà.
A travers deux mariages, un divorce, la difficulté d’être père, Larry devient un homme adulte avec ses doutes, ses échecs et ses interrogations perpétuelles. La métaphore du labyrinthe hante son esprit, elle emplira sa vie puisque de simple fleuriste, il devient un concepteur de labyrinthe internationalement reconnu. Le labyrinthe est un jardin particulier, il est fait pour se perdre et pourtant il contient un chemin qui mène à un point central appeler but toujours matérialisé par une fontaine, un tumulus, un banc, une statue… C’est une énigme.
La trame du roman est simple, une succession de chapitres au titre évocateur accompagnés du croquis d’un labyrinthe. La suite chronologique est respectée, vingt ans de la vie de Larry Weller nous sont révélés, chaque chapitre se réfère à une année particulière. Pourtant l’histoire ne nous est pas racontée de façon linéaire, le récit est émaillé de retour en arrière, de digressions, de répétitions. Car le roman est conçu comme une partition musicale où les phrases sont reprises, retravaillées comme le thème d’une œuvre musicale est décliné dans ses incessantes variations.
Carol Shields est maître du jeu, elle n’en finit pas de relater le lien qui unit Larry au premier labyrinthe qu’il a conçu dans son jardin lors de son premier mariage, au lendemain de la nuit de noce, et qu’un bulldozer a entrepris de détruire, plus exactement de tronquer, qui pourtant continue d’exister, énigmatiquement entretenu par sa première femme bien des années après leur séparation.
Une soirée chez Larry est un roman enchanteur qui se lit avec un plaisir constant, c’est une véritable réussite où Carol Shields, auteur canadien de langue anglaise, nous révèle un véritable talent littéraire.

Jacky Gloagen

samedi 16 janvier 2010

Rendez-vous au Colorado de Philippe Labro


Notre  écrivain se remet d’une opération lourde lorsqu’il reçoit une invitation pour aller dans le Colorado. Bien entendu il accepte car dans sa jeunesse il a passé un été à travailler dans cette région. De plus, ce voyage espère t-il, l’aidera à résoudre un petit mystère : depuis son opération une image, comme un remord, du prénom de Karen le hante.
Une fois sur place, il s’aperçoit que Norwood a évolué mais sans changement radical, et lui s’y retrouve totalement dans ce petit village du fin fond de l’Ouest américain…  
Le temps a passé mais les vers du poète Santos-Montané sont toujours présents dans la région. Mais qui est donc ce poète que personne n’a vu ? Et va-t-il trouver une solution à sa vision opératoire nommé Karen ?
J’ai apprécié ce roman qui nous emmène dans le passé d’un homme qui a bien conscience que le temps ne revient pas mais que les erreurs peuvent se corriger, et ceci même après plusieurs décennies.
Les descriptions des forêts, des ciels, des animaux mais aussi de Norwood, son village aux mille souvenirs sont excellentes.
On peut trouver également dans ce roman des passages ou plutôt  quelques lignes qui nous invitent à la réflexion sur des sujets tels que le gigantisme des constructions, le traitement des indiens par les blancs, la guerre du Vietnam …

Dans ce roman il y a différents fils rouges qui nous tiennent en haleine :
- le titre de chapitre intitulé « la jeune femme au visage grêlé » qui revient souvent jusqu’à ce que cette jeune femme, nommé Karen rejoigne le passé de l’auteur.
- Qui est Santos-Montané  ce poète qui traverse le temps ?
- Et puis comment vivre un retour dans le passé si cher  à l’auteur ?

Edouard RODRIGUEZ

L'appel de la forêt de Jack London


Buck, est un magnifique animal dont le poids, la majesté, la beauté des formes et l'intelligence humaine de son regard résultent d'un croisement entre Elno, son père, un impressionnant  terre-neuve et Sheps, sa mère, une petite chienne colley de pure race écossaise.
De par son physique, son intelligence et l'étoile sur son pelage, Buck va découvrir à quelle communauté il devra appartenir pour le reste de sa vie.
Ce merveilleux chien va connaitre des moments plus qu'insupportables au fil des différentes étapes et rencontres de sa vie.
Il va affronter l'enfer pendant de long mois ... le froid jusqu'à -50°C, la neige, la méchanceté des êtres humains et des autres chiens. Il accumulera de nombreuses cicatrices autant physiques que morales.
Apeuré, rempli de colère et de haine, Buckluttera pour tenter de survivre et d'atteindre "l'appel de la forêt" qui se révèle, de plus en plus fort, en lui.
Il changera de comportement au fil du temps, rencontrera un être humain, aux côtés de qui il vivra, enfin un moment de répit.
Roman "illustré" de Jack London où l'on suit les actions de Buck (illustrations de Philippe Munch en rapport à certaines scènes).
L'écriture est simple et composée de phrases assez longues à la 3ème personne.
A travers ce livre, on partage sa vie : ses souffrances, ses sentiments, sa haine ainsi que ses bons moments qui sont malheureusement rares.
Quand on aime et qu'on est passionnée par les animaux, il est difficile de s'arrêter à la fin d'un chapitre car pages après pages, on a envie de partager les souffrances de Buck et de lui venir en aide ...

Johann BATSLEER

vendredi 15 janvier 2010

La classe de neige de Emmanuel Carrère


La classe de neige est le cinquième roman d'Emmanuel Carrère. Il a reçu en 1995 le prix Femina pour cette oeuvre qui fut adaptée au cinéma par le réalisateur Claude Miller en 1998.
Nicolas est le personnage principal de ce court récit de moins de 150 pages qui comme son titre l’indique, se déroule lors d’une classe de neige. C'est un enfant craintif, un peu replié sur lui-même, sans véritable ami. Il cherche constamment à se fondre dans la masse sans jamais réellement y parvenir. Dès son arrivée, il marque malgré lui sa différence puisque son père refuse qu'il prenne le car et l'emmène lui-même au chalet.
Les personnages qui gravitent autour de lui sont peu nombreux. Il y a Hodkann, le caïd de la classe et l’ami inaccessible, Patrick le moniteur de ski, la maîtresse et le père de Nicolas. La plupart des autres protagonistes sont à peine évoqués et demeurent des images en retrait appartenant au décor.
L'histoire démarre simplement, presque de façon banale même et pourtant on sent déjà planer une menace sur Nicolas. Comme si quelque chose de grave et d'inévitable allait se produire. L’auteur mène remarquablement son récit car il installe un climat étrange et oppressant sans que l'on s'en rende compte.
De par les questionnements et les doutes de cet enfant sont évoqués de nombreux thèmes, certains propres à l'enfance et d'autres universels comme la normalité, la culpabilité, le désir d'être comme les autres, le poids du groupe, la peur de l'abandon.
Et puis il y a ces passages qui laissent un goût particulier : des récits terrorisants du père aux rêves d’angoisse de Nicolas.
J'ai beaucoup apprécié cette histoire dont la narration est très bien maîtrisée. C'est un texte limpide au style précis et direct. Il est presque enivrant de se laisser porter par cette tension qui monte tout au long du récit. Seul petit bémol, j'ai pour ma part trop vite compris le dénouement de l'histoire.

Rémi VIALLET

L.A. Requiem de Robert Crais


Une jeune fille a disparu. C’est l’ancienne petite amie du détective privé Joe Pike et le père de cette dernière, le richissime Frank Garcia, fait appel à son ex-futur gendre. Le corps de Karen est rapidement retrouvé et les relations de Frank lui permettent d’imposer aux policiers chargés de l’enquête la présence de Joe et de son associé Elvis Cole. De difficiles relations en perspectives !
La narration fait des va-et-vient entre l’époque actuelle, l’enquête sur le meurtre de Karen par les deux détectives privés, Joe Pike et Elvis Cole, et des événements du passsé. On suit également plusieurs points de vue, selon les périodes, car une partie du récit est prise en charge par Cole, qui parfois interpelle avec humour le lecteur pour le prendre à témoin. Ce procédé nous permet de comprendre la personnalité complexe de Pike, de sa jeunesse violente à son incorporation dans l’armée jusqu’à son histoire d’amour avec Karen, en passant par ses débuts dans la police de Los Angeles, situation dont les ramifications s’étendent jusqu’à aujourd’hui. Pike semble faire un suspect idéal et Elvis, persuadé que c’est un coup monté, devra faire son possible pour trouver des preuves de son innocence.
On est happé à la fois par les progrès de l’enquête, par l’envie de comprendre mieux la complexité de la personnalité taciturne de Joe, l’espoir de percer son secret et les causes de sa souffrance, mais la gravité de ces deux thématiques est servie par le ton ironique et drôle de la narration de Cole, qui offre des intermèdes amusants.
On est ainsi confronté à l’ambiance de la police de Los Angeles, un peu comme celle qu’on trouve dans les romans de Connelly, faite d’assauts de virilité, de machisme, de courage et de compétence, avec l’humour nécessaire pour tenir à distance les horreurs rencontrées au cours des enquêtes. On voit aussi se dessiner les dérives du carriérisme et de l’arrivisme, qui mettent des œillères à des policiers, les faisant ainsi passer à côté d’indices majeurs.

Mélanie Bart

jeudi 14 janvier 2010

Sans dommage apparent de Ruth Rendell


Plusieurs histoires s’entremêlent dans la petite ville anglaise de Kingsmarkham, auxquelles est confronté l’inspecteur principal Wexford. On passe alors par toutes les couches de la société et peut-être certaines de ces intrigues sont-elles liées ?
Des jeunes filles très différentes les unes des autres, sont enlevées de façon mystérieuse et rendues sans dommage à leur famille au bout de trois jours, mais sans que celles-ci soient très explicites sur ce qui leur est arrivé. Certes, elles ont été droguées avec la drogue du violeur, mais il semble que rien ne se soit passé. Néanmoins, pourquoi mentent-elles ?
La cité Muriel-Campden est à feu et à sang car on vient de libérer un pédophile et il vient d’y emménager, alors que de nombreux enfants peuplent cette cité défavorisée. Chaque personnalité apporte sa pierre à l’édifice et joue son rôle dans les phénomènes de foule qui en découlent.
Un nouveau programme de protection des femmes battues est mis en place en partenariat avec le commissariat de Kingsmarkham et la fille aînée de Wexford, Sylvia, est bénévole dans un foyer de refuge pour ces personnes. Elle répond au téléphone et conseille les femmes en détresse.
Enfin, l’affaire devient sérieuse quand une enfant de trois ans qui semble un peu retardée disparaît mystérieusement à son tour, dans un quartier chic de la ville.
Ces quatre affaires sont liées par l’inspecteur Wexford, mais peut-être d’autres connexions existent-elles ?
On prend beaucoup de plaisir à suivre l’inspecteur, son étonnement bourru face aux changements de la société anglaise et ses efforts pour comprendre les motivations des uns et des autres, même quand elles sont obscures, voire loufoques ! Ses réflexions sont subtilement ironiques et savoureusement servies par des descriptions hautes en couleurs de l’environnement, des appartements miteux et jamais entretenus, des maris violents quittés par leurs femmes aux intérieurs lustrés des parfaites femmes au foyer. Les dialogues sont nombreux, rendant la lecture très vivante, et ils s’adaptent parfaitement aux différentes personnalités des protagonistes, que ce soit les filles mères lentes d’esprit, les serbes réfractaires à toute idée d’apprendre la langue aux collègues se piquant de culture.
L’intrication des histoires sème des fausses pistes sans être jamais gratuite, offrant un éclairage sur des faits de société. Les passions sont les mêmes dans toutes les couches de la société, et cela ne rend pas plus facile leur appréhension, même par un inspecteur au regard aussi acéré, qui de plus bénéficie de l’aide de sa fille assistante sociale.
Une belle lecture qui monte crescendo au fur et à mesure qu’on découvre ce petit monde, ou plutôt ces petits mondes juxtaposés qui se croisent dans se connaître.

Mélanie BART

Je vivrai l'amour des autres de Jean Cayrol


Le roman est divisé en deux parties bien distinctes. La première ressemblerait à une longue harangue au lecteur, elle s’intitule Il vous parle. Un jeune homme de vingt quatre ans raconte à la première personne sa vie de mendigot, de chômeur. Nous sommes quelques années après la seconde guerre mondiale et il vient d’être libéré du camp de Mauthausen. Les jours se ressemblent du fond de sa chambre d’hôtel où il n’y a de place que pour un lit et vivre couché.
La deuxième partie est un récit écrit à la troisième personne. Le lecteur passe quelques jours avec Armand. Le quotidien est le même. Pourtant Armand travaille, il vit avec Albert et Lucette, dans un débarras qu’ils lui sous louent. Armand existe à travers leur amour. Pourtant peu à peu, Armand s’ouvre au monde, il s’aperçoit qu’il a quelque chose à partager, ne serait-ce que sa misère et son ignorance.
Jean Cayrol est un maître de la littérature, il excelle dans la description des petits matins glauques. Grâce à l’accumulation de détails, d’infimes annotations, il rend palpable la solitude dans laquelle chacun de ses personnages se débat.
Les caractéristiques romanesques suivent le statut des personnages. Les dialogues sont peu nombreux ou en charpie, comme une vieille étoffe trouée, usée par le temps. Les phrases balbutient ou sont lapidaires, car tous les mots ont été ôtés aux rescapés des camps qui doivent réapprendre le mouvement des lèvres.
Le roman de Jean Cayrol a aussi des visées ontologiques : que peuvent les mots après l’horreur des camps ?
Je vivrai l’amour des autres est un beau roman à la charnière entre deux époques littéraires, après les grands romans existentiels et avant le Nouveau Roman. C’est une œuvre saisissante de vérité et d’émotion retenue.

Jacky GLOAGUEN

mercredi 13 janvier 2010

A rebrousse temps de Philip Kindred Dick


Sous l'effet Hobbart, la terre voit désormais la courbe temporelle s'infléchir pour repartir à contre-sens. Le quotidien est désormais fait de personnes qui régurgitent leurs repas, qui insufflent de la fumée dans des mégots pour reformer des cigarettes, de vêtements sales et trempés de sueur qu'on revêt au matin pour les ôter le soir, propres et les ranger dans l'armoire. Il en va de même des hommes qui rajeunissent au lieu de vieillir, et de manière beaucoup plus dérangeante, des morts qui ressuscitent. Lorsqu'un patron de "Vitarium" aide un "ancien-né" à quitter son tombeau, ce dernier devient sa propriété. Le temps qu'il soit acheter aux enchères par ces proches, ou le plus offrant. Mais lorsque celui qui sort du tombeau est un Leader religieux Afro-Américain charismatique, des intérêts majeurs se font jour et la crainte d'une éventuelle flambée de violence, pousse tout un chacun à tenter de prendre le contrôle du revenant.
Cet hommage transposé, rendu à Malcolm X par le grand Philip K. Dick (Ubik, Blade Runner, le Maître du haut château), est un agréable moment de lecture. Si la plume de l'auteur y ai bien évidemment pour beaucoup, c'est ici le contexte qui prédomine, et quel contexte. Le retour des morts, la population mondiale qui rajeunit jusqu'à retourner dans la matrice originelle, ces petits riens du quotidien qui nous semblent du coup si étrangers. Les personnages s'effacent devant le tableau dépeint d'une société à qui on ravi son avenir, la laissant dé-tricotée elle même avec minutie son passé. Annihilant au passage, jour après jour, toute l'histoire de l'humanité. Une belle occasion pour ceux qui ne connaissent pas l'auteur de le découvrir. Pour les autres dont je suis, une nouvelle occasion de faire un bout de chemin en compagnie d'un des plus talentueux maître de la sciecne-fiction.

Jean-Christophe FRESNAIS

Lettres choisies de Cicéron


Cicéron, né en 106 avant JC, est surtout connu pour ses ouvrages philosophiques et ses discours. Mais il est également l'auteur d'une abondante correspondance aux destinataires variés. C'est une sélection de ces missives que présente ce livre. Classées chronologiquement, de 61 avant JC (sous le consulat) jusqu'à la mort de leur auteur (43 avant JC), elles sont adressées à des personnes aussi diverses que Crassus, Quintus (frère de Cicéron), Tiron (son esclave), Caton, Varon ou César - autant de noms familiers à ceux qui s'intéressent à l'Antiquité. Cicéron s'informe des dernières nouvelles de Rome, commente les Jeux donnés par Pompée, conseille son frère sur ses devoirs de gouverneur, cherche des appuis politiques, disserte des honneurs, ou donne simplement de ses nouvelles aux siens. Une courte introduction permet à chaque fois de comprendre la situation sous-tendant l'écriture de la lettre, apportant un éclairage précieux.   
Il s'agit donc d'une sélection d'une vingtaine de lettres parmi les 800 qui nous sont parvenues. Choisies pour leur diversité de ton et de forme, elles illustrent la souplesse de leur auteur, qui sait parfaitement s'adapter aux circonstances et à ses destinataires. Mais quelles qu'en soient la forme (simple missive, conseils, requête, voire ébauche de traité) ou le style (qui va du plus sérieux au franchement comique lorsque Cicéron évoque les Jeux donnés par Pompée), on y retrouve une langue superbe, élégante et fluide, et une finesse qui les rendent délicieuses à lire. De plus, bien qu'il ne s'agisse que d'un échantillon, perce à travers ces lettres le caractère de leur auteur, aussi bien dans sa subtilité, sa sensibilité et son intelligence que dans ses contradictions et son ambition. Enfin, l'écho des grands évènements trouve une résonnance particulière dans ces textes, offrant un fantastique témoignage sur cette période.
J'ai été transportée par cette lecture : j'ai dévoré ces lettres, d'une prose élégante mais simple, pleine de style et de verve. Au-delà de l'intérêt historique ou anecdotique que j'y ai trouvé, j'ai été séduite par ce qu'elles laissent entrevoir de la personnalité de Cicéron. Je connaissais l'intelligence de l'homme, mais j'ai découvert son humour, sa fragilité et surtout sa sensibilité, comme lorsqu'il s'enquiert de la santé de son esclave, ou lorsqu'il pleure sa fille disparue - une lettre terriblement émouvante. Cet ouvrage est une excellente introduction à la correspondance de Cicéron, et je suis heureuse d'avoir encore quelques 780 lettres à découvrir !  

Fanny LOMBARD

mardi 12 janvier 2010

Un poney des Rocheuses de Henry V. Larom


Le jeune citadin Andy Marvin est ravi de passer l'été dans le ranch de son oncle Wes, dans les Montagnes Rocheuses. Quand, au premier regard, il tombe amoureux d'un poney que maltraite son odieux propriétaire, il n'hésite pas à dépenser toutes ses économies pour l'acheter. Le dressage du petit bronco alezan peut commencer ! Mais bientôt, Andy et Sunny - son nouvel ami à quatre pattes - vont être confrontés aux braconniers et vivre de dangereuses aventures...
Voilà un livre palpitant ! Ce roman que le résumé annonçait simplement comme une histoire d'amitié entre un garçon et son cheval se révèle en fait contenir bien plus. Entre la naissance d'une affection profonde et durable entre Andy et sa cousine Sally – un vrai garçon manqué –, une périlleuse randonnée en montagne pour retrouver un groupe de chevaux égarés, et surtout les confrontations successives avec une bande de dangereux braconniers prêts à tout pour échapper à la justice, le tout dans des conditions climatiques fort défavorables, le rythme ne ralentit pas une seconde. Pour Andy, il s'agit d'un véritable parcours initiatique, qui va transformer le sympathique "dude" (c'est-à-dire un habitant des villes de l'Est des Etats-Unis) peu sûr de lui en un véritable cow-boy entreprenant et courageux, qui aura beaucoup de peine à quitter le Wyoming à la fin de ses vacances !
Le style s'accorde parfaitement à la vie trépidante du jeune héros : Des phrases qui vont droit au but, décrivant les aventures et les pensées d'Andy avec précision mais sans longueurs, tout en ne manquant pas parfois d'une certaine poésie (principalement dans les descriptions de la nature). Des paragraphes courts et de nombreux dialogues soutiennent efficacement l'attention du lecteur. Le livre étant un peu ancien, certaines expressions un peu désuètes émaillent le récit, mais ce côté suranné est plutôt agréable et contribue à mettre le lecteur dans l'ambiance du Far West.
Au final, il s'agit donc d'un excellent roman qui enchantera les jeunes lecteurs, qu'ils soient passionnés de chevaux ou simplement intéressés par le côté aventurier du récit.

Marie-Soleil WIENIN

Leçons de conduite de Anne Tyler


L’histoire commence un matin à Baltimore. Après un long voyage en voiture à travers l’espace, mais aussi à travers la mémoire, elle s’achève le soir même au même endroit, dans une de ces maisons anonymes et pas du tout accueillantes de l’état du Maryland, sur la côte est des Etats Unis.
Maggie et Ira s’en vont à l’enterrement du mari d’une amie. Voilà le mince synopsis qui sert à Anne Tyler pour nous dévoiler son talent de romancière.
Variant les points de vues, déplaçant l’angle de narration et multipliant les dialogues, la romancière relate l’intégralité de la vie d’un couple à travers le périple d’une journée. Sur la route, le couple traîne en pensée toute sa vie, ses coups de sang et ses remords, ses projets avortés et ses désillusions impossibles. La rencontre de monsieur Otis, un vieil homme rongé par l’arthrose devient ainsi le prétexte à une divagation sur le mariage. Pour Maggie, deux ne suffisent jamais, un étranger est toujours à accueillir, qui pour son mari gâche vite l’intimité nécessaire. Au point que même ses propres enfants finissent par lui donner ce sentiment pourtant inadmissible à un père. Tous les mariages se ressemblent, mêmes querelles éculées, mêmes récriminations ruminées, mais aussi ce sont les mêmes blagues, les mêmes mots doux et les mêmes gestes de soutien si affectueux et si plaisants et pourtant si pauvres.
Le long de la Route 1 et des autres chemins empruntés pour le retour, pour aller visiter l’ex belle fille et leur petite fille, la vie se dévoile comme on ne l’imaginait pas à vingt ans. Ira s’est réveillé très tôt un raté, prisonnier de ceux qu’il aime. Ses illusions se sont envolées très vite et pourtant le choc est toujours le même quand la vérité se révèle à nouveau comme la première fois. Car pour rendre la vie supportable, l’oubli la gouverne.
Avec une maîtrise parfaite et un art consommé, Anne Tyler nous offre avec Leçons de conduite un superbe roman plein d’humanité et pourtant sans concessions.

Jacky GLOAGUEN

lundi 11 janvier 2010

Un pont de cendres d e Roger Zelazny

Dans un futur proche, la télépathie, tout en restant rare, est devenue un fait avéré ; plusieurs milliers de télépathes pratiquent leur don professionnellement. Mais ce peut être une malédiction tout autant qu'une bénédiction, comme le montre le cas de Dennis Guise. Ce fils de deux télépathes a une puissance sans précédent : depuis sa naissance, il n'a cessé d'entendre les pensées de gens, bien que ses parents aient déménagé successivement dans des lieux de plus en plus reculés. Les voix continuelles dans sa tête l'ont conduit à la catatonie, il n'a pas de vraie personnalité. Ne pouvant vivre sa vie normalement, il vit la vie des autres, accumulant des expériences diverses en s'insinuant dans leur esprit : Des individus pris au hasard partout dans le monde, et même - après que Dennis ait été isolé sur la Lune - des individus du passé.
Mais tout cela n’est pas le fruit du hasard. Dennis Guise a été manipulé par sa thérapeute Lydia pour devenir celui capable d'aider le mystérieux "homme foncé" dans sa lutte. Contre qui ? Contre des extra-terrestres qui, depuis des millénaires, oeuvrent dans l’ombre, ayant créé l'humanité et la guidant par petites touches dans un but précis : détruire la Terre au moyen du nucléaire, rendant celle-ci inhabitable pour les Humains mais particulièrement accueillante pour les Etrangers...Ce livre est un curieux mélange de plusieurs thèmes : pouvoirs psychiques, écologie (assez précurseur pour ce roman du début des années 80 !), terraformation (bien que réalisée au profit d'extra-terrestres)...
Il n'y a pas beaucoup d'action, mais on ne s'ennuie pas une seconde, bien qu'on ne voie pas toujours où nous conduit l'évolution de ce héros peu commun. Ce qui est très intéressant, c'est de voir celui-ci évoluer tout au long du livre, pour passer de l'état de légume à celui de champion de l'humanité toute entière. Petit à petit, il va découvrir que le passé n'est pas un pont de cendres, et que son esprit peut passer le pont et profiter de ces expériences, ouvrant la voie à l'Humanité future. C'est fascinant de voir Dennis devenir tour à tour quantité d'autres individus ; certaines personnalités sont rapidement écartées, d'autres subsistent plus longtemps et l'auteur prend plaisir à les décrire sur plusieurs pages, comme il le fait par exemple pour plusieurs des grands penseurs de l'Histoire : Archimède, Jean-Jacques Rousseau, Leonard de Vinci... L'enchaînement des expériences est tout à fait ahurissant !

D'autres personnages secondaires, comme les parents du héros, sont également bien campés. Par contre, on peut regretter que l'ennemi ne soit jamais clairement décrit et n'apparaisse vraiment que dans les toutes dernières pages du roman. La conclusion est d'ailleurs un peu brutale par rapport au reste du livre, plus travaillé et délayé.
Le style est très agréable. Les phrases sont simples, mais avec un vocabulaire relativement recherché. Beaucoup de dialogues (audibles ou télépathiques) et de pensées intérieures des personnages donnent une lecture facile et agréable. Le seul élément perturbant pour le lecteur, ce sont les passages où Dennis se confond à une autre personnalité : on a alors des phrases qui restent en suspens, des alternances de "je" et de "il", etc. qui traduisent bien la confusion du héros.
Intéressant et distrayant à la fois, ce roman se dévore en un clin d'oeil !

Marie-Soleil WIENIN

Introduction à la sociologie générale Tome I : L'action sociale de Guy Rocher


Cette « Introduction à la sociologie générale » est devenue, depuis sa parution en 1968-1969, un ouvrage de référence pour tous les sociologues. Les trois volumes qui composent l’ensemble - l’action sociale, l’organisation sociale et le changement social - essaient, chacun à leur tour, « de regrouper les réponses de divers sociologues à chaque question ». Loin d’être indépendantes les unes des autres, l’auteur précise qu’« elles se recoupent en bien des points et sont interdépendantes » (p.11).
Dans le premier tome, consacré à l’action sociale, Guy Rocher tente d’expliquer comment les collectivités humaines existent et se maintiennent et comment l’individu s’y rattache.
Il aborde ainsi les notions de culture, de civilisation et d’idéologie ainsi que  les processus, les mécanismes et les agents de la socialisation. Autant de termes qui sont à la base de toute recherche en sociologie.
Pour une vision claire de l’exposé de l’auteur, mais sans que cela soit une obligation, il est conseillé de par ce premier tome car, dans les parties qui suivent, de nombreuses références renvoient aux volumes précédents.

Pierre SECOLIER

dimanche 10 janvier 2010

Rideau pour le cardinal de Elizabeth Eyrew


Encore une réussite de la série Grands Détectives de 10-18. Cette fois-ci, un duo improbable à la Sherlock Holmes et Docteur Watson œuvre dans les intrigues du pouvoir de l’Italie de la Renaissance : le mystérieux Sigismondo et le malicieux Benno, pas si idiot qu’il ne veut bien le montrer aux yeux de ses contemporains, auxquels il faut adjoindre l’indispensable chien orphelin d’une oreille, Biondello.
Cet opus est le deuxième de la série, et nous retrouvons nos compères aux prises avec de sombres intrigues de cour : trahisons, adultères, meurtres, princesses escamotées, filles déguisées en garçon, courtisanes, amours, malédictions, vengeances, lettres cachées, coffres pleins d’or, sorcières, poison…
Le prince de Montenero découvre sur le lit de mort de sa femme qu’elle l’a trompé et que ses enfants ne sont donc pas de lui. Sa réaction est immédiate et Sigismondo intervient à temps pour sauver sa fille, qui devait épouser le fils du duc voisin. Il la prend sous son aile et fait tout pour déjouer les pièges qui s’ouvrent sous ses pieds, démasquer les traîtres et sauver les innocents.
On entre de plein pied dans ces aventures trépidantes dès le début du livre et l’action ne se ralentit que pour nous faire voir avec beaucoup de précision et d’exactitude la vie dans l’Italie du XVIème siècle. On y voit les mœurs violentes, la justice expéditive, mais aussi la dévotion aux saints et le pouvoir des hommes d’Eglise égal à celui des princes. Les descriptions des cérémonies présidant à l’entrée des reliques dans la ville, l’accueil d’un duc, le mariage entre deux grandes familles sont précises et nous donnent bien à voir à la fois l’ambiance, les décorations, les mêts servis et tous les préparatifs nécessaires à ces fêtes, emblématiques de cette époque. Les scènes de bataille sont également de vrais morceaux de bravoure tandis que les détails vestimentaires sont un vrai délice.
Cet ouvrage est autant à lire pour l’intrigue, bien ficelée et aux multiples rebondissements, que pour les personnages hauts en couleurs et l’arrière-plan historique fidèle et bien documenté.

Mélanie BART

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